La sensation, l image et l hallucination chez Taine - article ; n°1 ; vol.26, pg 117-150
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Description

L'année psychologique - Année 1925 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 117-150
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1925
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

P. Quercy
VII. La sensation, l'image et l'hallucination chez Taine
In: L'année psychologique. 1925 vol. 26. pp. 117-150.
Citer ce document / Cite this document :
Quercy P. VII. La sensation, l'image et l'hallucination chez Taine. In: L'année psychologique. 1925 vol. 26. pp. 117-150.
doi : 10.3406/psy.1925.6239
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1925_num_26_1_6239VII
LA SENSATION, LIMAGE ET L HALLUCINATION
CHEZ TAINE
Par P. Quercy
Si je ne me trompe, on n'est pas très certain que l'hallucina
tion, ce vaste et fécond phénomène, existe. On a établi, je crois,
que le comportement hallucinatoire tout entier peut se réaliser
sans hallucinations 1 ; on a pu dire que « l'halluciné » le plus
catégorique et le plus conséquent nous trompe, quand il dit
« entendre » des voix 2 ; on a soutenu que les intoxiqués, dans
le plein épanouissement de leur délire onirique, ne sont pas
hallucinés3; l'hypothèse de travail où toutes les hallucina
tions ne sont que des interprétations, se fait enfin de plus en
plus audacieuse 4, mais nul ne sait si le démembrement de
l'hallucination aboutira à sa disparition totale et, pour le mo
ment, tout psychiatre pourrait aisément présenter des hallucinés
irréductibles.
Taine a montré mieux que personne ce que l'hallucination
doit être, ce qui semble prouver son existence et quel est son
immense rôle. Il n'est donc pas inutile, au moment où l'hall
ucination est menacée, de relire l'œuvre de son apôtre.
1. Quercy, Ann. Méd. Psych., mars-avril 1920, juillet-août 1920, jan
vier 1921. Encéphale, mai 1920, juin 1920, novembre et décembre 1920,
Journal de Psychologie, juillet 1922.
2. Ghaslin, Arnaud, Ann. Méd. Psych., 1920, p. 381.
3. Legrain, Ann. Méd. Psych., 1921, p. 393.
4. Revault d'Allonnes, Ann. Méd. Psych., 1926, p. 43. 118 MÉMOIRES ORIGINAUX
L'hallucination dont il va être ici question est une percep
tion faite de sensations sans objet, survenant dans le silence
des sens, quand les centres perceptifs sont excités« du dedans »
par les souvenirs. — Cette « définition » est naturellement
susceptible de modifications et d'abandon, mais elle est encore
défendable. Des faits tels que les images consécutives nous
ont habitués à distinguer la sensation de son objet ; l'inactivité
des sens n'est sans doute [qu'une limite, mais le silence noc
turne et des oreilles qui ne bourdonnent pas, un écran de
papier gris devant des yeux sans phosphènes, constituent pour
les images auditives et visuelles un « fond » acceptable et il
serait actuellement excessif d'en faire l'équivalent d'un objet,
d'exiger sa suppression et de n'accepter l'hallucination qu'à
ce prix ; les centres dits perceptifs ne sont niés par personne et
l'on n'a pu encore se passer de territoires corticaux dont l'acti
vité réponde à la sensation et le silence aux cécités et surdités ;
on est enfin obligé d'admettre que si les centres sensitifs
peuvent recréer la en l'absence de l'objet, il faut quel
que chose pour les ébranler, esprits animaux, empreintes,
clichés, fiches, souvenirs purs... — A l'heure actuelle, ce serait
vouloir tout embrouiller qu'ajouter ou substituer à ces él
éments de définition les notions d'automatisme, de fragmentat
ion de la personnalité, de synthèse mentale imparfaite, de
non-appropriation au moi et autres acrobaties verbales. Nous
verrons que Taine ne les ignore pas.
Quelle est donc, pour un contemporain de philosophies telles
que, par exemple, le Bergsonisme 1 et pour des observateur«
malveillants des gens qu'on dit hallucinés, la physionomie de
la théorie des réducteurs ?
D'après Taine, si on se mêle d'étudier scientifiquement l'i
ntelligence, il faut commencer par se débarrasser d'une foule de
préjugés vieux comme la philosophie, d'une merveilleuse vital
ité, congénitaux peut-être : croyance en des substances, en des
formes, affirmations rebattues où il est dit que le tout condi
tionne les parties, que la cause contient son effet, que le supé
rieur seul peut expliquer l'inférieur, .préjugés du moi, préjugés
de facultés dont sensations, souvenirs, jugements, seraient leè
actes. Il n'y a pas de substances, de formes, de facultés, il n'y
a que des faits.
1. Tout au long de Matière M Mémoire, Bergson ne cesse de viser Taine et,
sans chercher à traiter ici la question « de Taine à Bergson *,bous ferons
plusieurs fois allusion à celui-ci. P. QUERCT. LA SENSATION, L'IMAGE ET l'hALLUCINATIONjETC. 119
Qu'on les analyse et, de décomposition en décomposition,
on aboutira, tant pour l'univers mental que pour l'univers
matériel, à un élément ultime, unique, dont tout le reste est
l'œuvre. — On se saisira de l'élément psychologique, la « sen
sation élémentaire », partout identique à elle-même, et il suf
fira de faire varier convenablement le nombre, les groupements
et les successions de ses exemplaires, pour, avec elle seule,
reconstruire la vie psychologique entière, dans sa diversité.
On disait : jamais des éléments ne feront un organisme,
jamais des parties ne feront un tout, jamais l'inférieur n'expli
quera le supérieur, jamais des effets ne seront plus riches que
leurs causes, jamais on ne se passera réellement de la substance
et de la forme. — Pour un Taine, tout cela n'est que rêverie ;
dès qu'on a l'élément et qu'on sait l'associer à lui-même, on
obtient tout.
Mais l'élément n'est pas un atome et n'est pas immuable.
L'élément est un phénomène, un changement, un mouvement ;
c'est même un mouvement pur x et, quand les éléments se
groupent pour se dépasser, ils se transforment 2, chacun devant
ce qu'il est à l'action de tous les autres. Ils n'ont rien de l'immut
abilité atomique, ils sont changeants et, dans leurs édifices, le
tout conditionne les parties. Une chose, un moi par exemple,
n'est pas une somme, mais un tout et, mieux encore, la réalité
est continue ; c'est notre esprit, probablement guidé par les
besoins de la vie, qui la décompose en choses et la découpe en
tranches arbitraires 3 ; c'est parce qu'il faut vivre, répète Taine
à son tour, c'est pour vivre * et non pour philosopher, que nous
prenons de l'univers qui nous baigne la conscience mensongère
et morcelée que l'on sait.
Dans ses lointains, la pensée de Taine s'écarte donc de l'ato-
misme pour rejoindre, dans le passé et dans l'avenir, des doc
trines qu'on aime à dire plus compréhensives ; mais, dans la
pratique, il faut en rabattre et tout va se passer comme si les
exigences scientifiques avaient refoulé Taine dans l'atomisme
le plus strict : sa continuité n'est que contiguïté B, il n'y a rien
au-dessus de la sensation et si, dans leurs groupements, les élé-
jnents se modifient et se dépassent, c'est par une nécessité
1. V. par ex., I, p. 8, p. 349 et II, p. 113,
2.-.V. par II, p. 6, 65, etc. (pagination de la 9e édition).
3. V. par ex., I, p. 344-5.
4. V. surtout le chap, sur l'éducation des sens.
5. V. par ex., II, p. 53. -• y
120 MÉMOIRES ORIGINAUX
naturelle qu'il n'y a pas lieu de scruter ; l'œuvre scientifique est
achevée le jour où elle aboutit, par exemple, à des affirmations
comme celles-ci :
Une image, livrée à son évolution spontanée, a tous les carac
tères d'une sensation, c'est une hallucination, une sensation
endogène.
Quand une sensation endogène entre en conflit avec une
sensation exogène, provoquée par un objet, elle passe à l'état
d'image et perd ses caractères sensoriels.
Quand on a obtenu des lois de ce genre, tout est dit et la
réduction des images est aussi connue qu'elle peut l'être.
***
Pour trouver l'élément psychique, quelle méthode suivre ?
L'introspection est faible, à courte vue et, dans les rares occa
sions où elle peut jouer, elle ne porte guère que sur une grisaille
de faits extrêmement compliqués. Il faut, à tout prix, trouver
des faits typiques, simples et gros. C'est la pathologie mentale
qui les fournira et Taine n'hésite pas à écrire sans

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