La violence ethnique à l épreuve des faits : le cas du Nigeria - article ; n°176 ; vol.44, pg 857-882
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Tiers-Monde - Année 2003 - Volume 44 - Numéro 176 - Pages 857-882
Marc- Antoine PÉROUSE de Montclos — Ethnic violence in the face of facts : The case of Nigeria
Reputed as one of the most violent countries of Africa, Nigeria has gone through numerous conflicts, which don't correspond to lineage patterns only. In fact, power networks and ethnic identities first constitute a handy mode of mobilisation for politicians rivalling at State control and the resources thereto. Given such a viewpoint, tribal explanations of violence are profoundly reductive. Considered within the federal framework, which upholds indigenous rights, community disputes, in reality, obey dynamics « from below » just as those « from above ».
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marc-Antoine Pérouse de
Montclos
La violence ethnique à l'épreuve des faits : le cas du Nigeria
In: Tiers-Monde. 2003, tome 44 n°176. pp. 857-882.
Abstract
Marc- Antoine PÉROUSE de Montclos — Ethnic violence in the face of facts : The case of Nigeria
Reputed as one of the most violent countries of Africa, Nigeria has gone through numerous conflicts, which don't correspond to
lineage patterns only. In fact, power networks and ethnic identities first constitute a handy mode of mobilisation for politicians
rivalling at State control and the resources thereto. Given such a viewpoint, tribal explanations of violence are profoundly
reductive. Considered within the federal framework, which upholds indigenous rights, community disputes, in reality, obey
dynamics « from below » just as those « from above ».
Citer ce document / Cite this document :
Pérouse de Montclos Marc-Antoine. La violence ethnique à l'épreuve des faits : le cas du Nigeria. In: Tiers-Monde. 2003, tome
44 n°176. pp. 857-882.
doi : 10.3406/tiers.2003.5429
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2003_num_44_176_5429LA VIOLENCE ETHNIQUE
À L'ÉPREUVE DES FAITS:
LE CAS DU NIGERIA
par M arc- Antoine Pérouse de Montclos*
Réputé pour être un des pays les plus violents d'Afrique, le Nigeria
est traversé de nombreux conflits qui ne répondent sûrement pas qu 'à des
logiques de type lignager. En fait de réseaux de pouvoir, les identités
ethniques constituent d'abord un mode de mobilisation commode pour les
politiciens qui se disputent le contrôle de l'État et des ressources attenant
es. De ce point de vue, les analyses tribales de la violence s'avèrent
extrêmement réductrices. Dans le cadre d'une structure fédérale qui a
privilégié le droit des autochtones, les disputes communautaires obéissent
en réalité à des dynamiques « par le bas » autant que « par le haut ».
En vertu de certains présupposés culturalistes, l'ethnie est couram
ment perçue comme un facteur de violence en Afrique. Les analyses
invoquant le « tribalisme », pourtant, montrent vite leurs limites car
elles ignorent trop souvent les ressorts économiques et politiques des
affrontements communautaires. En réalité, l'identité ethnique résulte
essentiellement d'une construction historique qui se définit en creux,
notamment par opposition à des groupes rivaux. Très manipulées, les
affiliations lignagères constituent d'abord un mode de mobilisation
autour d'un socle fluide, en permanence remanié suivant les besoins
du moment. Le cas du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, réputé
pour son extrême violence, le montre bien si l'on considère les nomb
reux autres clivages qui y structurent les compétitions pour le pou
voir : conflits de générations, divergences partisanes, antagonismes
religieux, stratifications sociales, rapports de genres, querelles de ter
roir amplifiées par un fédéralisme ambigu...
* Politologue, IRD.
Revue Tiers Monde, t. XLIV, n° 176, octobre-décembre 2003 858 Marc-Antoine Pérouse de Montclos
Deux principales thèses expliquent alors la surdétermination poli
tique de la violence du fait ethnique au sud du Sahara. L'une, qui
séduit beaucoup les Nigeérians, insiste sur la crise économique et les
plans d'ajustement structurel de la Banque mondiale qui, à partir de la
deuxième moitié des années 1980, ont exacerbé des solidarités commun
autaires devenues un moyen privilégié d'accéder à des ressources de
plus en plus rares. Depuis le retour des civils au pouvoir en 1999,
l'autre thèse, qui a plutôt la faveur des Occidentaux, soutient que la
transition démocratique a laissé libre cours à de dangereux discours
ethnicistes et xénophobes, voire séparatistes ou irrédentistes. Souli
gnant l'incapacité des Africains à s'adapter à un mode de gouverne
ment parlementaire, un pareil constat déplaît évidemment à l'intell
igentsia nigériane, qui rétorque qu'en réprimant la liberté d'expression
politique, les dictatures ont, au contraire, étouffé les débats idéolo
giques et favorisé un repli sur les allégeances locales1.
En fait, ni les juntes militaires ni les régimes civils n'ont réussi à
museler les revendications de forme identitaire. Il serait trompeur
d'imaginer que l'armée, de par son esprit de corps et son orientation
jacobine, peut contenir la violence, maintenir l'ordre et garantir l'unité
de la fédération nigériane. C'est sous la férule des militaires que le
pays a connu les pires moments de son histoire postcoloniale, avec la
guerre de sécession du Biafra, qui a causé la mort d'environ un million
de personnes entre 1967 et 1970. La mauvaise «performance» des
administrations civiles en la matière vient en partie, elle, d'une trans
parence plus grande que dans le cadre de gouvernements militaires
dont l'opacité fut longtemps symbolisée par les sinistres lunettes noires
du général Abacha, au pouvoir entre 1993 et 1998. Depuis les élections
de 1999, le jeu de la compétition parlementaire a rendu nettement plus
visibles les manipulations régionalistes et lignagères des politiciens.
Une étude objective et pluridisciplinaire de l'orientation ethnique
et de la violence des luttes pour le pouvoir au Nigeria nécessite donc
que l'on dépasse l'opposition entre régimes civils et régimes militaires,
une dichotomie largement transcendée par des alliances d'intérêts bien
compris. Une analyse rigoureuse requiert de surcroît que l'on critique
les présentations réductrices d'un pays divisé le long du fleuve Niger et
de son affluent la Bénoué, entre un Nord musulman haoussa, un Sud-
Est catholique à dominante ibo et un Sud-Ouest yorouba sous
l'influence des Églises protestantes. Malgré leurs vocations hégémon
iques, aucun de ces prétendus blocs régionaux n'est homogène et ne
1. Wole Soyinka [1996], The Open Sore of a Continent : A Personal Narrative of the Nigerian Crisis,
Londres, Oxford University Press, p. 139. La violence ethnique à l'épreuve des faits 859
suffit à expliquer la structuration du champ politique. Les Big Three
yorouba, ibo et haoussa, ainsi qu'on les appelle, ne représentent qu'à
peine la moitié de la population nigériane et sont travaillés par
d'intenses conflits internes. Un examen approfondi oblige plutôt à
affiner l'analyse à travers des cercles de plus en plus étroits, depuis les
relations extérieures du Nigeria jusqu'aux troubles d'ordre clanique, ce
en passant par l'opposition Nord-Sud, l'effervescence du tripode
yorouba-ibo-haoussa, les divergences entre les Big Three et les « minor
ités », les litiges entre régions et les disputes communautaires à
l'intérieur d'un État fédéré ou d'une collectivité locale.
Assurément, la question ethnique n'est qu'un aspect parmi d'autres
de la violence politique au Nigeria. Les clivages sociaux, professionn
els, partisans et religieux constituent autant de « foyers de mobilisa
tion concurrents »'. Pour notre part, nous y voyons l'imbrication
- plutôt que la superposition - de réseaux dont les intérêts convergent
ou divergent selon les circonstances. De multiples facettes identitaires
insèrent les Nigérians dans un ensemble complexe de lobbies se recou
pant les uns les autres, à l'image de ce syndicaliste yorouba et musul
man qui pourrait tout à la fois défendre des intérêts de classe, pro
mouvoir les idéaux religieux du Nord et voter pour un parti
régionaliste du Sud-Ouest.
I. À LA RECHERCHE DE L'ETHNIE PERDUE
Commençons par une évidence : les luttes pour le pouvoir au Niger
ia transcendent les différences ethniques. Surévaluée pendant la
période coloniale puis critiquée par les anthropologues après les Indé
pendances, la notion d'ethnie, en tant qu'instrument d'analyse, se
révèle difficile à définir d'après des critères linguistiques, territoriaux,
biologiques, culturels ou religieux. En effet, elle ne recoupe pas forcé
ment la typologie des langues vernaculaires. Composés de communaut
és artificiellement regroupées par les Britanniques au moment de la
colonisation, les Ibo, par exemple, parlent des dialectes fort variés et
n'ont jamais r&

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