Le conte sculpté dans la seconde moitié du XIXe siècle - article ; n°78 ; vol.22, pg 11-22
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le conte sculpté dans la seconde moitié du XIXe siècle - article ; n°78 ; vol.22, pg 11-22

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 1992 - Volume 22 - Numéro 78 - Pages 11-22
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 82
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anne Pingeot
Le conte sculpté dans la seconde moitié du XIXe siècle
In: Romantisme, 1992, n°78. pp. 11-22.
Citer ce document / Cite this document :
Pingeot Anne. Le conte sculpté dans la seconde moitié du XIXe siècle. In: Romantisme, 1992, n°78. pp. 11-22.
doi : 10.3406/roman.1992.6073
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1992_num_22_78_6073/A
Anne PINGEOT
Le conte sculpté dans la seconde moitié du XIXe siècle
La sculpture donne une forme à une idée, à un sujet, jusqu'au début du XXe
siècle, avant le règne de l'abstraction. Dominent, avec les portraits, les œuvres
mythologiques, religieuses, politiques, puis, au XIXe les sculptures « litté
raires » J - que de chefs-d'œuvre auront inspiré Dante et sa Divine Comédie, par
exemple, de Carpeaux à Rodin ! Le conte et la fable n'ont pas manqué d'éveiller à
leur tour l'intérêt. Un choix de résultats « variables » est regroupé ici en thèmes
classés selon le degré croissant d'invention : l'illustration au sens péjoratif, qui se
borne à une paraphrase inférieure au texte ; le monde du merveilleux ; la
métamorphose.
L'illustration anecdo tique
« Charles Perrault obtient de Colbert - contre Le Nôtre - que le jardin des
Tuileries soit ouvert au public, en plaidant la cause des enfants » - c'est du moins
ce que mentionne le livret du Salon de 1908, où Gabriel Pech obtient une
médaille de 1ère classe pour le modèle de son monument au conteur. Commandé
en marbre en 1903 sur intervention de Jean Jaurès, vice-président de la Chambre et
compatriote du sculpteur, le monument est mis en place au jardin des Tuileries en
1910 après une longue résistance des architectes, notamment de Gaston-Fernand
Redon (frère d'Odilon), qui pense que « ce monument d'un caractère intime
(agréable mais plutôt anecdotique) n'a rien à voir avec les perspectives de Le
Nôtre ». Au pied du buste, sans doute sculpté d'après le portrait de Fortebat gravé
par Edelinck en 1694, le Chat botté, coiffé d'un feutre à plume, vêtu d'une cape,
d'un collier de souris et des fameuses bottes de sept lieues, ignore la ronde de trois
petites filles.
Redon suggère de placer le Monument à Perrault aux Buttes-Chaumont, au
parc Monceau ou au Ranelagh où se trouve déjà le « monument analogue de La
Fontaine » 2. Cette œuvre de Jean Alphonse Edmé Achille Dumilâtre, exposée en
plâtre au salon de 1884, a été fondue en bronze par la fonderie Thiebaut à la re
cherche d'un « chef d'œuvre » pour l'Exposition universelle de 1889. Les 3610
kg de bronze, érigés ensuite dans le square du Ranelagh en 1891, sont retournés au
creuset pendant l'Occupation. Depuis 1984, un La Fontaine gonflé, accompagné
d'un corbeau et d'un renard de Charles Correia, remplace l'ancien bronze sur
l'ancien socle de Frantz Jourdain 3. Le programme de Dumilâtre était beaucoup
plus riche ! Des animaux : le corbeau et le renard, le lion, les deux pigeons, des
alouettes ; des allégories : une renommée, un amour « encombraient un peu le
ROMAOTISME n°78 (1992 - IV) «*— -**1
-**'•
. \ Le conte sculpté dans la seconde moitié du XIXe siècle 13
socle » selon André Michel 4. Le sculpteur supprime cependant le singe sur le
bronze.
Demander aux animaux d'expliquer le rôle d'un fabuliste n'est pas original. On
en retrouve à Saint-Pétersbourg dans le Jardin d'Eté aux pieds de la statue de
Kry lov exécutée en 1855 par le baron Klodt. Cette fonction de rébus
s'accompagne d'un traitement réaliste afin d'être compris de tous : ainsi le piédest
al du petit monument à Ratisbonne d'Emile Soldi dans le jardin du Luxembourg
(1906-1912) montre des enfants absorbés par le spectacle des marionnettes. De
même, mais à l'échelle monumentale, place Malesherbes, trois lecteurs attentifs
ou plutôt deux lecteurs et un ouvrier pieds nus - qui écoute, parce qu'il ne sait pas
lire - ont pour pendant l'une des figures immortelles du roman français,
d'Artagnan, assis avec désinvolture sur l'autre côté du socle. Les passants savent
alors qu'il s'agit de célébrer Dumas père, même s'ils ignorent que Gustave Doré
est l'auteur de ce monument inauguré le 4 novembre 1883.
Ces personnages issus de l'œuvre servent d'enseigne à leurs créateurs, mais ils
peuvent aussi mener leur vie propre : la Cendrillon (1881) de E. Lefever figure en
deux exemplaires en Belgique 5. Peau d'âne de Victor Gravillon est exposée en
plâtre au salon de 1883. Le marbre est offert en 1884 par l'auteur, magistrat lyon
nais et sculpteur amateur, au musée de sa ville. Pour éviter tout risque d'erreur,
malgré la peau d'âne et la bague qui va disparaître dans la brioche posée sur la
pelle à enfourner, le titre est inscrit sur le socle. C'est le type même de
l'illustration qui tue le conte ! L'Amour et la Folie d'Alphonse-Amédée
Cordonnier obtient une médaille de 1ère classe au Salon de 1883, moins pour ses
qualités plastiques sans doute que pour avoir rappelé au public la morale de La
Fontaine :
Le résultat enfin de la suprême cour
Fut de condamner la Folie
A servir de guide à l'Amour.
Quant au groupe en marbre de Victor Peter, Le Lion et le rat, acquis par l'Etat
en 1891 pour le musée du Luxembourg, il est attribué en 1902 à la ville de
Montélimar à la demande de Mme Loubet. Il rappelle depuis ce temps-là aux habi
tants de la ville qu'« on a souvent besoin d'un plus petit que soi ».
Il est donc temps de quitter l'illustration paraphrase pour la création parallèle.
Là encore, le sujet ne suffit pas à changer l'atmosphère. La Fée des fleurs de
Mathurin Moreau par exemple appartient au Second Empire plus qu'aux féeries.
Le bronze exposé au Salon 1853 est envoyé au musée des Beaux-Arts de Dijon,
ville natale du sculpteur. Il y subit le sort des sculptures du XIXe siècle • après la
gloire des salles, l'obscurité de la réserve pendant une bonne partie du XXe siècle,
puis la résurrection à la fin des années 70.
Le merveilleux
Le merveilleux semble impalpable, donc antinomique de la sculpture qui pèse
son poids de matière. Dans les exemples précédents, les figures, réalistes malgré
leur nudité allégorique ou leur costume de théâtre, les animaux mis en scène par
La Fontaine n'ont rien à voir avec des apparitions. Cependant, le domaine du rêve
préoccupe les sculpteurs. Trois d'entre eux essaient de saisir l'insaisissable : Sir Illustration non autorisée à la diffusion
Fig. 1 : Edmond Lefever, Cendrillon, bronze Ypres, Stedelijk Museum, statue
marbre 1881, Bruxelles, parc Josaphat ; fig. 2 : Victor Gravillon, Peau d'âne
(1884), Lyon, Musée des Beaux-Arts ; fig. 3 : Pierre Roche, La Fée Morgane,
Musée d'Orsay ; fig. 4 : Jean Dampt, la Fée Mélusine (acier, ivoire, or, 1894), coll.
part. ; cliché d'après La sculpture française contemporaine..., Armand Guérinet, s.
d., pi. 70. Le conte sculpté dans la seconde moitié du XIXe siècle 15
Alfred Gilbert, dans The Enchanted Chair, 1886 ; Jean Dampt, dans La Fin d'un
rêve, 1889-1890 ; et Sir William Reynolds-Stephens, dans Castles in the Air
(châteaux en Espagne), 1901. Mais ces rêves émanent de créatures bien réelles.
Pour entrer dans le monde de l'imaginaire, le passé offre une voie souvent
empruntée. Le Moyen Age des enluminures convient aux rêves colorés d'Henri
Cros, comme en témoigne son relief en cire polychrome acquis par l'Etat au salon
de 1872, Le Prix du tournoi. Chez d'autres artistes, l'histoire cohabite avec le
mythe. Bien que l'un des meilleurs représentants du « réalisme historique »,
Fremiet parvient, dans son Chevalier errant du salon de 1878, à inventer un être
mythique lié au monde animal, centaure et demi-dieu inspiré de La Légende des
siècles de Victor Hugo. Sur l'esquisse du musée d'Orsay, le chat assis sur le trous-
sequin a la taille d'un tigre, ce qui n'empêche pas le petit-fils et biographe de
Fremiet de s'étonner « qu'un artiste aussi fortement équilibré (que son grand-
père)... ne soit pas gêné par les excès visionnaires de Hugo » 7.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents