La Modernisation politique au Japon et l idée de subjectivité chez Maruyama Masao - article ; n°1 ; vol.32, pg 67-83
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La Modernisation politique au Japon et l'idée de subjectivité chez Maruyama Masao - article ; n°1 ; vol.32, pg 67-83

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Ebisu - Année 2004 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 67-83
Maruyama Masao est un des historiens de la pensée politique et un des intellectuels les plus importants du Japon de l'après-guerre. La question qui nous intéresse dans cet article est de savoir dans quel sens il comprend la modernité et comment, en particulier, il la relie à la question du sujet. Maruyama, qui avait commencé par étudier la pensée confucianiste de l'époque d'Edo à l'Université impériale de Tokyo s'est, après la guerre, activement intéressé à de nombreux problèmes contemporains. Analysant le profil psychologique des dirigeants pendant la guerre, il se fait remarquer en développant l'idée de « système de l'irresponsabilité ». Par la suite, dans les années 1960, il entretient le débat en s'intéressant aux couches les plus anciennes de la pensée japonaise.
L'intérêt de Maruyama pour le sujet se comprend mieux lorsqu'on l'examine à la lumière des courants de pensée influents à son époque. Si Maruyama reconnaît l'influence du marxisme, il n'adhère pas à son déterminisme économique. Il lui semble nécessaire de réintroduire le point de vue du sujet dans son analyse de l'histoire. Cette conscience aiguë du problème de la subjectivité, Maruyama la partage avec les membres de Kindai bungaku (Littérature moderne) et la lie à une analyse du pouvoir politique. Enfin, dans le cadre du débat sur la modernisation auquel il prend également part, Maruyama défend l'idée qu'il ne faut pas perdre de vue la question du surgissement de la subjectivité pour saisir le processus de modernisation du Japon.
Maruyama Masao is one of the most important historians of political thought and intellectuals of postwar Japan. This article focuses on how he understands modernity and how, in particular, he links it to the question of the subject. Maruyama, who first studied Edo period confucianist thought at Tokyo Imperial University, became actively interested in numerous contemporary problems after the war. In analyzing the psychological profile of the political and military leaders during the war, he attracted attention in developing his idea of system of irresponsabilty. Afterwards, in the 1960's, he started a debate in studying the oldest stratums of the Japanese thought.
The interest of Maruyama for the subject can be better understood if it is examined at the light of the influential intellectual movements of his time. If Maruyama recognized the influence of marxism, he didn't subscribed to its economic determinism. For him, it was necessary to reintroduce the subject's point of view in his analysis of history. Maruyama shared this sharp conciousness of the problem of subjectivity with the members of the Kindai bungaku (modern literature) and linked it to an analysis of political power. Finally, in the frame of the debate on modernization in which he took also part, Maruyama defended the idea that one should not ignore the question of the development of subjectivity in order to understand the modernization process of Japan.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 22
Langue Français
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Extrait

Shigeki Uno
La Modernisation politique au Japon et l'idée de subjectivité
chez Maruyama Masao
In: Ebisu, N. 32, 2004. pp. 67-83.
Citer ce document / Cite this document :
Uno Shigeki. La Modernisation politique au Japon et l'idée de subjectivité chez Maruyama Masao. In: Ebisu, N. 32, 2004. pp.
67-83.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_2004_num_32_1_1380Résumé
Maruyama Masao est un des historiens de la pensée politique et un des intellectuels les plus importants
du Japon de l'après-guerre. La question qui nous intéresse dans cet article est de savoir dans quel sens
il comprend la modernité et comment, en particulier, il la relie à la question du sujet. Maruyama, qui
avait commencé par étudier la pensée confucianiste de l'époque d'Edo à l'Université impériale de Tokyo
s'est, après la guerre, activement intéressé à de nombreux problèmes contemporains. Analysant le
profil psychologique des dirigeants pendant la guerre, il se fait remarquer en développant l'idée de «
système de l'irresponsabilité ». Par la suite, dans les années 1960, il entretient le débat en s'intéressant
aux couches les plus anciennes de la pensée japonaise.
L'intérêt de Maruyama pour le sujet se comprend mieux lorsqu'on l'examine à la lumière des courants
de pensée influents à son époque. Si Maruyama reconnaît l'influence du marxisme, il n'adhère pas à
son déterminisme économique. Il lui semble nécessaire de réintroduire le point de vue du sujet dans
son analyse de l'histoire. Cette conscience aiguë du problème de la subjectivité, Maruyama la partage
avec les membres de Kindai bungaku (Littérature moderne) et la lie à une analyse du pouvoir politique.
Enfin, dans le cadre du débat sur la modernisation auquel il prend également part, Maruyama défend
l'idée qu'il ne faut pas perdre de vue la question du surgissement de la subjectivité pour saisir le
processus de modernisation du Japon.
Abstract
Maruyama Masao is one of the most important historians of political thought and intellectuals of postwar
Japan. This article focuses on how he understands modernity and how, in particular, he links it to the
question of the subject. Maruyama, who first studied Edo period confucianist thought at Tokyo Imperial
University, became actively interested in numerous contemporary problems after the war. In analyzing
the psychological profile of the political and military leaders during the war, he attracted attention in
developing his idea of "system of irresponsabilty". Afterwards, in the 1960's, he started a debate in
studying the oldest stratums of the Japanese thought.
The interest of Maruyama for the subject can be better understood if it is examined at the light of the
influential intellectual movements of his time. If Maruyama recognized the influence of marxism, he
didn't subscribed to its economic determinism. For him, it was necessary to reintroduce the subject's
point of view in his analysis of history. Maruyama shared this sharp conciousness of the problem of
subjectivity with the members of the Kindai bungaku (modern literature) and linked it to an analysis of
political power. Finally, in the frame of the debate on modernization in which he took also part,
Maruyama defended the idea that one should not ignore the question of the development of subjectivity
in order to understand the modernization process of Japan.Ebisu 32, Printemps-Été 2004
L /A MODERNISATION POLITIQUE AU JAPON ET
L'IDÉE DE SUBJECTIVITÉ CHEZ MARUYAMA MASAO1
uno shige
Université de Tokyo ^^
Maruyama Masao % LU 31 M (1914-1996) fut l'un des meilleurs
politologues japonais après 1 945, et l'un des intellectuels les plus importants
de l'archipel au xxe siècle. Historien de la pensée politique japonaise, il
s'intéressa à de nombreux auteurs (Ogyû Sorai Dc4.fâf^ (1666-1728) et
Fukuzawa Yukichi $l?Riypf (1834-1901) notamment), et courants de
pensée importants. Il travailla aussi sur l'histoire des idées, en particulier sur
la dialectique entre loyauté et trahison dans l'histoire japonaise. Analyste
de la culture contemporaine, il tenta d'éclairer le profil psychologique des
dirigeants politiques et militaires pendant la guerre. Il fut aussi un leader
de l'opinion publique, surtout lors de la conclusion du Traité de paix en
1951 et de la signature du nouveau Traité de sécurité entre le Japon et les
Etats-Unis en 1960.
Il est possible d'aborder les travaux de Maruyama sous des angles variés,
mais je m'attacherai ici exclusivement à son analyse de la modernisation
politique du Japon. Je partirai d'une critique que ses adversaires n'ont
cessé de lui adresser depuis les années 1970 : celle d'être un idéologue
typiquement « moderniste » {kindai-shugisha àilftîÈii^). Maruyama
serait un admirateur inconditionnel de l'Europe et idéaliserait la modernité
européenne, faisant d'elle un repère universel. Son sentiment d'infériorité
envers l'Occident l'inciterait à juger l'état du Japon par rapport à l'Europe et
à ignorer les singularités japonaises, le conduisant à une critique injuste.
Il me semble au contraire que Maruyama est loin d'être un adorateur
aveugle de l'Europe. Son parcours intellectuel se présente plutôt comme
un dialogue entre la modernité européenne et l'expérience japonaise.
La question qui m'intéresse ici est de savoir dans quel sens Maruyama
comprend la modernité. Il est difficile de définir précisément ce que
signifie cette notion pour Maruyama, mais il est certain qu'elle est pour
lui étroitement liée au problème de la subjectivité2. C'est même pour
analyser le problème de la subjectivité que Maruyama aborde la question
de la modernité. Entendue au sens large (il ne la comprend pas forcément
1 Cette présentation est issue d'une intervention au Séminaire sur le Japon et l'Asie
contemporains à la Maison Franco-Japonaise, le 20 février 2004. UNO Shigeki 68
dans son sens philosophique, mais emploie aussi ce mot dans un contexte
politique et social), la subjectivité est pour lui un enjeu théorique et
pratique majeur.
Je voudrais d'abord présenter succinctement la vie de Maruyama et la
place qu'il occupa dans le monde intellectuel japonais de son époque. Je
tenterai de montrer ensuite que ses œuvres contiennent deux interprétations
de l'histoire japonaise, qui témoignent chacune de sa propre conception de
la subjectivité.
Repères biographiques
Maruyama naquit en 1914 à Osaka, mais il grandit à Tokyo. Grâce
à son père Maruyama Kanji ^Llill^tn (1880-1955), journaliste politique
célèbre à l'époque, il fut élevé dans une ambiance intellectuelle et libérale.
Hasegawa Nyozekan H^JUiDJUPI (1875-1969), journaliste important
de l'ère Taishô et ami intime de son père, exerça une grande influence sur
lui, lui donnant le goût à la fois de la culture libérale anglo-saxonne et de
la culture traditionnelle d'Edo.
Le parcours scolaire de Maruyama est typiquement celui des élites
japonaises de son époque, la deuxième génération de la classe intellectuelle
du Japon moderne. Selon les statistiques, seuls 2,5% des jeunes gens de
sa génération avaient accès à l'enseignement supérieur et un tiers d'entre
eux pouvaient faire leurs études à l'université. Maruyama termina ses
études à l'Université impériale de Tokyo, avant d'y devenir assistant dans
la Faculté de droit et de politique. Il reçut un enseignement fondé sur les
modèles occidentaux, où dominait en particulier la philosophie allemande :
Kant, Hegel et les néo-kantiens comme Windelband et Rickert. Son
professeur Nanbara Shigeru $îJ^ft (1889-1974) était un spécialiste de
Kant et de Fichte3. Après ses études universitaires, Maruyama choisit de
mener des recherches sur la pensée politique des confucianistes japonais de
l'époque d'Edo, suivant en cela les conseils de son patron Nanbara, qui le
poussait, contre la tendance nationaliste réactionnaire des années 1930, à
s'intéresser à la pensée japonaise.
2 Le terme de « subjectivité » que j'ai choisi pour traduire en français le mot japonais
shutai-sei ZËfàfë n'est qu'un expédient. Bien que le mot shutai-sei ait été inventé pour
rendre la notion occidentale de subjectivité, les deux termes ne sont pas absolument
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