La suggestibilité au point de vue de la psychologie individuelle - article ; n°1 ; vol.5, pg 82-152
72 pages
Français

La suggestibilité au point de vue de la psychologie individuelle - article ; n°1 ; vol.5, pg 82-152

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
72 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

L'année psychologique - Année 1898 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 82-152
71 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1898
Nombre de lectures 184
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Alfred Binet
La suggestibilité au point de vue de la psychologie individuelle
In: L'année psychologique. 1898 vol. 5. pp. 82-152.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. La suggestibilité au point de vue de la psychologie individuelle. In: L'année psychologique. 1898 vol. 5. pp. 82-152.
doi : 10.3406/psy.1898.3046
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1898_num_5_1_3046IV
LA SUGGESTIBILITÉ
AU POINT DE VUE DE LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE
Un livre récent de Sidis sur la psychologie de la suggestion,
et quelques articles parus dans des revues américaines, quelques
expériences citées dans un opuscule italien, m'ont donné la
pensée d'écrire des réflexions sur la suggestion à l'état normal;
j'y joindrai des expériences inédites que j'ai faites il y a envi
ron trois ans dans des écoles primaires, expériences qui, bien
entendu, n'ont aucune relation avec l'hypnotisme, puisque la
pratique de l'hypnotisme est, avec raison, sévèrement interdite
dans les écoles. L'objet de cette revue est la suggestion à l'état
normal, — plus exactement encore : la dans la vie.
C'est un sujet qui a été rarement traité avec le sérieux qu'il
mérite. La question qui s'en rapproche le plus, parmi celles
dont parlent les auteurs compétents de l'hypnotisme, est celle
de la suggestion pendant l'état de veille, mais ce n'est abso
lument pas la même chose . Les expériences de suggestion
pendant l'état de veille consistent bien à travailler sur une
personne non endormie, mais les procédés qu'on emploie
pour l'influencer sont absolument les mêmes que si on l'avait
endormie; on ne l'endort pas au préalable, voilà toute la diff
érence. Au lieu de lui répéter d'abord pendant longtemps :
«dormez! dormez! vos yeux se ferment, le sommeil vient, etc. »,
on la prend à l'état de veille, et sans préparation apparente,
on lui donne la série de suggestions qu'on ferait sur une per
sonne réellement hypnotisée; cette manœuvre réussit, entre
des mains habiles, pour suggestionner à l'état de veille non
seulement des sujets dressés à l'hypnotisme, mais encore des
sujets qui n'ont jamais été endormis avant ce premier essai de
captation. Charles Richet et Bernheim, si je ne m'abuse, sont
les premiers initiateurs de cette méthode rapide. A. BINET. — LA SUGGESTIBILITÉ 83
De bons juges se sont demandé s'il y a une très grande
différence, au fond, entre ces suggestions à l'état de veille et les
suggestions de l'hypnotisme. Beaucoup de réserves sont à faire.
Tout d'abord, par leur allure, par leur aspect général, par leur
signification, les deux genres d'expérience s'équivalent; il n'y
a entre elles qu'une petite différence de technique : le sommeil
préalable. Or, on n'est pas encore bien d'accord sur la nature
psychologique et physiologique de cet état particulier de som
meil qu'on appelle l'hypnotisme. Pour ceux — et ils sont nomb
reux, aujourd'hui — qui se rattachent aux idées de ce qu'on
appelle l'Ecole de Nancy, cet état d'hypnotisme, en tant qu'état
nerveux distinct de la suggestion et de la suggestibilité, n'existe
pas; « il n'y a pas d'hypnotisme, il n'y a que de la suggestion2 ».
Par conséquent, dans cette doctrine, la suggestion à l'état de
veille et la suggestion dans l'état de sommeil sont deux mêmes
choses sous des étiquettes différentes : tout au plus pourrait-
on dire que la seconde espèce de suggestion est seulement plus
lente, plus circonspecte, car avant de suggérer telles ou telles
actions thérapeutiques, on fait une préliminaire de
calme, d'obéissance, de repos et de sommeil, qui prépare les
voies, et facilite le succès.
A l'inverse, les auteurs qui soutiennent que l'état d'hypno
tisme est un état bien défini, ayant des caractères psycholo
giques, consistant dans une diminution de résistance et de sens
critique, peuvent admettre que lorsqu'une suggestion à l'état
de veille réussit aussi exactement que pendant le sommeil hyp
notique, cela tient à ce que le sujet était dans des dispositions
mentales telles que sa résistance et son sens critique ont pu
être supprimés tout d'un coup, et que par conséquent une
ébauche d'état hypnotique a pu se produire.
Je présente ici ces considérations pour bien montrer que les
suggestions à l'état de veille, telles qu'elles ont été pratiquées
par des hypnotiseurs usant de leur méthode habituelle, se rat
tachent étroitement aux suggestions de l'hypnotisme, et font
un petit chapitre de la question d'ensemble.
Il en est tout autrement de la suggestion à l'état normal.
Cette question est, à mon avis, à peine ébauchée, et cependant
elle est pleine d'avenir. Les traités ordinaires d'hypnotisme,
de suggestion et de magnétisme animal en parlent peu; on y
(I) Cette affirmation, due à Bernheim et à Delbœuf, a été développée
par P. Hartenberg dans la Revue de l 'hypnotisme, janvier 1898, p. 211. MÉMOIRES ORIGINAUX 84
trouve sans doute des considérations générales sur ce sujet,
mais pas d'expériences; tous les développements qu'on expose
semblent avoir uniquement pour but de montrer que la vie
normale renferme les germes de toutes ces expériences bril
lantes d'hypnotisme qui ont excité l'enthousiasme du vulgaire
et le scepticisme des savants; on a donc cherché à citer et ana
lyser tous les cas possibles où il se produit dans la vie réelle
des faits comparables à ceux des expériences de suggestion.
Si légitime que soit ce rapprochement — dont on a, du reste,
un peu exagéré la portée — il me paraît certain que c'est là
examiner les faits de la vie normale sous un point de vue très
étroit. La vie normale est autrement vaste et complexe que
toutes les suggestions d'hypnotisme; elle mérite bien, ce me
semble, qu'on la prenne comme point de départ d'une étude, et
c'est ce que de récents auteurs ont compris. Ils ont fait des
recherches, des expériences sur la suggestibilité à l'état normal,
sans avoir la préoccupation d'y retrouver les particularités révé
lées par l'hypnotisme, et c'est ainsi que des observations toutes
récentes sont entrées dans la science. C'est une nouvelle voie
qui s'est ouverte.
Les avantages de ces recherches si originales sont multiples :
d'abord, elles auront le mérite de nous faire connaître un jour
les caractères précis de l'état mental qu'on appelle la suggestib
ilité, qui seront décrits en utilisant régulièrement
l'introspection de sujets intelligents et exercés. En second lieu
— et c'est là le point auquel je tiens le plus — elles permettront
de mesurer la suggestibilité de chaque personne; par là elles
rendront un grand service à la psychologie individuelle. Le
degré de est une des caractéristiques les plus
importantes de l'individu. Des études déjà anciennes de V. Henri
et de moi dans les écoles nous ont montré qu'on peut diviser
les élèves en trois catégories : 1° ceux qui exercent une sugges
2° ceux qui la subissent ; 2° qui se tiennent à l'écart, tion ;
n'exerçant pas la suggestion et ne la subissant pas. Toutes les
fois qu'on cherche à classer les caractères d'une manière utile,
d'après des observations réelles et non d'après des idées a priori,
on est amené à faire une large part à la suggestibilité. Tissié,
utilisant les remarques qu'il a faites dans le monde des sports,
sur les entraîneurs et les entraînés, divise les caractères en
trois catégories, qui ne sont au fond que des catégories de sug
gestibilité : 1° les automatiques, ceux qui obéissent passivement
et sans répliquer, les modèles de la discipline aveugle ; 2° les A. BINET. — LA SUGGESTIBILTTÉ 85
sensitifs, ceux dont on obtient l'obéissance en s'adressant à
leurs sentiments; 3° les actifs, les volontaires, qui sont eux-
mêmes, qui ont leur personnalité tranchée, et sur lesquels on
ne peut pas agir directement, mais seulement par esprit de
contradiction; 4

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents