Le positivisme et le faux spiritualisme - article ; n°39 ; vol.10, pg 298-308
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Revue néo-scolastique - Année 1903 - Volume 10 - Numéro 39 - Pages 298-308
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Publié le 01 janvier 1903
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Langue Français

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G. De Craene
Le positivisme et le faux spiritualisme
In: Revue néo-scolastique. 10° année, N°39, 1903. pp. 298-308.
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De Craene G. Le positivisme et le faux spiritualisme. In: Revue néo-scolastique. 10° année, N°39, 1903. pp. 298-308.
doi : 10.3406/phlou.1903.1802
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1903_num_10_39_1802XIII.
LE POSITIVISME ET LE FAUX SPIRITUALISME.
i.
J'observe tour a tour des pins, des hêtres, des châtaigniers,
des bouleaux, des Irenes, toute une futaie, et je remarque
cet élan du tronc et cet épanouissement des branches qui
sont les deux caractères disliiicLifs de l' arbre ; je conçois
l'arbre en général et je prononce le nom <X arbre. Quel est
le rôle joue par le nom dans l'origine de mon idee I
A premiere \ue, on est tente do croire qu'il n'en est que
l'accompagnement cl, pour ainsi parler, la gangue. C'est le
dis pour l'image qui s' e\eille en moi quand je m'arrête a
considérer le mot ; bien que cette image soit, au premier
aspect, très vague, si vague que je ne puis dire si elle est
celle d'aucun arbre en particulier, elle ne tarde cependant
pas a me re\elcr la loi do son origine en me ramenant
promptemont ^ers mes impressions ou expériences passées.
La forme d'abord indécise que j'imagine prend un contour
net et j'aperçois un peuplier au bord d'une route, un
pommier dans un jardin, un hêtre dans une forêt.
Entre ces choses indi\ iduellcs qui limitent mon savoir a
une portion nettement déterminée de l'espace et du temps,
et l'idée générale que je conçois quand je prononce le nom
d'arbre, il y a une distinction que nul ne peut méconnaître.
Soit cette proposition que nous tromons a la base de l'étude
morphologique de la plante, a saunr qu'il faut distinguer
entre la racine qui fixe la plante au sol et la tige qui LE POSITIVISME ET LE FAUX SPIRITUALISME 299
s'élève au-dessus du sol. Par cette proposition nous n'en
tendons pas seulement énoncer le cas particulier de telle
plante que nous imaginons vaguement, mais une loi géné
rale qui est applicable également a toutes les plantes, où
qu'elles se trouvent et quelle que soit l'époque a laquelle
on les ait observées. S'il n'en était pas ainsi, la distinction
que nous faisons entre la racine et la tige n'aurait pas de
valeur.
Les spiritualistes ont eu raison de souligner cette diff
érence entre l'idée abstraite et celle qui n'est qu'une repeti
tion de la sensation. Mais il y a loin do la aux philosophes
classiques dont Taino a eu a subir la doctrine1). Ceux-là
ont en effet considère l'idéo comme un événement qui n'a
rien de commun avec l'image; l'imige, elle rend
présente une chose absente, voila tout ; m lis elle n'a pas
d'autres propriétés; elle n'est pas, comme l'image, un écho,
l'echo d'un son, d'une odeur, d'une couleur, d'une impres
sion musculaire, bref, la résurrection intérieure d'une
sensation quelconque ; elle n'a rien de sensible. Ils la com
parent a quelque chose d'aérien, d'inetendu, d'incorporel ;
ils supposent un être dont elie soit l'action ; ils l'appellent
esprit et disent que notre esprit, par delà toutes les
images, se représente et combine les qualités abstraites
des choses.
On voit a quoi se réduit le rôle joue par les noms dans
un pareil système. Reprenons notre exemple. J'observe
tour a tour des pins, des hêtres, des châtaigniers, des
bouleaux, des frênes, toute une futaie, et je remarque cet
élan du tronc et cet épanouissement des brandies qui sont
les deux caractères distinctifs de l'arbre ; je conçois l'arbre
en général et je prononce le nom à'eubre. Ce nom inter
vient-il comme cause efficiente dans l'origine de mon idee !
Nullement ; car mon idee est un simple acte, l'acte d'un
1) Voir, par exemple, la théorie de U raison dans Cousin, Du vrai, du beau et
du bien et la critique de cette théorie p ir Taine, Les philosophes classiques,
çh VU. 300 G. DE CRAENE
être qui, par elle, entre en rapport avec lui-même et y
prend connaissance, en leur source, de toutes les lois et
vérités supérieures lj. Un pareil acte, dans lequel le moi
est a la fois sujet et objet de la connaissance, n'a pas besoin,
pour s'accomplir, d'un intermédiaire, et le nom, s'il inter -
venaii comme cause effective, en serait un ; il n'intervient
donc pas. Si néanmoins il est toujours la quand nous pen
sons, si je ne puis concevoir l'idée générale d'arbre sans
voir surgir du fond de ma pensée un assemblage do lettres,
un mot qui fait vivre mon idee a mes yeux et la rend
saisissable pour mon imagination, c'est que les sens sont
appelés a donner le branle a la faculté supérieure que nous
possédons de saisir et de combiner les qualités abstraites
des choses.
Les travaux du xvme siècle et notamment la théorie des
signes do Condillac eussent dû mettre Cousin et les philo
sophes classiques en garde contre une interpretation aussi
superficielle de l'image évoquée par le mot.
D'après Taine, la théorie du signe consiste a dire que le
nom nous tient lieu de l'image que nous n'avons pas et ne
pouvons pas avoir du caractère commun a plusieurs indi
vidus. Je conçois l'arbre en general et je prononce le nom
d'arbre. Cel-i signifie simplement qu'une certaine tendance
correspondant a ce que les deux caractères distinctifs de
l'arbre ont de commun, et a ces deux seulement,
a fini par se dégager en moi et a dominer seule.
Allez-vous crier au nominalisme l lnvoquerez-\ous Tho
mas d'Aquin l Direz-vous que nier le fait de l'existence
de l'idée est une erreur non moins grave que celle qui con
siste a en fournir une fausse explication l Je sais que Taine
peut passer pour n'en être pas exempt 2). Mais Taine est
1) Quand Jouffroy dit que < l'âme se connaît, se «aisit immédiatement », il l'entend
dans ce sens que c'est le inond - métaphysique tout entier qui se découvre par la
seule vertu du 1 égard que l'esprit porte sur lui-même C est le fvôifk <7£auTOV, c'est
l'idée du devoir et la morale tout entière dont il entend poser le fondement
2) « Nous» n'avons pas d'idées générales a proprement parler , nous avons des ten
dances a nommer et des noms » De l'intelligence, I, 42. LE POSITIVISME ET LE FAUX SPIRITUALISME 301
un normalien eleve a l'école de Maine de Biran, de Cousin
et de Jouffroy. En fait d'idées générales, il ne connaît que
elles de ses maîtres 1), et il est bien clair que celles que
son observation personnelle lui a fait découvrir ne sont
pas telles, puisque produites — telle l'idée d'arbre — grâce
aux images et par leur intermédiaire. Voila ce qui le décide
a nier que nos idées soient des representations générales au
sens propre de ce mot. Mais il ne va nullement jusqu'à
prétendre que ce mot n'a pas de sens propre, et qu'en fait
d'actes positifs notre pensée se réduit a un son qui vibre
dans l'air et ébranle notre oreille, ou a l'assemblage des
lettres qui noircissent le papier et frappent nos yeux. 11 dit
exactement le contraire 2) puisqu'il est démontré, d'après
lui, qu'un nom n'est une idee que s'il est doue d'une pro
priété double, la propriété d'éveiller en nous les images des
individus qui appartiennent a une certaine classe et de ces seulement, et la propriété de renaître toutes les
fois et alors seulement qu'un individu de cette même classe
se présente a notre mémoire ou a notre expérience.
Ainsi Taine a ouvert une voie qui rend l'intelligence de
la scolastiquc plus aisée. Comme l'odeur ou la couleur qui
nous servent a distinguer les objets, les noms sont des
signes ; mais a la difference des signes que la nature nous
fournit, ils sont des signes que nous-mêmes nous fabriquons
et qui, partant, sont aptes a designer tout ce qui est.
Cela est démontre, a toute evidence, par l'exemple de la
langue du calcul 3). Grâce a cette langue, nous atteignons
au même effet qu'une creature douée d'une mémoire et
d'une imagination indéfiniment plus nettes et plus vastes
1) Si Jouffroy ignorait Condillac, Taine qui le connaît, n'a pas remonte plus hau

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