Le mouvement national croate au XIXe siècle : entre yougoslavisme (jugoslavenstvo) et croatisme (hrvatstvo) - article ; n°4 ; vol.68, pg 463-475
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Le mouvement national croate au XIXe siècle : entre yougoslavisme (jugoslavenstvo) et croatisme (hrvatstvo) - article ; n°4 ; vol.68, pg 463-475

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Description

Revue des études slaves - Année 1996 - Volume 68 - Numéro 4 - Pages 463-475
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 63
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Yves Tomi
Le mouvement national croate au XIXe siècle : entre
yougoslavisme (jugoslavenstvo) et croatisme (hrvatstvo)
In: Revue des études slaves, Tome 68, fascicule 4, 1996. pp. 463-475.
Citer ce document / Cite this document :
Tomić Yves. Le mouvement national croate au XIXe siècle : entre yougoslavisme (jugoslavenstvo) et croatisme (hrvatstvo). In:
Revue des études slaves, Tome 68, fascicule 4, 1996. pp. 463-475.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1996_num_68_4_6359LE MOUVEMENT NATIONAL CROATE AU ХШ SIÈCLE
Entre yougoslavisme (jugoslavenstvo) et croatisme (hrvatstvo)
PAR
YVES TOMIĆ
Au XIXe siècle, le mouvement national des Croates, ainsi que celui des
Serbes, contesta sa tutelle impériale en se fondant sur le passé de son État
médiéval. Les acteurs des mouvements de (re)naissance nationale furent essen
tiellement des intellectuels issus de la bourgeoisie et de la paysannerie, des
ecclésiastiques et, dans une moindre proportion, des nobles, constituant à eux
tous une couche infime de leurs sociétés respectives. Les travaux des éveilleurs
de la conscience nationale se déroulèrent essentiellement dans les domaines de
la linguistique et de l'histoire : il fut procédé à une codification des langues litt
éraires, la langue étant considérée comme le principal signe distinctif d'une
nationalité avec la religion ; l'étude du passé de chacun de ces peuples contribua
à définir l'espace où devaient se former leurs États. Ils devaient agir dans un
contexte sociologique difficile dans la mesure où les populations des différents
pays étaient à 90 % paysannes et ne possédaient pas une conscience nationale,
ce qui ne signifie pas qu'il n'existait pas d'autres formes d'identités collectives :
les paysans s'identifiaient à la région restreinte qu'ils habitaient, ainsi qu'à leur
religion.
Le XIXe siècle fut la période des intégrations nationales, marquant le pas
sage des communautés ethniques à l'état de nations. Ce processus fut caractérisé
par la disparition progressive des formes d'identité collective locale ou régionale
au profit d'une communauté politique nationale culturellement homogène et
économiquement intégrée. Les élites culturelles et religieuses jouèrent un rôle
primordial dans ces transformations sociales, et à défaut de l'intervention d'un
État qui leur fût propre (hormis pour la Serbie et le Monténégro), les associa
tions culturelles, les partis politiques, les établissements d'enseignement et la
presse contribuèrent à la diffusion d'une identité nationale unique. La formation
ď États-nations dans cette région de l'Europe ne pouvait se réaliser sans aucune
modification de frontières et sans la dislocation des empires dominant la région
(autrichien et ottoman). Les changements souhaités par les élites nationales des
Slaves du Sud devaient également entraîner une recomposition de l'équilibre des
forces à l'échelle du continent européen et les intérêts des grandes puissances
Rev. Êtud. slaves, Paris, LXVIII/4, 1996, p. 463-475. 464 YVES ТОМІС
s'engouffrèrent dans le processus de formation et d'affirmation nationales et de
constitution d'États nationaux, le rendant ainsi plus ardu.
LE MOUVEMENT ILLYRIEN :
UN PROTO- YOUGOSLAVE
Ce mouvement se développa en Croatie au cours des années 1830 et 1840.
À l'époque, les territoires croates étaient divisés entre l'Autriche et la Hongrie,
et ce morcellement rendait difficile la formation de tout mouvement de
renaissance nationale ainsi que le processus d'intégration nationale. La Dalma-
tie, après avoir été sous la domination vénitienne du XVe siècle à 1797, était
sous la juridiction de Vienne depuis 1814, au même titre que les régions
peuplées de Slovènes, alors que la Croatie intérieure (comprenant alors les
districts de Zagreb, Varaždin et Križevci) et la Slavonie se trouvaient sous
administration hongroise depuis le début du XIIe siècle (1102); l'Istrie
occidentale avait été sous contrôle vénitien, tandis que sa partie orientale faisait
partie de l'Autriche. Le fractionnement des territoires croates était renforcé par
l'existence des Confins militaires (Vojna krajina), créés par l'Autriche au
XVIe siècle et où demeurait une forte population serbe installée à la suite de plu
sieurs vagues migratoires en provenance des anciennes terres serbes contrôlées
par l'Empire ottoman1. L'homogénéité de l'espace ethnique croate se trouvait
brisée, rendant ainsi plus compliquée l'affirmation du mouvement national.
Chacune de ces unités territoriales possédait sa propre structure sociale :
système féodal en Croatie et Slavonie, système social méditerranéen en Dal-
matie, etc.2. La Hongrie était elle-même confrontée à la volonté centralisatrice
de Vienne, mais sa noblesse, attachée à ses privilèges, résistait. Toutefois, les
Hongrois n'exprimèrent aucune compréhension à l'égard des résistances et des
revendications formulées par les représentants des nationalités non hongroises
(Roumains, Slovaques, Serbes, Croates), par ailleurs similaires aux leurs. Dans
les années 1820, le pouvoir hongrois entreprit une politique de magyarisation,
surtout à travers l'éducation. En 1827, le parlement croate (Sabor) adopta une
loi instituant le hongrois comme langue obligatoire dans le système éducatif3.
L'élite politique croate, constituée essentiellement de nobles issus de familles
allemandes, italiennes ou hongroises, ne s'opposa pas à ces mesures de magyar
isation. La contestation fut le fait de membres de la couche éduquée de la popul
ation (d'étudiants notamment) issus de milieux bourgeois ou ecclésiastique et
plus rarement de la noblesse.
Ljudevit Gaj (1809-1872) figurait parmi les principaux initiateurs de cette
résistance : il mit l'accent sur la promotion et la défense de la langue locale, en
appuyant son usage et en la modernisant au moyen d'une réforme de son ortho-
1. En 1846, selon un recensement qui ne tenait compte que des appartenances rel
igieuses, on dénombrait 45 % d'orthodoxes, que l'on peut considérer comme étant serbes, dans
les territoires de la Frontière militaire, 37 % en Slavonie, 8 % en Croatie intérieure et 19 % en
Dalmatie.
2. Mirjana Gross, « The intégration of the croatian nation », East European qua-
terly, n°2, 1981, p. 210.
3. Le Sabor était un parlement à une chambre constitué essentiellement des prélats
catholiques et des représentants de la noblesse. Ses prérogatives étaient plutôt limitées et évo
luaient en fonction des gouvernants en Autriche ou en Hongrie. LE MOUVEMENT NATIONAL CROATE AU XIXe SIÈCLE 465
graphe4. A l'époque, le croate s'écrivait de différentes manières, en fonction des
dialectes usités : čakavien, kajkavien et štokavien5. Le premier d'entre eux, en
phase de déclin sous sa forme littéraire, était parlé sur le littoral adriatique, le
second, dans la région de Zagreb, le dernier était employé ailleurs par la grande
partie des Croates. Ljudevit Gaj souhaitait réduire ces différences et opta pour le
štokavien comme base de la langue littéraire croate6. L'importance de cette
décision réside dans le fait que les Serbes sont locuteurs de ce dialecte.
Gaj lança un mouvement de résistance plutôt culturel que politique7. Ce
mouvement ne pouvait se définir comme croate à l'époque car ce terme ne défi
nissait que la population vivant dans les régions de Zagreb et de Varaždin locu-
trice du kajkavien. Le terme « croate » s'employait d'ailleurs plus pour désigner
la langue que le peuple8. Le choix fut porté sur un terme plus neutre qui ren
voyait à l'antiquité illyrienne. Selon Gaj, les Croates, les Serbes, les Slovènes et
les Bulgares descendaient des Illyriens et étaient par conséquent des autochtones
par rapport aux Hongrois ou aux Allemands. Ljudevit Gaj lança deux journaux
pour appuyer ses positions en 1835 : Novine Horvatzke et Danica Horvatzka,
Slavonzka y Dalmatinzka qui changèrent de titres l'année suivante : Ilirske
narodne novine et Danica ilirska, avec l'appui des autorités de Vienne satis
faites de nuire aux intérêts hongrois. La création de ces journaux marqua

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