La ménopause, chemin de la liberté selon les femmes beti du Sud-Cameroun - article ; n°2 ; vol.73, pg 121-136
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Description

Journal des africanistes - Année 2003 - Volume 73 - Numéro 2 - Pages 121-136
Sur la ménopause les anthropologues hommes et femmes ont longtemps gardé le silence, en Afrique comme en France. Une série de témoignages spontanés a permis d'aborder ce thème avec des femmes beti de la grande forêt du Cameroun. Selon elles la vie sexuelle des femmes, centrée surtout sur la mise au monde d'enfants, cesse dans la société traditionnelle avec l'arrêt des règles car celui-ci détermine la fin des relations conjugales. Fait notable, cette cessation résulte de la seule décision des femmes résolues à « ne plus employer les hommes ». La ménopause marque le début d'une période où la femme, libérée des obligations du mariage, désormais considérée « comme un homme», devient une femme accomplie, susceptible d'exercer d'importantes fonctions, telle autrefois la responsabilité de sociétés secrètes féminines. Ainsi apparaît une vision dynamique et nouvelle de cette nécessaire étape de la condition féminine.
Social anthropologists, both men and women, have long been silent about menopause in Africa. In the Beti traditional society, women's sexual life focuses on procreation. Husband and wife sexual relations stop with menopause, on the wife's decision. From then on, the woman is considered as a man. She can hold important responsibilities, e.g. within female secret societies. These facts lead to a dynamic view of the elderly women's social condition.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 72
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jeanne-Françoise Vincent
La ménopause, chemin de la liberté selon les femmes beti du
Sud-Cameroun
In: Journal des africanistes. 2003, tome 73 fascicule 2. pp. 121-136.
Résumé
Sur la ménopause les anthropologues hommes et femmes ont longtemps gardé le silence, en Afrique comme en France. Une
série de témoignages spontanés a permis d'aborder ce thème avec des femmes beti de la grande forêt du Cameroun. Selon
elles la vie sexuelle des femmes, centrée surtout sur la mise au monde d'enfants, cesse dans la société traditionnelle avec l'arrêt
des règles car celui-ci détermine la fin des relations conjugales. Fait notable, cette cessation résulte de la seule décision des
femmes résolues à « ne plus employer les hommes ». La ménopause marque le début d'une période où la femme, libérée des
obligations du mariage, désormais considérée « comme un homme», devient une femme accomplie, susceptible d'exercer
d'importantes fonctions, telle autrefois la responsabilité de sociétés secrètes féminines. Ainsi apparaît une vision dynamique et
nouvelle de cette nécessaire étape de la condition féminine.
Abstract
Social anthropologists, both men and women, have long been silent about menopause in Africa. In the Beti traditional society,
women's sexual life focuses on procreation. Husband and wife sexual relations stop with menopause, on the wife's decision.
From then on, the woman is considered as a man. She can hold important responsibilities, e.g. within female secret societies.
These facts lead to a dynamic view of the elderly women's social condition.
Citer ce document / Cite this document :
Vincent Jeanne-Françoise. La ménopause, chemin de la liberté selon les femmes beti du Sud-Cameroun. In: Journal des
africanistes. 2003, tome 73 fascicule 2. pp. 121-136.
doi : 10.3406/jafr.2003.1345
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_2003_num_73_2_1345VINCENT*
Jeanne-Françoise
ménopause, chemin de la liberté La
selon les femmes beti du Sud-Cameroun
Résumé
Sur la ménopause les anthropologues hommes et femmes ont longtemps gardé le silence, en
Afrique comme en France. Une série de témoignages spontanés a permis d'aborder ce thème avec
des femmes beti de la grande forêt du Cameroun. Selon elles la vie sexuelle des femmes, centrée
surtout sur la mise au monde d'enfants, cesse dans la société traditionnelle avec l'arrêt des règles
car celui-ci détermine la fin des relations conjugales. Fait notable, cette cessation résulte de la
seule décision des femmes-fefolues à « ne plus employer les hommes ». La ménopause marque le
début d'une période où la femme, libérée des obligations du mariage, désormais considérée
« comme un homme», devient une femme accomplie, susceptible d'exercer d'importantes
fonctions, telle autrefois la responsabilité de sociétés secrètes féminines. Ainsi apparaît une vision
dynamique et nouvelle de cette nécessaire étape de la condition féminine.
Mots-clés
Cameroun, forêt, statut de la femme, mariage précoce, polygamie, veuvage, sexualité féminine,
ménopause, sociétés secrètes féminines
The way to freedom :
menopause as seen by Beti women from South Cameroon
Abstract
Social anthropologists, both men and women, have long been silent about menopause in
Africa. In the Beti traditional society, women's sexual life focuses on procreation. Husband and
wife sexual relations stop with menopause, on the wife's decision. From then on, the woman is
considered as a man. She can hold important responsibilities, e.g. within female secret societies.
These facts lead to a dynamic view of the elderly women's social condition.
Keymords
Cameroon, Beti, female status, female sexuality, menopause, female secret societies.
* Directeur de Recherche au CNRS
j-francoise.vincent^niv-bpclermont.fr
Journal des Africanistes 73-2, 2003 : 121-136 122 Jeanne-Françoise Vincent
C'est tardivement que les femmes africaines ont été étudiées pour elles-
mêmes par les anthropologues. En France Denise Paulme, intrépide tranquille, a
joué un rôle de pionnière en présentant en 1960 ses Femmes d'Afrique noire où,
avec elle, des chercheuses en anthropologie -Marguerite Dupire, Monique
Gessain, Anne Retel-Laurentin... - exposaient le statut et la place réservés aux
femmes dans les sociétés qu'elles étudiaient.
Le livre de Denise Paulme a été le point de départ en France de
nombreuses études, écrites par des femmes sur les femmes d'Afrique, et je me
suis inscrite dans ce courant. Dès mes premiers pas en Afrique, en faisant la
connaissance de femmes toubou du Tibesti tchadien il y a près de quarante ans,
j'avais constaté avec une sorte d'émerveillement l'entente spontanée qui
s'établissait entre nous. Ensuite c'étaient des femmes hadjeray du centre du
Tchad qui, avant mes interlocuteurs hommes, m'avaient introduite dans
l'univers religieux de ces montagnards et, grâce à elles, j'avais pu en faire le
thème de ma première enquête véritablement ethnologique (Vincent 1962).
En tant qu'élève de Denise Paulme, c'est tout naturellement que j'avais
choisi, parmi plusieurs sujets de recherches possibles, l'étude des habitantes des
faubourgs kongo de Brazzaville (Vincent 1966). Sur mon dernier terrain enfin,
les Monts Mandara du Nord-Cameroun, tout en étudiant le pouvoir politique
des princes mofu-Diamaré, je suis retournée auprès des femmes, menant auprès
d'elles des enquêtes qui me permirent de les présenter dans un livre commun
offert à Denise Paulme (Vincent 1979).
Les thèmes abordés avec l'élément féminin de ces sociétés si diverses
avaient été, eux aussi, variés : récits de mariage et de veuvage, montant et
versement de dots, entretien des plantations, rôle économique, et aussi
conception de l'existence et croyances dans le pouvoir de sorciers et de forces
supra-naturelles. Toutefois, si j'avais dû puiser dans ces seuls matériaux pour
exposer les idées de ces groupes sur la vie sexuelle des femmes, j'aurais été
bien en peine d'apporter une contribution valable car je n'avais fait qu'effleurer
ce thème avec ces interlocutrices.
J'avais eu heureusement l'occasion, parallèlement à ces enquêtes, de
travailler chez un autre groupe ethnique, les Beti de la grande forêt du sud du
Cameroun1. Considérée -peut-être un peu vite- comme experte en questions
1 Les Beti constituent une importante population de plus de 500 000 personnes implantée autour
de Yaounde, la capitale du Cameroun, et poussant une pointe vers l'ouest jusqu'à l'océan
Atlantique. Ils sont une composante de l'ensemble Fang qui s'étend au sud du Cameroun et
déborde sur le Gabon et la Guinée équatoriale. Habitants de la grande forêt, les Beti, dispersés en
Journal des Africanistes 73-2, 2003 : 121-136 La ménopause, chemin de la liberté 123
féminines, j'avais accepté d'aller rencontrer les femmes de ce groupe ethnique,
avec mission de mettre en évidence leur statut et leur place dans la société.
Cette fois c'est d'elles-mêmes que ces femmes me parlèrent de leur sexualité -
en même temps que de leurs relations avec les hommes - l'abordant en même
temps qu'un problème particulier, celui de leur ménopause, présentée par elles
comme la fin souhaitable de leur vie sexuelle.
Ces entretiens avaient été rassemblés en un livre vite épuisé (Vincent 1976).
Sollicitée pour sa réimpression j'ai choisi, vingt ans après la parution du
premier ouvrage, de retourner en pays beti où j'ai pu rencontrer de nouvelles
interlocutrices. Retranscrites et annotées, ces conversations - les anciennes et
les nouvelles2 - constituent un corpus centré sur la place de la femme dans la
société beti (Vincent 2001).
Ces témoignages spontanés m'ont permis de participer à une rencontre
récente consacrée à l'étude anthropologique de la ménopause ((Krasberg &
Kosack 2002). Je me suis efforcée d'y exposer ce que, au hasard de ces
conversations, j'avais pu comprendre des idées des femmes beti sur cette étape
de leur vie, décisive selon elles.
En français le terme "ménopause" - emprunt au latin médical signifiant
étymologiquement « arrêt de

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