Le positivisme et les vérités nécessaires des sciences mathématiques - article ; n°21 ; vol.6, pg 12-29
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Revue néo-scolastique - Année 1899 - Volume 6 - Numéro 21 - Pages 12-29
18 pages

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Publié le 01 janvier 1899
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Langue Français
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Extrait

Désiré Mercier
Le positivisme et les vérités nécessaires des sciences
mathématiques
In: Revue néo-scolastique. 6° année, N°21, 1899. pp. 12-29.
Citer ce document / Cite this document :
Mercier Désiré. Le positivisme et les vérités nécessaires des sciences mathématiques. In: Revue néo-scolastique. 6° année,
N°21, 1899. pp. 12-29.
doi : 10.3406/phlou.1899.1640
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1899_num_6_21_1640H.
Le positivisme et les vérités nécessaires
des sciences mathématiques.
Hume, que l'on peut regarder comme l'initiateur du positi
visme anglais, ne parvint pas à construire un système cohérent
de philosophie empirique. Tandis qu'il essayait de ramener
les principes métaphysiques à des concomitances ou à des
successions permanentes de faits, il se déclarait subjugué par
la nécessité des mathématiques. « Tous les objets de la raison
humaine, et tous les objets de ses recherches peuvent se
diviser naturellement, disait-il, en deux genres, à savoir les
relations d'idées et les faits positifs. Du premier genre sont
les sciences géométrique, algébrique et arithmétique. Que le
carré de î hypoténuse soit égal au carré des deux autres côtés,
c'est une proposition qui exprime une relation entre ces deux
figures. Que trois fois cinq soit égal à la moitié de trente, cela
exprime une relation entre ces deux nombres. Des propositions
de ce genre peuvent être le fruit de l'opération de l'intell
igence seule, indépendamment de n'importe quelle existence.
Quand il n'y aurait jamais eu de triangle ou de cercle dans la
nature, les vérités démontrées par Euclide conserveraient
toujours leur caractère de certitude et d'évidence. » l)
Le même de nécessité des mathématiques fut
décisif sur l'esprit de Kant; c'est sur-tout pour en rendre
1) Cfr. Huxley, Hume, London, Macmillan, 1886, p. 117. LE POSITIVISME ET LES VÉRITÉS NÉCESSAIRES. 13
compte qu'il imagina le mécanisme compliqué du criticisme
transcendantal.
John Stuart Mill est le premier, croyons-nous, qui tenta
d'universaliser l'explication empirique du savoir ; il posa har
diment en thèse que l'arithmétique, l'algèbre et la géométrie
ne contiennent que des faits, des rapprochements de faits et
que, par suite, leur valeur scientifique est tout expérimentale.
Bien que le plaidoyer de J. St. Mill date déjà d'un demi-
siècle, il ne semble pas que ses adversaires l'aient exposé
dans son ensemble et apprécié comme il le mérite, du point
de vue de la philosophie rationaliste. Nous nous proposons
d'examiner ce plaidoyer, le plus vigoureux et le plus complet
qui ait été écrit en faveur du positivisme.
I.
Il peut sembler à première vue, écrit J. St. Mill, que les
définitions et les axiomes de la géométrie, les vérités fonda
mentales de l'arithmétique, le principe de contradiction, pré
sentent le caractère d'une nécessité qui est indépendante de
l'expérience et même lui est supérieure ; mais ce n'est là,
dit-il '), qu'une illusion.
Que seraient les définitions de la géométrie, si elles n'étaient
point l'expression des réalités qui tombent sous les sens ?
On définit le point ce qui n'a aucune grandeur, la ligne
une longueur sans largeur, le cercle une surface limitée par
une ligne appelée circonférence, dont tous les points sont à
une égale distance d'un même point appelé centre de la ci
rconférence.
Or, il n'existe pas de point sans grandeur, ni de longueur
sans largeur, ni de cercle vérifiant rigoureusement la défini
tion proposée.
») John Stuart Mill, A System of Logic, B. II, ch. V-VII. 14 B. MERCIER.
Donc, ou la géométrie n'a pas d'objet, ou il faut interpréter
ses définitions dans un sens diiférent de celui que leur donne
la philosophie rationaliste ; il faut dire que les définitions
euclidiennes du point, de la ligne et du cercle sont des
approximations. Le point désigne le minimum visible d'éten
due, la ligne, un minimum de largeur, le cercle, une figure
aussi voisine que possible de la définition proposée.
On répond, je le sais, continue Stuart Mill, que si le point,
la ligne, le cercle n'existent pas, ils sont possibles, et que leur
possibilité suffit aux exigences de la science géométrique.
Encore une illusion qu'il faut abandonner : non, le point, la
ligne, le cercle, tels que les géomètres les définissent, ne
sont pas possibles ; ils sont, en effet, incompatibles avec la
conformation physique de notre globe, et vraisemblablement
irréalisables dans l'univers tout entier. Sur quoi s'appuie-t-on,
dès lors, pour les déclarer possibles ?
Les axiomes géométriques — tel, par exemple, cet axiome
d'Euclide : « deux lignes droites ne peuvent enfermer un
espace » — tirent toute leur évidence de faits observés. Sans
doute, vous n'avez pas besoin d'une expérience physique pour
affirmer la validité des axiomes, mais vous la remplacez par
une expérience imaginaire : au point de vue critériologique
auquel nous nous plaçons, une expérience vaut l'autre. Pro
longer réellement deux droites à l'infini, est chose impossible;
même les prolonger à l'infini par l'imagination est chose im
possible. Mais il est aisé d'imaginer que deux lignes, droites
à leur origine, arrivent à un certain moment à enfermer un
espace. Or, dès ce moment, l'imagination voit que la direc
tion des lignes s'est modifiée, que l'une d'elles ou les deux se
sont infléchies, et que finalement elles se sont rencontrées.
Inexpérience imaginaire fournit donc la preuve que des lignes
qui enferment un espace ne sont pas ou ne sont plus ce que
nous appelons des lignes droites, bref, que deux droites ne
peuvent enfermer un espace.
\J arithmétique aussi repose tout entière sur des définitions LE POSITIVISME ET LES VÉRITÉS NÉCESSAIRES. 15
et sur quelques axiomes ; il y a les définitions des nombres,
par exemple, la définition du nombre trois : trois est deux plus
un ; il y a les axiomes : les sommes de quantités égales sont
égales ; deux quantités égales à une même troisième sont égales
entre elles ; lorsque de quantités égales on retranche des quant
ités égales, les différences sont égales, et quelques autres du
même genre qui peuvent, d'ailleurs, se ramener aux précé
dents.
Or, la définition : trois est deux plus un est une vérité d'ex
périence. Trois billes peuvent être arrangées différemment,
soit en une collection o°o,soit en deux parties oo o ; restant les
mêmes, elles peuvent produire sur les yeux et au toucher des
impressions différentes ; il est donc d'évidence sensible que
trois est la même chose que deux plus un. Quiconque veut
former dans l'intelligence de l'enfant la conviction que
3 = 2 + 1 » a recours à la preuve de fait que nous venons d'in
diquer. Toutes les définitions des nombres reposent sur la
même démonstration expérimentale.
L'énonciation des axiomes ne diffère pas, au fond, de la
formation des nombres.
Lorsque, additionnant des nombres égaux, nous obtenons
des sommes que nous jugeons égales, ou lorsque, soustrayant
de deux quantités égales une même quantité, nous jugeons
que les restes sont égaux, notre opération revient toujours
à former des nombres à l'aide de divers arrangements ou
réarrangements d'unités.
Nous pouvons donc généraliser notre thèse et dire que les
axiomes, aussi bien que les définitions de la science des nomb
res, sont des vérités d'expérience.
La valeur des axiomes n'est même qu'approximative ou
conditionnelle.
En effet, tous les principes arithmétiques supposent cet
axiome initial : 1 = 1 . Or, nous ne sommes pas en droit de
dire qu'une livre égale une livre, qu'une distance évaluée un
kilomètre est égale à une autre distance évaluée un kilomètre ; D. MERCIER. 16
si une première pesée vous a donné deux poids égaux, prenez
une balance de précision, vous les trouverez inégaux; mesurez


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