Laurent Muller L2 COURS
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Patrick Colin et Laurent Muller – Introduction à la sociologie – MSCS 12B – UE2 – SOCIOLOGIE – L2 Réussir en Licence Introduction à la sociologie et aux méthodes des Sciences Sociales MSCS 12B Patrick Colin et Laurent Muller Page introductive commune Le dictionnaire Le Petit Robert définit le mot de sociologie, crée en 1830 par Auguste Comte, comme étant (je cite) : « L’étude scientifique des faits sociaux humains, considérés comme appartenant soit à un ordre particulier (sociologie thématique : de la santé, de l’immigration ou de la famille…) soit étudiés dans leur ensemble à un haut degré de généralité. Il s’agit alors de l’étude des grands principes (paradigmes) de la relation humaine en société ». L'humeur et le èmeprojet sociologiques sont nés à la fin du XIX siècle du sentiment que l'ordre économique, social et politique ne sont pas naturels. Ils ont été imposés aux peuples par la force, par l'habitude, bref par l’arbitraire. Fille de la révolution Française (1789) ainsi que de la révolution industrielle, la sociologie s’inscrit dans une longue tradition de la contestation sociale. La sociologie est une discipline universitaire, une science de la culture, qui se situe à l’interface entre la psychologie (subjectivité) et la démographie (objectivité), entre l’étude de l’individu singulier que je suis, que vous êtes, et le dénombrement des milliards d’humains vivant sur la planète. Elle a, en fait, pour objet l’étude des collectifs humains ...

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Patrick Colin et Laurent Muller – Introduction à lasociologie – MSCS 12B – UE2 – SOCIOLOGIE – L2
Réussir en Licence  Introduction à la sociologie et aux méthodes des Sciences Sociales MSCS 12B Patrick Colin et Laurent Muller  Page introductive commune
  Le dictionnaireLe Petit Robertmot de sociologie, crée en 1830 par Auguste Comte, le  définit comme étant (je cite) : «L’étude scientifique des faits sociaux humains, considérés comme appartenant soit à un ordre particulierthématique : de la santé, de l’immigration ou de(sociologie la famille…)haut degré de généralité. Il s’agit alors de soit étudiés dans leur ensemble à un l’étude des grands principes (paradigmes) de la relation humaine en société». L'humeur et le projet sociologiques sont nés à la fin du XIXèmesiècle du sentiment que l'ordre économique, social et politique ne sont pas naturels. Ils ont été imposés aux peuples par la force, par l'habitude, bref par l’arbitraire. Fille de la révolution Française (1789) ainsi que de la révolution industrielle, la sociologie s’inscrit dans une longue tradition de la contestation sociale. La sociologie est une discipline universitaire, une science de la culture, qui se situe à l’interface entre la psychologie (subjectivité) et la démographie (objectivité), entre l’étude de l’individu singulier que je suis, que vous êtes, et le dénombrement des milliards d’humains vivant sur la planète. Elle a, en fait, pour objet l’étude des collectifs humains et leurs incidences imparfaitement conscientisées par les êtres que nous sommes. «Puisque les individus ont des raisons de faire ce qu’ils font, il est facile de comprendre qu’ils seront probablement déconcertés d’apprendre de la bouche d’un sociologue que leurs actions découlent de facteurs qui, en quelque sorte, agissent sur eux de l’extérieur». Selon le philosophe G. Bachelard, il n'y aurait en effet de science que du caché. Ainsi, derrière l'apparence de ce qui est visible autour de nous, se ‘cacherait’ une réalité sociale ‘sous-jacente’ (souterraine) à laquelle la sociologie permettrait d'accéder par le biais de techniques originales de collectes d’informations. Ce sont les méthodes d'enquêtes quantitatives (sondages d'opinion) et qualitatives (observations, entretiens semi-directifs, récits de vie) qui permettent aux sociologues d'accéder à un surcroît de clairvoyance et d'objectivité sur les choses et les gens qui nous entourent.  LES GRANDS COURANTS DE LA SOCIOLOGIE FRANCAISE (12 h.) Laurent Muller  1. L’objectif pédagogique du cours  Le principal objectif de ce cours a pour objet d’élaborer en commun une définition de la sociologie à partir de quatre auteurs contemporains. La sociologie sert à mieux ‘comprendre’ (Boudon) les comportements individuels alors que pour Bourdieu, elle à vocation de ‘dénoncer’ les injustices sociales. La sociologie sert à ‘intervenir’ (Crozier) pour favoriser la prise de décision et à ‘accompagner’ (Touraine) les acteurs des mouvements sociaux en proposant un supplément d'objectivité concernant la modernité.  SelonRaymond Boudonsociologie ne doit pas être déjugée quand elle est associée à des sujets, la jugés futiles. Il y a souvent beaucoup à apprendre sur la modernité à partir de l'étude de gestes devenus apparemment anodins. Le phénomène de la politesse renvoie derrière sont apparente banalité, à tout un processus de civilisation, à la culture... La sociologie dePierre Bourdieu considère que, face aux graves problèmes sociaux (exploitation économique, chômage, domination
 
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politique ou culturelle…), il est immoral et abusiv ement luxueux de ne pas travailler auprès des dominés en donnant la parole à tous ceux qui ne l’ont pas : ouvriers, chômeurs, sans-papiers… Selon Emile Durkheim, père fondateur de notre discipline, la sociologie ne vaut pas une heure de peine si elle n'est pas utile à quelqu'un. Les sociologues des organisations, commeMichel Crozier, par exemple, revendiquent une utilité concernant leur part toujours plus grande prise sur le réel. A l’échelle d’une ville, il n’y a plus de décision prise concernant l’urbanisme sans leur avis…Certains sociologues engagés commeAlain Touraineêtre vraiment utiles aux causes qu'ils peuvent  ne accompagnent que s’ils leur appliquent un programme critique de distanciation. Depuis plus de 60 ans, de l’après-guerre, en passant par Mai 68 et la lutte de José Bové contre les OGM…, Touraine accompagne tous les mouvements sociaux contribuant à l’évolution de la société française dans son ensemble....  En résumé, l'utilité de la sociologie doit enfin être posée en terme d'intérêt personnel. Cette recherche de la vérité pour la vérité a pour objet, en définitive, l'amélioration de sa propre existence en s'appuyant sur des ressources fournies par le savoir sociologique. En effet, le sociologue est celui qui rappelle la réalité contre les rêveries des individus. A ce titre, il existe par le biais de cette discipline une différence essentielle entre le théâtre de marionnettes et la vie que nous vivons : contrairement à ce qui se passe dans le théâtre de marionnettes, la sociologie nous permet de lever les yeux et de découvrir les machineries collectives responsables de nos mouvements, en révélant le poids de la culture, de l'éducation, des institutions mais aussi des différents groupes humains qui pèsent tant sur nos frêles épaules...  2. Plan détaillé du cours  Introduction générale  La sociologie de Raymond Boudon Individualisme méthodologique I. Premier paradigme : L’individualisme méthodologique de Raymond Boudon 1.1 Les actions individuelles 1.2 Actions rationnelles et non-logiques 1.3 Effets d’agrégations, émergents et pervers 1.4 Les objets de l’individualisme méthodologique II. Exemple : Risques écologiques et développement durable  La sociologie de Pierre Bourdieu Le structuralisme génétique I. Les champs sociaux II. L’habitus III. Les classes sociales  La sociologie de Michel Crozier L’approche fonctionnaliste et stratégique I. Pour une sociologie des organisations 1.1 Les règles de fonctionnement 1.2 Statuts, rôles et fonctions II. L’acteur et le système 2.1 L’acteur stratégique 2.2 La théorie du jeu  
 
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La sociologie de Alain Touraine La sociologie dynamique I. Quel est le mouvement social central de ces différents types de société ? II. La société industrielle III. La société post-industrielle IV. La société post-moderne  Conclusion générale du cours  3. La manière dont le cours se passe  Les six séances consacrées aux grands courants de la sociologie française contemporaine s’organisent autour de quatre types de transmission d’information par :Un. La distribution d’une fiche de synthèse à chacune des séances.Deux. La présentation d’un cours ponctué par la dictée de certains paragraphes les plus importants.Trois. L’enseignant propose également des commentaires personnels au sujet des principaux ouvrages conseillés pour vos révisions (cf. Bibliographie). Quatre. Enfin, parmi les différentes recommandations en terme de culture générale, l’enseignant suggère également la lecture d’autres livres, romans et films consacrés différents types de sociologie thématique : La sociologie rurale, urbaine, du travail, des migrations et du développement, politique, de la famille, des religions, de l’éducation, de la déviance, de la culture et des loisirs, du sport et de la communication…  4. Bibliographie conseillée  Ce cours d’introduction à la sociologie a été principalement élaboré à partir du livre de Pierre AnsartLes sociologies contemporaines, ed. Point Seuil, 1990, dontla lecture est vivement conseillée. Il est également possible de lire de manière complémentaire :  - Alain Accardo,Initiation à la sociologie. L’illusionnisme social, Le Mascaret, 1983. - Jean-Michel Berthelot,La sociologie française contemporaine, PUF, 2000. - Philippe Corcuff,Les nouvelles sociologies, Nathan, 1995.  5. Conseils pour bien assimiler le cours  Il est important d’être assidu à l’ensemble des séances. Il est également constructif de lire à chaque fois les fiches de synthèse distribuées afin de pouvoir poser des questions complémentaires à l’enseignant lors de la séance suivante. Il est enfin recommandé de compléter vos connaissances concernant les principales étapes de l’histoire de l’immigration en France à partir de la lecture du livre de Pierre Ansart (présenté ci-dessus)  6. Sujet d’examen : (exemple d’un sujet commun d’examen possible)    ****  RAISONNEMENTS SOCIOLOGIQUES Patrick Colin   
 
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II. Douze exemples de sociologies thématiques  Dans leur livre consacré à la modernité, J.-P. Durant et P. Weil précisent que la sociologie contemporaine a comme principale caractéristique de se spécialiser et de se diversifier.  Il est ainsi nécessaire de bien distinguer les paradigmes de sociologues tels que Boudon, Bourdieu, Crozier et Touraine, qui analysent la société dans son ensemble, des douze autres sociologues qui, parmi beaucoup d’autres, travaillent dans des champs thématiques bien particuliers et plus restreints.  1. La sociologie rurale Derrière l’imagerie traditionnelle de l’agriculture et d’une société agraire en voie de disparition, le sociologueH. Mendrasdéfinit à présent un profil de paysans devenus entrepreneurs, vivant entre une identité ancestrale et un modernisme marqué par l’agro-industrie et les O.G.M. …  2. La sociologie urbaine La ville est une mosaïque d’aires économiques et culturelles intimement imbriquées ; ses problèmes sont devenus autant, selonJ. Remy, le gigantisme, des villes et les très fortes concentrations humaines que la pollution ou la fluidité des déplacements dans les hyper-centres…  3. La sociologie du travail Après les grèves et les mouvements ouvriers de 1968 étudiés parG. Friedmann, les sociologues du travail s’intéressent depuis 1989 (Berlin) aux conséquences de l’extension planétaire du capitalisme et des nouvelles technologies sur nos itinéraires professionnels toujours plus fragilisés...  4. La sociologie des migrations et du développement Trop souvent confondu avec la seule réalité franco-française, le phénomène migratoire est à situer dans un contexte mondial comme le corollaire des inégalités Nord-Sud. SelonA. Sayadchaque immigré se cache un émigré ayant quitté, derrière un pays dont le développement devra se faire sans lui...  5. La sociologie politique Le sociologueD. Gaxie fait éclater la vision simpliste de l’électeur libre et a rationnel. Les choix électoraux ou d’abstention sont en réalité autant influencés par le milieu familial que par le contexte social, économique et conjoncturel au moment d’une élection...  6. La sociologie de la famille
 
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Caractérisée par le rétrécissement de sa structure (dénatalité, famille monoparentale), la famille est aujourd’hui appréhendée parF. de Singlycomme une négociation, un ‘marchandage’, une interaction constante dont la finalité est le maintien d’une réciprocité de droits et de devoirs acceptables au sein des couples hétéro et homosexuels.  7. La sociologie des religions PourD. Hervieu-Léger, l’emprise sociale de la croyance n’a pas disparu mais elle se recompose au cœur de la modernité par le radicalisme pour les uns, l’engouement pour la spiritualité et les philosophies orientales, mais aussi par l’extension de dérives sectaires pour d’autres...  8. La sociologie de l’éducation Jusque dans les années 1980, des sociologues commeJ.-M Berthelotont cherché les facteurs de la réussite scolaire. Ils s’interrogent à présent sur les conséquences de la ‘pulvérisation’ massive de l’information par internet ainsi qu’au faible poids laissé à la pédagogie scolaire face à cet univers médiatique incontrôlable.  9. La sociologie de la déviance Tout groupement humains constitués sécrète des valeurs, des normes et des règles, dont la transgression intéresse des sociologues commeP. Karli termes en ‘d’illégalisme’, de passage à l’acte, de récidive criminelle mais aussi de prévention, de répression policière et d’humanisation du milieu carcéral…  10. La sociologie culturelle et des loisirs Dès 1965,E. Morin du cinéma en termes d’industrie du rêve et des stars parle comme nouveaux mythes modernes. Désormais la polarité entre culture dominante (ou élitiste) et de mass cède la place à des formes plus subversives de contre-culture comme le rap, le rock alternatif, l’art-urbain ou le cinéma indépendant…  11. La sociologie du sport Si avec le temps certains sports ont fini par se démocratiser, les jeux et le sport continuent néanmoins à servir, selonA. Rauch, d’exutoire contribuant à réguler collectivement des conflits latents ou à braver individuellement la mort par des activités toujours plus à risque…(D. Le Breton).  12. La sociologie de la communication S’intéressant à la production des connaissances et à leur circulation,Ph. Breton analyse par son travail sociologique l’incursion du virtuel au plus intime de nos existences, (télétravail, micro informatique, jeux en réseaux…) ainsi qu’à l’émergence de nouvelles communautés d’internautes redéfinissant en profondeur les frontières de la communication humaine...  
 
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(Enrésumé, si ces différents sociologues cherchent une explicitation à des univers sociaux restreints, d’autres ont comme projet l’élaboration d’un paradigme globalisant. Un paradigme est un modèle interprétatif théorique et général applicable à toutes situations sociales).  III. Les quatre grands paradigmes contemporains  3.1 L’individualisme méthodologique La société ne serait, selon Raymond Boudon, qui s’inspire des travaux de Max Weber, qu’un mot qui masque de manière dérisoire le fonctionnement de l’activité simultanée de millions d’individus uniquement préoccupés par leur seul intérêt personnel. Une hypothèse de départ selon laquelle chaque individu (acteur rationnel) peut expliquer, au moment où la question lui est posée, pourquoi il agit de la sorte et quel est l’intérêt qu’il y trouve. (Exemple : quelle est la raison pour laquelle vous vous trouvez aujourd’hui et à cet instant dans un amphi en fac de socio ? En tout cas, cette action individuelle associée à celle de votre voisin, agrégée simultanément aux actions et relations sociales de plus de 63.800.000 Français, constituent, au moment même où vous le lisez, ce que nous appelons par commodité la société Française). En résumé, selon R. Boudon, la société est une « notion qui nous cache l’essentiel, à savoir les raisons qui motivent les actions individuelles des individus. Ainsi, puisqu’elle ‘n’existe pas’, la société ne peut évidemment pas être créée par les individus. Par contre, l’agrégation des comportements individuels débouche sur des institutions sociales qui ont une certaine permanence ». Famille, école, université, entreprise… n’existent que par l’intérêt effectif d es individus qui les font exister…  3.2 Le structuralisme génétique Le deuxième paradigme, le structuralisme génétique, développé entre autre à la suite des travaux de Karl Marx, est proposé par Pierre Bourdieu. Selon lui, les pratiques sociales s’inscrivent dans des champs sociaux (éducation, politique, religion, art, sport…) qui possèdent chacuns des règles particuliè res de fonctionnement. Les moyens de domination sont différents d’un champ social à l’autre ; aussi est-il possible qu’un agent soit dominant dans un champ et dominé dans un autre. En d’autres termes, Bourdieu ‘vide’ lui aussi la notion de société de son sens. A l’inverse, la structure sociale se caractérise à la fois par une opposition entre les classes sociales et un ensemble d’habitus. (L’habitus est d’abord le produit d’une socialisation, d’une éducation, d’un apprentissage devenu inconscient et qui se traduit ensuite par une aptitude apparemment naturelle à évoluer librement dans un milieu). Ici, la ‘société’ est perçue à l’image d’une superstructure fixe, inaltérable et compartimentée en différentes classes sociales et champs sociaux. La société serait ainsi, selon Bourdieu, un terme qui recouvre un nombre considérable de catégories, groupes et sous-groupes de population qui déterminent les agents sociaux que nous sommes. Chacun d’entre nous appartient en effet à un certain nombre de ‘sphères  
 
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sociales’. Par notre naissance, nous appartenons à un milieu social, économique et culturel… dont nous sommes les héritiers…  3.3 L’approche fonctionnaliste et stratégique La troisième lecture du social appartient à Michel Crozier. Depuis le début du XIXème siècle, la société française ne cesse de se subdiviser en une multitude de systèmes sociaux, d’organisations sociales et économiques au sein desquels évoluent les individus (acteurs stratégiques). Cette segmentation, cette subdivision du monde social découle, selon Durkheim, de la division du travail, de la parcellisation des tâches comme des rapports sociaux. Nous sommes à ce titre passés d’une solidarité de type mécanique à une solidarité de type organique. (Alors que dans les sociétés à solidarité mécanique (primitive), les individus sont tous semblables, dans les sociétés à solidarité organique (moderne) les individus exercent des fonctions différentes et sont donc de plus en plus dépendants les uns des autres). A ce titre, le concept de système est utilisé par Crozier pour insister sur l’unité de la société et l’interdépendance entre les éléments (individus) qui la compose. Le système part de l’hypothèse selon laquelle la totalité possède un degré de complexité supérieur à celui des sous-systèmes qui composent la société. Autrement dit, la société présente des caractéristiques qui lui sont propres et que l’on ne retrouve pas dans chacun des domaines sociaux ni bien sûr ‘dans’ les individus eux-mêmes. Ainsi, la norme, les valeurs et les rôles constituent les principaux composants des différents sous-systèmes sociaux auxquels nous appartenons. Ils existent avant notre naissance et restent pérennes après notre disparition. Ces normes, valeurs et fonctions possèdent donc une relative permanence et expliquent la stabilité des comportements sociaux. C’est la socialisation (l’éducation), mais aussi l’acceptation de ces principes par l’individu socialisé qui participent de l’intégration possible de l’acteur stratégique à un système donné. A l’inverse, les déviants sont alors considérés comme le produit du dysfonctionnement d’un système par ailleurs cohérent pour d’autres…  3.4 La sociologie dynamique et les changements sociaux Laquatrième lecture découlant des travaux plus récents de Georges Balandier appartient à Alain Touraine. Pour lui, la société est une entité intimement liée à son évolution historique. Pour Touraine, la société contemporaine ne s’explique que par la mise en perspective de son histoire. Historien de formation, Alain Touraine place au centre de sa sociologie l’étude des changements, des mutations et des mouvements sociaux. Comment et pourquoi les sociétés d’hier se sont-elles transformées ? Comment est-on passé en Occident d’une société primitive, agraire et traditionnelle, à une société moderne de type post-industrielle ? En fait, la sociologie dynamique a pour projet d’y répondre par l’étude des mouvements collectifs, des crises et des révolutions en les replaçant dans un ensemble de systèmes d’actes (le système d’action historique). Les facteurs de changement sociaux sont, du point de vue des économistes, principalement d’ordre économique et technique. (En trente ans, les tâches et mécanismes automatisés dans l’industrie ont complètement changé
 
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le sort et la condition de travail de la classe ouvrière). Selon les démographes et à très long terme, la croissance de la démographie implique de complets bouleversements des rapports économiques et sociaux : rapports Nord-Sud, Est-Ouest. Enfin, selon des sociologues comme Touraine, les changements sociaux découlent de l’activité même des acteurs historiques, qui, organisés de manière collective, constituent des mouvements sociaux à l’origine de l’évolution historique de nos sociétés.  Chapitre n°1  Raymond Boudon Individualisme méthodologique  Plan : I. Premier paradigme (1/4) : L’individualisme méthodologique de Raymond Boudon 1.1 Les actions individuelles 1.2 Actions rationnelles et non-logiques 1.3 Effets d’agrégations, émergents et pervers 1.4 Les objets de l’individualisme méthodologique  II. Exemple : Risques écologiques et développement durable  I. Premier paradigme : l’individualisme méthodologique  Le premier de ces paradigmes (modèle d’interprétation du social), celui de Raymond Boudon, est fondé sur l’étude duprocessus décisionnel de la personne et de ses conséquences collectivement prévisibles ou non. Ici, l’accent se trouve placé sur l’individu, son action et ses choix. Lesacteurs rationnels (vous, moi) se trouvent continuellement placés dans des situations contraignantes dans lesquelles ils sont amenés à prendre de micro-décisions (Est-ce que je viens ou est-ce que je ne viens pas à ce cours de 15h à 17h ?) Des choix qui s’opèrent généralement dans le cadre d’un système d’interactions parfois totalement imprévisibles. (Est-ce que je reste ou est-ce que je ne reste pas dans cet amphi ?) Nous avons en effet ponctuellement des décisions à prendre en fonction de l’évaluation denotre propre intérêt1. Des choix futiles, qui versent dans la quotidienneté de nos automatismes (choix vestimentaires), ou à l’inverse des décisions de plus grande importance allant d’une décision d’orientation professionnelle à un choix de vote pour un candidat à une élection présidentielle ; en passant encore par sa responsabilité par rapport à des questions d’écologie et d’environnement.  2.1 Les actions individuelles                                                           1 une distingue Weber hiérarchie plus ou moins implicite, entre d’un côté les formes d’action qui obéissent à des critères délibérés et réfléchis, et de l’autre côté des conduites spontanées, instinctives et habituelles (traditionnelles ou émotionnelles) qui, pour lui, se placent à la frontière même de l’action sociale.
 
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Dans ce premier paradigme, l’individu est perçu comme isolé des autres et est considéré comme ‘autonome’ et ‘égoïste’. Selon Boudon, l’individu ne rechercherait en effet que son ‘bonheurpersonnel, par des stratégies cohérentes et’, son intérêt a priorirationnelles et logiques. Cela dit, pour Boudon, un acteur est rationnel à partir du moment où il a ‘une bonne raison’ de faire quelque chose. (Nous pouvons en effet à tout moment nous justifier d’une décision prise). Une décision, un choix qui s’opère en fonction de sacognition, de sa capacité personnelle à connaître et à comprendre la situation. Une situation que l’acteur rationnel évalue en termes de coûts ou de bénéfices. «Sont cognitives les activités mentales de perception, de mémoire, de représentation par l’intermédiaire desquelles les acteurs sociaux enregistrent, élaborent, transforment, utilisent, réactualisent lesstimuli (cause externe ou interne capable de provoquer une réaction)présents dans un contexte d’action. Ce qui implique d’une part, que l’univers de l’action est fondamentalement de l’ rdre des représentations et que d’autre part, l’individu, quant bien même o n assumerait-il que des activités à première vue routinières, y apparaît toujours sous le visage d’un être agissant». (En fonction de ce qui vient de se passer dans cet amphi, vous êtes à présent en capacité d’évaluer la situation et de prendre une décision en meilleure connaissance de cause, je reste ou je ne reste pas… Bon, là je prends un risque). La décision s’opère alors à partir d’un nombre considérable de facteurs possibles : de double contrainte… il pleut dehors…  2.2 Actions rationnelles et non-logiques Selon Boudon, il faut ainsi non seulement se demander pourquoi un individu a envie d’agir, mais aussi réfléchir aux conséquences collectives de tous ces choix. Quelle est la raison de votre présence dans cet amphi ? Et quelle en est sa conséquence collective ?  Dans son ouvrageEconomie et société,Max Weber(1864-1920) décèletrois formesd’actions individuelles qui correspondent chacune à une logique  principales particulière. L’action traditionnelle consiste, pour un individu, à respecter les usages sans s’interroger sur la finalité de l’action (vous n’avez jamais ‘séché’ un cours alors vous continuez).L’action affectiveest une réaction que l’on qualifierait parfois d’instinctive (Vous restez dans l’amphi pour demeurer à côté de l’être aimé…).L’action rationnellevaleurs (vous pensez que le travail estpar rapport aux une valeur centrale dans notre société…). Mais selo n Weber, le monde moderne est en réalité principalement caractérisé par des actions d’une quatrième logique :la rationalité par rapport aux fins. Une rationalité qui se substitue partiellement aux trois premières. Cette rationalité en finalité est caractéristique de l’action d’un individu qui choisit un objectif et les moyens les plus efficaces pour atteindre son but (venir en cours avec le but de réussir son examen).  A la même époque,Vilfredo Pareto(1848-1923) proposait de faire de l’économie la science des actions logiques ou rationnelles, c’est-à-dire là où le résultat est
 
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conforme aux attentes, tandis que lasociologietraiterait desactions non-logiques(là où les comportements individuels peuvent produire des effets non désirés). Dans ce cadre, la sociologie aurait alors pour objet les actions de type complexe (dans lesquelles les acteurs semblent suivre des principes ‘absurdes’ ou irrationnels). Il s’agit ici des activités symboliques ou rituelles (faire une prière ou sacrifier un poulet pour espérer réussir à ses examens…). Ces actes irr ationnels sont des actes qui relèvent du domaine de la recherche sociologique selon Pareto. (Ces actes paraissent à la fois dérisoires ou à l’inverse très révélateurs d’un sentiment d’impuissance dans une situation de contrainte).  En résumé, selonRaymond Boudon, «l’individualisme méthodologique appelle à considérer les comportements, (les actions individuelles), à interroger les choix des individus concernés et à formuler des hypothèses sur ces décisions comme sur leurs conséquences collectives. Boudon considère en effet la carrière d’un étudiant comme une succession de décisions dont on étudiera les fréquences et la distribution»2.  2.3 Effets d’agrégation, émergents et pervers  L’effetd’agrégation le résultat macro-sociologique de la combinaison des est motivations et comportements individuels précédemment évoqués. Décisions rationnelles ou non-logiques ayant des conséquences (effets émergents) sur chacun d’entre nous. (Plus il y a de monde dans cet amphi et moins nos conditions de travail sont agréables. Plus il y aura d’étudiants à obtenir dans deux ans une licence de sociologie et plus la dévaluation du diplôme sera grande). Nous avons bien ici deux résultats collectifs résultant d’une somme d’actions individuelles non concertées et auxeffets pervers inattendus. En résumé, dans son livreLa logique du social, Boudon définit «Un effet d’agrégation ou émergent comme un effet qui n’est pas explicitement recherché par les agents d’un système et qui résulte de leur situation dinterdépendance ». (La vente de musique en ligne légale, comme les piratages et les téléchargements illégaux sur internet, ont des conséquences globales sur l’industrie du disque ainsi que sur l’emploi dans ces métiers…). Ces phénomènes d’émergence et d’effets pervers apportent en outre des éléments essentiels aux analyses du changement social dans son ensemble. «Le changement social, même au niveau macrosociologique, n’est en effet intelligible que si l’analyse descend jusqu’aux acteurs sociaux les plus élémentaires composant les systèmes d’interdépendances auxquels il s’intéresse». Ici, on prend alors conscience de la
                                                          2 Un résumé très succinct de ses analyses proposées dans son livreL’inégalité des chances permet d’expliquer l’inégalité des résultats devant l’enseignement, qui met en évidence que, toutes choses égales par ailleurs, un individu de classe sociale inférieure :Un accordera. « en moyenne une valeur plus faible à l’enseignement comme moyen de réussite… ».Deux ». « aura, en moyenne, un certain handicap cognitif par rapport aux autres classes…Trois. « tend, en moyenne, à sous-estimer les avantages futurs d’un investissement scolaire… »Quatre surestimer les à. « désavantages présents d’un investissement scolaire… »Cinq à surestimer les risques d’un investissement. « et scolaire ».  
 
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tâche immense del’individualisme méthodologique qui, partant de l’action individuelle, a pour objet l’étude de leurs conséquences collectives.   2.4 Les objets de l’individualisme méthodologique Le principe même de l’individualisme méthodologique invite à ramener tout phénomène social aux comportements individuels qui en sont désignés comme la cause (Prenons comme dernier exemple : le résultat des votes aux élections présidentielles). Ce principe étudie comme nous l’avons vu les choix, les actions des individus mais aussi les résultats contingents (hasardeux) de leurs agrégations non-concertées. Mais Boudon prend également comme objet d’étude l’ensemble des supports d’information et de communication à l’origine des prises possibles de décision. [Rumeurs et battage médiatique autour de l’image des candidats (rationalité en valeur), croyance en une idéologie politique (rationalité traditionnelle), connaissance effective des différents programmes électoraux…(rationalité en finalité)]. En cela, l’individualisme méthodologique est bien un appel à la responsabilité de chacun. En effet, ce qu’un groupe d’individus a voulu peut devenir le destin des générations à venir. « Les morts gouvernent les vivants » Auguste Comte.  En résumé, si l’individualisme méthodologique n’affirme pas l’idée abstraite d’une liberté sans contexte et sans contrainte, il postule néanmoins l’existence d’une autonomie essentielle de choix de la part de chaque personne et ce même si en dernier lieu les effets émergents qui en découlent sont des effets pervers, ce qui signifie qu’ils ne correspondent pas aux intentions originelles des individus. Il y a quelques années, bon nombre d’électeurs de gauche ont voté au premier tour de l’élection présidentielle pour des candidats d’extrême Gauche en sachant pertinemment qu’ils ne pourraient être élus, dans un contexte préélectoral dans lequel tous les sondages désignaient Lionel Jospin et Jacques Chirac présents au second tour de l’élection. Le 21 avril 2002, l’arrivée de J. M. Le Pen au second tour de la présidentielle est alors un effet émergent inattendu à l’origine du vote de femmes et d’hommes de gauche pour J. Chirac afin de faire barrage au FN. Cet exemple doit nous faire nous rappeler que chaque vote compte et que c’est par la décision de chacun que se maintient une démocratie.  II. Exemple : Risques écologiques et le développement durable  En tout cas, ce qui est sûr, c’est que nous appartenons à la première génération de l’humanité à savoir que nous risquons, en continuant de la sorte, à dénaturer l’avenir des générations futures par une destruction irrémédiable de notre écosystème… En effet, selon Yann Arthus-Bertrand, Albert Jacquard et Isabelle Delannoy « Nous vivons la sixième grande extinction des êtres vivants qu’ait connue la planète en 4,5 milliards d’années. (La dernière vit disparaître les dinosaures, il y a 64 millions
 
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