La gloire de Pasteur - article ; n°100 ; vol.28, pg 159-169
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Description

Romantisme - Année 1998 - Volume 28 - Numéro 100 - Pages 159-169
En 1906, Le Petit Parisien ouvre un concours, richement doté : le « Jeu des grands hommes », pour désigner les dix Français les plus illustres ayant vécu au XIXe siècle. Pasteur vient en tête, devançant Hugo, Gambetta et Napoléon Ier. La IIIe République a trouvé en Pasteur son saint laïque. Ce résultat, commenté dans l'article, dessine une « icône » de Pasteur, « l'homme qui a vaincu la mort » (1885). Cette icône occulte deux images précédentes du « grand homme » : un grand dans le monde de la chimie et de l'Université, « professeur pas comme les autres », et surtout, à l'échelle du pays, le « sauveur de l'économie française », reconnu par les deux récompenses nationales de 1874 et de 1883, et dont les procédés franchissent les frontières.
In 1906, the newspaper Le Petit Parisien launched a competition, richly endowed, « The game of the Great Men ». It was intended to designate the ten most illustrious Frenchmen of the 19th Century. Pasteur was top of the list, followed by Hugo, Gambetta and Napoleon the First. The Third Republic found in Pasteur the model of its lay-saint. This result, commented upon by the newspaper, created an icon of Pasteur, the man who defeated death (1885). This icon overshadows two previous images of this great man. He was considered great within the world of chemistry and academia, a professor who was not like the others, and for the nation as a whole, he was the saviour of the French economy, acknowlegded by two national awards in 1874 and 1883. His work has crossed many frontiers.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Claire Salomon-Bayet
La gloire de Pasteur
In: Romantisme, 1998, n°100. pp. 159-169.
Résumé
En 1906, Le Petit Parisien ouvre un concours, richement doté : le « Jeu des grands hommes », pour désigner les dix Français les
plus illustres ayant vécu au XIXe siècle. Pasteur vient en tête, devançant Hugo, Gambetta et Napoléon Ier. La IIIe République a
trouvé en Pasteur son saint laïque. Ce résultat, commenté dans l'article, dessine une « icône » de Pasteur, « l'homme qui a
vaincu la mort » (1885). Cette icône occulte deux images précédentes du « grand homme » : un grand dans le monde de la
chimie et de l'Université, « professeur pas comme les autres », et surtout, à l'échelle du pays, le « sauveur de l'économie
française », reconnu par les deux récompenses nationales de 1874 et de 1883, et dont les procédés franchissent les frontières.
Abstract
In 1906, the newspaper Le Petit Parisien launched a competition, richly endowed, « The game of the Great Men ». It was
intended to designate the ten most illustrious Frenchmen of the 19th Century. Pasteur was top of the list, followed by Hugo,
Gambetta and Napoleon the First. The Third Republic found in Pasteur the model of its lay-saint. This result, commented upon by
the newspaper, created an "icon" of Pasteur, "the man who defeated death" (1885). This icon overshadows two previous images
of this "great man". He was considered great within the world of chemistry and academia, "a professor who was not like the
others", and for the nation as a whole, he was the "saviour of the French economy", acknowlegded by two national awards in
1874 and 1883. His work has crossed many frontiers.
Citer ce document / Cite this document :
Salomon-Bayet Claire. La gloire de Pasteur. In: Romantisme, 1998, n°100. pp. 159-169.
doi : 10.3406/roman.1998.3297
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1998_num_28_100_3297Claire SALOMON-BAYET
La gloire de Pasteur *
À l'aune du Panthéon, derechef laïcisé, le XIXe siècle est-il le siècle de Victor
Hugo ou celui de Louis Pasteur? En Sorbonne, de chaque côté des marches qui, dans
la cour d'honneur, mènent à la chapelle, l'un et l'autre ont leur statue : hommage pétri
fié, également rendu aux lettres et aux sciences, au poète et au proscrit de Guernersey,
au savant et au professeur dont la carrière s'est poursuivie sans discontinuité de la
monarchie de Juillet au Second Empire et à la IIP République. L'irénisme de la sta
tuaire dans la cour de la Sorbonne est pertinent à sa date : Pasteur, sans doute, y eût
souscrit, qui rédigea un autographe pour l'anniversaire de Victor Hugo
(26 février 1885) en ces termes : « L'enfant sublime, comme l'a nommé Chateaub
riand, a mérité d'être appelé le sublime vieillard. Devant cette glorieuse longévité, la
France donne un beau spectacle. Son acclamation est un cri de patriotisme l ».
Vingt ans, une génération, les séparent. La longévité de Pasteur (1822-1895) est
moindre que celle de Hugo (1802-1885). Très vite atteint dans ses forces physiques -
une hémorragie cérébrale en 1868 provoquant une hémiplégie gauche, un ictus en
1887 -, c'est « en homme vaincu par le temps », dit-il, qu'il quitte l'École Normale
Supérieure pour l'Institut Pasteur en 1888 : en ce lieu, le maître présent, ses collabor
ateurs, ses élèves poursuivent l'aventure de la microbiologie, de la sérothérapie ant
idiphtérique (Roux, 1894) aux fondements de l'immunologie cellulaire (Metchnikoff,
1884); outre-mer, d'autres lieux se créent, aussi féconds (à Nha-Trang, Yersin, le
bacille de la peste, 1894). Le jubilé de 1892 en Sorbonne, avec l'accolade de Charles
Lister, célèbre chirurgien anglais, en présence du président de la République Sadi Carnot,
marque la reconnaissance d'une carrière scientifique exemplaire, aux dimensions
nationales et internationales 2. La famille proche par les liens du mariage et la famille
pastorienne par les liens de la recherche ont déjà commencé à édifier ce que sera la
statue du savant : René Vallery-Radot, son gendre, publie en 1883 Monsieur Pasteur :
Histoire d'un savant par un ignorant 3. Emile Duclaux, le grand Duclaux, qui
enseigne la chimie biologique à Clermont-Ferrand, puis à la Sorbonne, avant de
prendre la direction de l'Institut à la mort de Pasteur, écrit en 1896 Pasteur, histoire
* Ce travail doit beaucoup au fonds Pasteur à l'Institut Pasteur. Qu'il me soit permis de remercier Brigitte
Ogilvé, responsable des Archives, et Annik Perrot, responsable du Musée, pour leur accueil, leur aide et
leur compétence, inappréciables.
1 . Pasteur, Correspondance générale, réunie et annotée par Pasteur Vallery-Radot, Paris, Grasset-Flam
marion, 1940-1951, t. IV, 7 février 1885, p. 12.
2. 27 décembre 1 892. Le tableau de Rixens, maintes fois reproduit, se trouve à la Chancellerie de Paris,
salle Gréard.
3. Publié chez Hetzel et Cie, éditeurs. La neuvième édition est « augmentée d'un chapitre sur la rage ».
ROMANTISME n° 100 (1998-2) 160 Claire Salomon-Bay et
d'un esprit 4, histoire d'un « savant pas comme les autres » qui a « toujours marché
dans la même voie, en consultant la même boussole », en « traversant des pays bien
divers où il a laissé sa trace » 5.
Une figure de la science
Pasteur est mort à temps : entre le jubilé de 1892 et sa disparition, le témoignage
poignant d'un voyage à Lille, le 31 mai 1894, pour présider la Société des Amis des
Sciences, laisse penser qu'il était bien vaincu par le temps 6; entre sa disparition et la
demande de révision du procès du capitaine Dreyfus, plus de deux ans écoulés : l'image
de Pasteur n'est pas brouillée par les engagements, et Emile Duclaux, qui interviendra
comme « savant » dans l'Affaire, peut en toute sérénité écrire histoire d'un esprit
« dans laquelle [il] laisse de côté tout ce qui est relatif à l'homme pour ne parler que
du savant » 7. Ne serait-ce que par les dates, ni l'homme ni son image n'appartiennent
au genre des « intellectuels » qui prendront parti dans l'Affaire. Il faut prendre à la
lettre le propos de Duclaux qui n'entend parler du savant que dans et par les images
construites le définissant comme une « grande figure de la science ». La singularité
pastorienne se joue entre celle d'un homme et la diversité des domaines explorés
comme des découvertes effectuées : Louis Pasteur, dont le nom à consonance évangé-
lique - le « bon pasteur » - donne naissance certes à une iconographie parodique mais
surtout à des mots d'usage courant, verbe, adjectif, substantif : pastorisation, pasto-
rien, pasteuriser, attestés dès 1872 8. À partir de 1888 le nom propre désigne à la fois
l'homme et son institution, l'Institut vaccinal contre la rage, vite devenu, sous la
plume même du savant, l'Institut Pasteur 9.
Cette singularité réunit trois moments dans le XIXe siècle qui, à titres égaux,
constituent le « grand homme » omniprésent jusqu'à nos jours, au détour d'une rue,
d'un boulevard, d'un établissement scolaire, d'une station de métro ou d'autobus, monument ou d'une statue, dans les épiceries et les supermarchés. Trois
moments, trois composantes ont aboli la durée : la « figure de la science », qui incarne
4. Sceaux, Imprimerie Charain et C"\ 1896. La dernière phrase de ce livre de 395 pages est celle-ci :
« On voit aussi que les médecins avaient raison de le traiter de chimiste. Ils avaient tort seulement de pro
noncer ce mot d'un air dédaigneux. Avec Pasteur, la chimie prenait possession de la médecine. On peut pré
voir qu'elle ne la lâchera pas ».
5. Ibid., p. VI et vil.
6. Les Archives de l'Institut Pasteur et le Musée Pasteur nous ont fourni un très précieux ensemble de
coupures de presse (cotes 16.629-16.640). De cet ensemble, deux extraits relatant cette visite à Lille : Le
Grand Écho du Nord, éd. du matin, 31 mai 1894, « vénérable vieillard [...] les larmes qui lui tombent des
yeux pendant toute la soirée » ; Le Réveil du Nord, même date, « sa caducité ne lui a pas permis cet effort »
(de prendre la parole). Joseph Bertrand, secrétaire perpé

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