Le pragmatisme - article ; n°1 ; vol.14, pg 355-379
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Description

L'année psychologique - Année 1907 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 355-379
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1907
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

G. Cantecor
Le pragmatisme
In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 355-379.
Citer ce document / Cite this document :
Cantecor G. Le pragmatisme. In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 355-379.
doi : 10.3406/psy.1907.3747
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1907_num_14_1_3747XI
LE PRAGMATISME
S'il était indispensable de commencer cette étude par une
définition du pragmatisme, nous proposerions de le ramener à
cette affirmation : La vie est supérieure à la pensée dont elle est la
fin ou même la règle. C'est une formule encore bien vague, à
force de vouloir être large. Mais on en trouverait difficilement
de plus précises; car le pragmatisme est moins une doctrine
qu'une méthode, et moins encore une méthode qu'un « esprit »,
une certaine façon concrète, vivante et libre d'aborderet de traiter
les problèmes philosophiques. Or un esprit ne se laisse que
malaisément enfermer en une formule.
En attendant que ce principe se précise par l'exposition des
applications que les pragmatistes en ont faites, nous pouvons
déjà l'éclaircir en indiquant les causes qui ont suscité ce nouvel
esprit. L'histoire du pragmatisme, même réduite à des indica
tions, nous en fera suffisamment connaître le vrai sens.
I. — Les origines du pragmatisme.
Le pragmatisme peut être considéré sous deux aspects. On y
peut voir une réaction contre le rationalisme kantien et l'idé
alisme qui en est issu. On y peut voir aussi un développement
ou un achèvement de l'empirisme, réalisant enfin toutes ses
virtualités. C'est d'ailleurs en réagissant contre l'idéalisme que
l'empirisme a été amené à reconnaître sa vraie nature et à s'a
ffranchir de ses derniers scrupules.
11 est assez aisé de comprendre quelles protestations devaient
susciter le rationalisme et l'idéalisme kantiens.
D'une part, Kant croyait avoir déterminé, avec les conditions
fixes et nécessaires de toute connaissance, les non
moins et fixes de toute réalité donnée dans i'expé- 356 MÉMOIRES ORIGINAUX
rience. Il suivait des principes kantiens que les axiomes direc
teurs ou même les schemes explicatifs de toute science peuvent
être déterminés a priori. Les formules auxquelles les faits de
tout ordre doivent être ramenés sont donc fixées d'avance : c'est
aux savants à les y plier coûte que coûte. Quelques-uns ont
trouvé qu'il en coûtait beaucoup, ou même qu'il en coûtait
trop. — Beaucoup de philosophes aussi se sont sentis gênés par
ce formalisme. Ils ont trouvé insupportable cette prétention de
déterminer d'un coup ce qui peut être ou être connu, les lia
isons qui sont nécessaires entre les faits et celles qui sont pos
sibles, les réalités concevables et celles auxquelles il est interdit
de penser. Il leur a paru impertinent que, sous prétexte d'indi
quer les conditions d'une pensée logiquement sûre, Kant
imposât brutalement silence aux fécondes spontanéités de
l'imagination; et que, sous prétexte de déterminer les condi
tions de toute conception vraiment intelligible, il refusât satis
faction aux exigences les plus irrésistibles du cœur. Ce que fut
le romantisme à l'égard des règles traditionnelles le pragmat
isme l'est à l'égard du formalisme rationaliste : une protesta
tion de la vie, de la pensée en action et en progrès contre la pen
sée faite et figée en formules.
D'autre part, le formalisme kantien s'est très rapidement et
naturellement transformé en idéalisme; de là sont venues
d'autres difficultés. Particulièrement, cette pensée à laquelle,
selon l'idéalisme, les choses ne sont pas données pour qu'elle
les constate, mais qui les constitue par cela même qu'elle les
pense, — cette pensée, dis-je, ce ne peut être ni la vôtre, ni la
mienne. Un idéalisme quelque peu réfléchi et profond en vient
fatalement à affirmer l'existence d'une pensée absolue et imper
sonnelle dont nos esprits finis ne sont que les phénomènes, les
aspects ou les moments. Ou bien, il affirme, ce qui revient au
même, l'existence au-dessus du monde de l'expérience d'un sys
tème idéal de vérités, seul pleinement intelligible, dont nos
perceptions et nos sciences ne sont que des fragments toujours
confus et toujours incomplets. — Mais la personnalité niée et
avec elle la liberté, le scepticisme même venant en conclusion
de l'affirmation de la Vérité éternelle ', — si tels sont vraiment
les fruits de l'idéalisme, n'y avait-il pas là de quoi soulever
aussi des protestations ? Des esprits se sont donc rencontrés qui
1. Telles sont bien les conclusions des idéalistes Bradley (Appearance
and Reality, 1893) et Joachim (The Nature of Truth, 1906). CANTECOR. — LE PRAGMATISME 357 G.
n'ont pas voulu être réduits à une ombre d'existence. Ils ont
réclamé au nom de l'individualité méconnue. Ils en ont fait la
véritable ou même la seule réalité, et, lui subordonnant le monde,
ils l'ont constituée en arbitre du réel ou môme du possible. Le
pragmatisme est une des formes de cette protestation.
C'est, dit M. Schiller, « la déclaration d'indépendance de ce
tout concret qui est l'homme, — s'acceptant lui-même avec toutes
ses passions et ses émotions, — à l'égard des lois et des règl
ements dont les Bramines de la caste académique ont tenté d'en
traver la libre expansion de la vie humaine... C'est la plus
salutaire des doctrines que l'on puisse prêcher à un bipède
oppressé, comme l'homme de nos jours, par toutes sorte de
«... logies)).Elleeston ne peut mieux calculée pour le guérir des
doutes croissants qui le font se demander s'il est bien une
personnalité responsable, s'il a vraiment une âme et une cons
cience qui soient bien à lui, ou s'il ne serait pas une pure fan
tasmagorie d'abstractions, l'assemblage passager de quelques-
unes de ces formules falotes que la Science appelle lois de la
nature. Le grand enseignement du pragmatisme, c'est qu'il n'y
a point de vérités éternelles étrangères à l'homme qui nous
puissent empêcher d'adopter les croyances dont nous avons
besoin pour vivre, ni davantage de critères a priori de vérité
qui nous puissent dispenser de choisir à nos risques et périls '. . . »
II se peut bien que les conclusions du pragmatisme soient équi
voques et dangereuses. Mais qu'il ait une raison d'être dans
l'histoire, et que le besoin se soit fait vraiment et légitimement
sentir d'assouplir le rationalisme et d'humaniser l'idéalisme,
c'est ce que montre l'avènement simultané et indépendant, en
France ou même en Allemagne, de doctrines analogues à ce
qu'estlepragmatismeen pays anglo-saxons. Ceque nous appelons
en France la philosophie de la contingence, ou encore la théorie
de la certitude morale, dans laquelle se rencontrent Ollé-Laprune
et Renouvier, n'est-ce pas aussi une façon de pragmatisme, une
protestation de « ce tout concret qui est l'homme » contre les
règles asservissantes d'une logique purement intellectualiste?
Et cette critique des sciences par laquelle un Milhaud ou un
Poincaré arrivent à faire des prétendues lois de la nature des
expressions toujours à quelque degré factices et arbitraires de
la réalité, ou des principes les plus généraux des sciences de
commodes instruments qu'il nous est toujours loisible de
1. Schiller, Humanism, Préface, p. xvi. MEMOIRES ORIGINAUX 358
changer contre de meilleurs, — n'est-elle pas, au même titre
que la philosophie de la contingence, à laquelle elle est si étro
itement apparentée, une protestation contre l'excessive rigidité
du rationalisme?
Il y a toutefois cette différence entre ces doctrines et le prag
matisme, que la philosophie de la contingence, la certitude
morale ou le nominalisme scientifique ne sont au fond que de
timides et hésitantes restrictions au rationalisme traditionnel,
dont on ne s'écarte qu'en tremblant et dans lequel on se réfugie
au moindre bruit. Ce serait, par exemple, une bien curieuse his
toire que celle des hardiesses critiques ou sceptiques de
MM.

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