Le droit des nations aux Indes orientales, (XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles) (fin) - article ; n°6 ; vol.19, pg 1066-1084
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Le droit des nations aux Indes orientales, (XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles) (fin) - article ; n°6 ; vol.19, pg 1066-1084

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1964 - Volume 19 - Numéro 6 - Pages 1066-1084
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Charles H. Alexandrowicz
Le droit des nations aux Indes orientales, (XVIe, XVIIe, XVIIIe
siècles) (fin)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 19e année, N. 6, 1964. pp. 1066-1084.
Citer ce document / Cite this document :
Alexandrowicz Charles H. Le droit des nations aux Indes orientales, (XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles) (fin). In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 19e année, N. 6, 1964. pp. 1066-1084.
doi : 10.3406/ahess.1964.421257
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1964_num_19_6_421257Le Droit des Nations
aux Indes Orientales
(XVIe, XVIIe, XVIIIe SIÈCLES) (fin)
La controverse Grotius-Freitas.
1. Problèmes de la souveraineté.
Dans son Mare Liberum, publié en 1608, Grotius s'occupe surtout du
conflit entre les Hollandais et les Portugais aux Indes Orientales 1. Mais
ce sujet l'amène à considérer la position des souverains asiatiques vis-
à-vis de ce conflit, ainsi que les problèmes du droit maritime observé
dans l'Océan Indien, au xvie siècle et au début du xvne siècle. Grotius
souligne que les Portugais étaient pratiquement incapables d'agir con
formément aux titres juridiques qu'ils s'étaient arrogés a priori avant de
s'établir en Inde, c'est-à-dire le titre de donation papale sur les pays des
Infidèles, la découverte ou l'occupation. Il était impossible aux Euro
péens d'acquérir aux Indes Orientales des titres territoriaux par occu
pation car il n'y avait pas de terra nullius 8. Grotius rejette aussi en
l'occurrence le droit de découverte, car, écrit-il : « Quid quod ne reperisse
quidem Indiam ullo modo dici possunt Lusitani quae tot a saeculis
fuerat celeberrima » (« Les Portugais ne peuvent avoir aucune prétention
d'avoir découvert l'Inde qui était si célèbre depuis des siècles »). En ce
qui touche au problème des Infidèles, Grotius (conformément à Franc
isco de Vitoria 3) ne considère pas les différences de religion et de civil
isation comme faisant obstacle à l'existence d'une famille universelle des
nations où trouvent place toutes les communautés, chrétiennes et non
chrétiennes, possédant une organisation politique et juridique et exer
çant des pouvoirs souverains. Dans un passage célèbre sur les commu-
1. Il est possible que Grotius ait écrit son œuvre après avoir fait des recherches
dans les archives de la Compagnie hollandaise, qui lui demanda de préparer une opi
nion juridique sur la saisie, par les Hollandais, d'un vaisseau portugais dans le détroit
de Malacca en 1602 et sur le conflit hollandais-portugais dans cette région. L'œuvre
écrite par Grotius était le De Jure Praedae, dont « Mare Liberum » est le chapitre XII
(voir traduction par R. van Deman Magoffin).
2. Avec l'exception des Philippines occupées par les Espagnols au xvi« siècle.
8. De Indis, II, 1.
1066 DROIT DES NATIONS
nautés des Indes Orientales, Grotius dit qu' « elles ont actuellement et
eurent toujours leurs rois (souverains), leur organisation d'état (res
publica) et leurs lois et systèmes juridiques » (ch. II). La conclusion qu'il
en tire est que les Européens ne peuvent acquérir de titres aux Indes
Orientales que par des transactions conclues conformément au droit des
nations.
La classification proposée par Grotius était-elle de nature dogmat
ique ou plutôt de nature pragmatique ? L'œuvre de Grotius est essen
tiellement le plaidoyer d'un avocat sur des questions de grande impor
tance pour la Compagnie hollandaise, et il recourt à l'argumentation juri
dique la plus convaincante possible. La négation de la souveraineté des
Portugais dans les territoires des Indes Orientales était étroitement liée
à l'existence de la souveraineté des princes de ces régions, avec lesquels
les Hollandais espéraient entrer en relations et tentaient de conclure des
traités en vue de certains privilèges, en particulier des concessions comm
erciales. Une autre question se posait : quelles devaient être, juridique
ment, les conséquences d'un refus des princes orientaux d'entretenir
des relations avec les Européens ? La conquête était rarement tenue pour
une solution acceptable — compte tenu de la doctrine du « bellům jus-
tum » prononcée si catégoriquement par Grotius et partagée mutatis
mutandis par les souverains asiatiques x. Existait-il d'autres restrictions
à la souveraineté ? Deux réponses différentes étaient fournies à cette
question, l'une admettant des restrictions d'une nature commerciale
(Grotius) et l'autre des d'une nature religieuse
(Freitas).
Grotius marque clairement que la souveraineté n'est pas un critère
absolu. La liberté du commerce et de la navigation ne peut être refusée
à personne sous le prétetxe de la souveraineté d'un pays. S'appuyant sur
l'œuvre de Gentili 2, Grotius déclare qu'aucun état ni aucun souverain
« ne peut interdire aux étrangers d'avoir des relations avec leurs sujets
ni de faire du commerce avec eux » s. Cette liberté naturelle du commerce
impose des obligations aux souverains partout au monde, que ce soit en
Europe ou en Asie. Elle constitue une limitation naturelle de la souve
raineté d'un pays.
En ce qui concerne le conflit entre deux aspects du droit naturel
(c'est-à-dire le principe de la souveraineté et celui du droit d'accès aux
pays étrangers), Freitas se trouve en désaccord avec Grotius et fait
remarquer que la liberté naturelle d'accès à un pays étranger n'est pas
conciliable avec le principe de la souveraineté territoriale. Dans son
1. H. Chatterjek, op. cit., p. 69 (discussion de Yuddha-dharma).
2. Gentili (1552-1608), juriste italien, professeur de droit à l'Université d'Oxford.
Il est probable que Sir Thomas Roe, ambassadeur anglais à la Cour Mogole, avait été
son étudiant (Foster, Alumni Oxonienses, 1891, III, 1272).
8. Recueil des Cours, p. 226.
1067 ANNALES
en se référant au texte de Grotius d'après lequel « la navigation et le
commerce sont permis à titre précaire par les princes d'Orient à ceux qui
se rendent dans leurs pays... » (ch. II). Si ce titre (ainsi que l'autorisation
qui en découle) est précaire, « ces princes ont, par cela même, et selon
la loi naturelle, le droit de révoquer cette autorisation... ». Freitas somme
Grotius de se déclarer sur ce problème et dit : « il serait contradictoire
De Justo Invperio Lusitanorum Asiatico \ Freitas cherche une solution
que je puisse, en vertu d'un droit naturel immuable, naviguer et négocier
aux Moluques malgré les maîtres du pays ; et qu'en vertu du même droit,
les rois des Moluques puissent m'interdire la navigation et le commerce.
C'est pourtant cette contradiction qu'admet notre Inconnu *, en accor
dant à un prince... cette faculté d'interdiction. » (Ch. I.)
Freitas énonce ici l'un des principes les plus invoqués par les souve
rains asiatiques aux Indes Orientales, c'est-à-dire le principe de la révo
cabilité du commerce libre et des privilèges concédés aux Européens sous
n'importe quelle forme (concessions territoriales, monopoles commerc
iaux, capitulations, etc.). Il accorde donc (selon le droit naturel des
nations) une priorité à la souveraineté sur le droit d'accès et de négoce,
qui ne devra jamais être utilisé aux dépens du du souverain — droit
sacré dans les coutumes juridiques aux Indes Orientales.
L'exposé donné par Freitas explique jusqu'à un certain degré l'att
itude des souverains aux Indes Orientales envers la conclusion des trai
tés avec les Européens et envers la validité des transactions intervenues
alors. On constate, chez ces souverains, une résistance (sinon une répu
gnance) à la conclusion d'un traité en forme et la préférence pour une
concession unilatérale et révocable accordée à une puissance européenne.
Si la conclusion d'un traité était inévitable, un traité personnel parais
sait préférable à un réel (qui liait les successeurs du souverain
contractant). En outre, les princes concédants tenaient beaucoup à la
formule « rebus sic stantibus », car celle-ci permettait de révoquer une
concession en cas d'un changement de circonstances qui n'étaient pas
prévisibl

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