Le Président de la République et la révision  constitutionnelle en Côte d Ivoire
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Le Président de la République et la révision constitutionnelle en Côte d'Ivoire

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« LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET LA REVISION &2167,787,211(//( (1 &27( '¶,92,5(» Par Ibrahim COULIBALY Doctorant en droit public à l¶université HOUPHOUET-BOIGNY d¶Abidjan I- LESACTES AUTORISÉS A- /H GURLW G¶LQLWLDWLYH B- Le droit de procédure II- LES ACTES INTERDITS A- L¶LQWHUGLFWLRQ G¶HPSrFKHU OH UpIpUHQGXP B- /¶LQWHUGLFWLRQ GX GpWRXUQHPHQW GH SURFpGXUH Comme tout droit, la Constitution est appelée à régir une société donné. On se UDSSHOOH O¶DGDJH GHYHQX SUHVTXH EDQDO»societas ibi jus« ubi. Ainsi, le droit doit pouvoir DSSUpKHQGHU OD UpDOLWp VRFLDOH &¶HVW SRXUTXRL V¶LOarrive que, durant sa vie, la Constitution ne soit plusFRQIRUPH DX[ UpDOLWpV GH O¶(WDW lanécessité apparait de la réviser. Car« les 1 Constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil» 2Q FRPSUHQG GRQF TX¶HOOHV prévoient le principe de leur révision, autant que la procédure à suivre. De cette procédure dépend la nature, souple ou rigide, de la Constituions. Les Etats noirs africains francophones ont adopté des mécanismes rigides de révision FRQVWLWXWLRQQHOOH 0DLV OD ULJLGLWp G¶XQH &RQVWLWXWLRQ Q¶LPSOLTXH SDV QpFHVVDLUHPHQW sa stabilité. Dans le nouveau constitutionnalisme africain, la tendance pour ces mécanismes rigides de modification constitutionnelle tranche avec une inflation paradoxale des révisions 2 dans la pratique.

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Publié le 28 janvier 2016
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Langue Français

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« LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET LA REVISION CONSTITUTIONNELLE EN COTE D’IVOIRE»
Par Ibrahim COULIBALY Doctorant en droit public à luniversité HOUPHOUET-BOIGNY dAbidjan
I- LES ACTES AUTORISÉS
A-Le droit d’initiativeB-Le droit de procédure
II- LES ACTES INTERDITS
A-L’interdiction d’empêcher le référendumB-L’interdiction du détournement de procédure
Comme tout droit, la Constitution est appelée à régir une société donné. On se rappelle l’adage devenu presque banal»societas ibi jus « ubi . Ainsi, le droit doit pouvoir appréhender la réalité sociale. C’est pourquoi s’ilarrive que, durant sa vie, la Constitution ne soit plusconforme aux réalités de l’Etat, la nécessité apparait de la réviser. Car« les 1 Constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil ». On comprend donc qu’elles prévoient le principe de leur révision, autant que la procédure à suivre. De cette procédure dépend la nature, souple ou rigide, de la Constituions. Les Etats noirs africains francophones ont adopté des mécanismes rigides de révision constitutionnelle. Mais, la rigidité d’une Constitution n’implique pas nécessairement sa stabilité. Dans le nouveau constitutionnalisme africain, la tendance pour ces mécanismes rigides de modification constitutionnelle tranche avec une inflation paradoxale des révisions 2 dans la pratique .L’explication est à rechercher dansl’appropriation par les pouvoirs 3 constitués de la quasi-totalité du pouvoir ou plutôt de la fonction constituante . En Afrique particulièrement, la pratique du nouveau constitutionnalisme rend nettement compte de ce que la complexité de la procédure de révision ne constitue pas réellement un obstacle à la
1 Royer COLLARD cité par J. WALINE, « La révision de la Constitution de 1958 », inMélanges en l’honneur de Philippe ARDANT, Paris, LGDJ, 1999, p. 235 et suivantes. 2 J-L. ATANGANA-AMOUGOU, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain »,Politeia, n° 7, Printemps 2007, p. 583-622. 3e G.BURDEAU, L. HAMON et M. TROPER),Droitconstitutionnel, Paris, LGDJ, 5 , éd., 1927, p. 52.
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volonté des gouvernants de modifier le texte fondateur. Et légitimantl’idée que les 4 Constitutions renvoientl’image quechef a du pouvoir « le »,l’expérience signale celui-ci comme étant, le plus souvent,à l’origine des révisions.La facilité avec laquelle il obtient la modification constitutionnelle amène à réfléchir sur cette procédure. C’estsurtout une question d’une actualité brûlante en Côte d’Ivoire.L’opération constituante peut présenter deux figures. Il peut s’agir d’établir une nouvelle Constitution ou de réviser celle existante. Avec la crise politico-militaire de depuis septembre 2002, bien des voix se sont élevées pour demander la modification ou l’abrogation de la Constitution.La première option bute sur un obstacle majeur : le texte fondateur ne prévoie pas les conditions de sa propre mort. Dès lors, sauf forfaiture, le Président de la République ni aucune autre autorité ne peut entreprendre de le suspendre. Peuvent-ils remettre en cause la Constitution sans nier l’Etat?Il serait difficile de l’envisager sans allumer un brasier.Au surplus, un accord politique, une révolutionou un coup d’Etat sont lesseuls moyens pour parvenir à cette fin.Ce qui est loin d’être le cas. C’est finalement la voie de la révision qui semble avoir e été choisie. Et, qui plus est, c’est la première révision de la Constitution de la IIRépublique contrairement à ce qu’on a pu soutenir en tirant fondement de l’accorde de Linas-Marcoussis. En réalité, cet accord n’a pas modifié la Constitution ivoirienne. C’est plutôt, 5 comme l’a indiqué Martin BLEOUse fondant sur la législation d’exception quen’ignore 6 pas le droit public constitutionnel ou administratif,une dérogation .Puisque c’est un projet qui a été annoncé par le chef de l’Etat lui-même, onvoit l’intérêt des’interroger sur la nature des actes qu’il peut accomplir à cet effet.Le pouvoir reconnu au chef de l’Etat en matière constituante est relativement important. Un tel pouvoir a ses limites qui résultent de sa nature. Contrairement à l’hypothèse oùla suite d'un bouleversement politique« à (…)il n'y a plus ni principes 7 juridiques, ni règles constitutionnelles »parce qu'on se trouve « en présence de la force », ici, le pouvoir à mettre en œuvre a une limite ultime, la Constitution elle-même qui le 4  En dépit de la démocratisation, le Président demeure une« institution de pouvoir»; voir L. SINDJOUN,Le président de la République au Cameroun (1982-1996). Les acteurs et leur rôle dans le jeu politique, Bordeaux, CEAN, Travaux et Documents, n°50, 1996, p. 39. 5 M. BLEOU, ‘L’accord de Linas-Marcoussis et la délégation de pouvoir du Président de la République au Premier Ministre », article cité ; du même auteur, « La révision de la Constitution ivoirienne », article cité ; voir également le décret n°2005-01 du 5 mai 2005 relative à la désignation à titre exceptionnel des candidats à l’élection présidentielle d’octobre 2005, inJO, numéro spécial, 6 mai 2005. 6 Il est possible qu’existent des révisions dérogatoires.Mais ce n’est pas le cas ici puisque la révision rogatoire est le fait d’une validation législative; voir en ce sens C. BRAMI,La hiérarchie des normes en droit constitutionnel français. Essai d’analyse systémique, Thèse, Université de Cergy Pontoise, 2008, p. 249 et suivantes. 7 R. R. CARRE DE MALBERG,Contribution à la théorie générale de l’Etat, TomeII, Paris, CNRS, 1920,tome II, .p.496.
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circonscriten déterminant autant les actes susceptibles d’être accompli dans ce cadre par le Président de la République (I) que eux qui lui sont interdits (II).
I- LES ACTES AUTORISÉS
Dans la procédure de révision constitutionnelle, le Président de la République joue un rôle important dans la phase initiale. Celui-ci consiste, d’une part, en l’ouverture de la procédure à travers l’initiative (A) et, d’autre part, dans le choix du procédé d’adoption définitive du texte (B).
C-Le droit d’initiative
 La mise enœuvredu pouvoir de révision constitutionnelleest conditionnée par l’action des gouvernants. Depuis les indépendances, le peuple est exclu au stade de l’initiative de la 8 révision dans les Etats de tradition française . Au contraire du Burkina Faso qui y ajoute les citoyens comme où une pétition comportant 30000 signatures est déposée devant 9 l’Assemblée Nationale,l‘initiative renvoie l’image d’un partage de pouvoir. Elleappartient 10 en concurrence au Président de la République et aux députés. De sorte qu’on pourrait en déduire que les pouvoirs publics ont la maîtrise du système d’initiative.Ainsi, le chef de l’exécutif peut user de pouvoirqui s’offre comme une faculté.Mais, l Constitution distingue le Président en titre du Président intérimaire.  En effet, le Président de la République est élu pour un mandat dont la durée est déterminée par la Constitution, à l’expiration de laquelle ses fonctions cessent. Cependant, il peut arriver que, pendant l’exercice de celles-ci, des circonstances surviennent et abrègent le mandat du Président élu, laissant place à un vide institutionnel. Dans le droit positif ivoirien, ce sont le décès, la démission et l’empêchement absolu. C’est lorsque le fait à l’origine du vide institutionnel prend l’une de ces formes qu’apparait la vacance de la présidence de la République et que doit s’ouvrir la succession.11 12  La procédure de révision est ouverte au Président successeur au Mali et au Togo . En
8 P-F. GONIDEC,Les droits africains. Evolution et sources, Paris, LGDJ, 1976, p. 67. 9 Ces conditions de recevabilité sont fixées par la loi n° 27/94/ADP du24 mai 1994 portant organisation du droit de pétition. Voir également article 161 précité de la Constitution ; voir également A. LOADA et L. IBRIGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, collection précis de droit burkinabé, 2007, p. 104. Mais, cette exception reste formelle puisque, à ce jour, aucune initiative populaire de révision constitutionnelle n’a été entreprise. Ce qui en fait un droit dormant. En ce sens A. SOMA,La Constitution du Burkina Faso. e L’espérance d’une démocratie intègre, Ouagadougou, Temple du savoir, 2 éd. 2013, p. 80 et s. 10 Article 126 de la Constitution ivoirienne 11 Article 36 al 4 de la Constitution malienne. 12 Article 43 al 4 de la Constitution togolaise.
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revanche, dans la majorité des Etatscomme la Côte d’Ivoire, ce n’est pas le cas. Certaines attributions du Président en titre sont interdites d’usage lors de l’intérim ou de la suppléance. Ainsi, l’initiative de la procédure de révision reste fermée au Président de la République 13 intérimaire . Une telle interdiction, selon Dimitri Georges LAVROFF, « est tout à fait justifiée par le fait que la révision de la Constitution est un acte d'une très grande importance politique et que l'urgence d'y procéder n'est pas telle qu'il faille en accorder l'exercice à un Président de la République (…) qui n'exerce ses fonctions que pendant 14 quarante-cinq jours au maximum ».  Une voix autorisée et des mieux établies a fait valoir que, restant le Président de l’Assemblée nationale et gardant sa qualité de député, il est fondé à le faire en cette dernière qualité,«l’incompatibilité établie (…) entre la fonction de Président de la République et 15 celle de membre de l’Assemblé nationale ne jouant qu’à l’encontre du Président en titre».  Pourtant, la Constitutionest particulièrement nette sur ce point, qui a, formellement et en conséquence du principe de séparation des pouvoirs, exclu le cumul des fonctions présidentielle et parlementaire. S’il n’eut pas été nécessaire de distinguer entre le Président en titre et le Président successeur, pourquoi l’aurait-elle tu ? Et il faut bien reconnaitre que, depuis 2003 en Côte d’Ivoire, une loi a vidé le débat en organisant la suppléance à 16 l’Assemblée Nationalecomme cela était déjà possible en France. L’article 2 de cette loi ouvre la suppléance dans trois cas parmi lesquels«l’acceptation d’une fonction incompatible avec le mandat de député tel que prévu par l’article 87 de la Constitution». De cette manière, la suppléance s’ouvrant de plein droit, le Président de l’Assemblée Nationale
appelé à assurer la vacance dupouvoir, ne peut plus user de sa qualité de député. D’un autre côté, on peut suggérer que l’incompatibilité entre les fonctions exécutive et législative vise à protéger la Constitution. Or l’interdiction faite au Président suppléant ou intérimaire ne vise pas autre chose que participer à cet objectif de protection de la Constitution par l’aménagement de règles de vacance propres à lutter contre d’éventuelles fraudes à son
13 Article40 alinéa 4 de la Côte d’Ivoire; voir F. S. ACKA, «Succession présidentielle, le retour à l’intérim dans la Constitution ivoirienne de 2000 »,Revue internationale de droit africain EDJA; pour, n°50, 2001, p. 46 l’ensemble des questions posées par la succession du Président de la République en Afrique, voir M’bodj ELHADJ,La succession du chef d’Etat en droit constitutionnel africain (analyse juridique, impact politique), Thèse, Dakar. 1991. 14e  D. G. LAVROFF,République,Le droit constitutionnel de la V Dalloz, 1995 Paris, ,105 ;  p. également B. e BRANCHET,La révision de la constitution sous la V République,Paris, LGDJ, 1994, p. 62 15 F. WODIE,Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d’Ivoire121, Abidjan, PUCI, 1996, p. 16 Loi n° 2004-495 du 09 septembre 2004 portant suppléance des députés.
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17 égard. De sorte que cette personnalité est assujettie à l’obligation posée par les Codenstitutions, dans l’hypothèse où deux fonctions sont détenues par une même autorité, choisir laquelle elle assumera. On ne peut pas sur ce seul fondement arguer catégoriquement de l’impossibilité d’ouvrir la procédure de révision constitutionnelle lors de la vacance de la présidence de la République. En effet, le Président de la République n’est pas le seul initiateur potentiel de la procédure de révision. Il entre en concurrence, en ce qui concerne l’exercice de ce droit, avec les parlementaires, et mêmes les citoyens comme au Burkina Faso. Or il est le seul que l’interdiction frappe. Ainsi, initiée autrement que par le canal présidentiel, cette limite ne joue pas et la révision est parfaitement légitime. Et l’intérimaire exclu,le problème du choix de la procédure à suivre ne se pose pluspuisqu’elle s’impose, contrairement à la situation où le titulaire de la fonction présidentielle est encore en poste. D-Le droit de procédure
En Côte d’Ivoire,, le référendum constitue la voie normale, la procédure de droit commun de la révision constitutionnelle. L'approbation par le Parlement apparaît, donc, comme une possibilité secondaire. Pour tout dire, la Constitutionprévoit deux voies alternatives de révision de la Constitution : la voie normale, qui est le référendum, et la voie accélérée, consistant à recourir aux parlementaires. Mais, il existe la possibilité d’éliminer le peuple. Du normal à l’exceptionnel, il y a la volonté d’une autorité qui dispose ainsi de la faculté d’arrêter ou d’empêcher. L’appel aux 18 citoyens est, alors, facultatif. A la suite de la France ,comme nombre d’Etats africains 19 20 21 francophones, la Guinée , la Mauritanie , le Sénégal ,c’est le Président de la 22 République . Seul lui peutdécider de l’abandon de la procédure normale référendaire en lui préférant la voie du Parlement. Cela confère au Président un droit d'option entre l’issue 23 populaire principale et la procédure parlementaire subsidiaire . C’est un autre lieu de rappeler la parenté entre le droit français et le droit africain, à la
17 S. QUEDRAOGO,La lutte contre la fraude à la Constitution en Afrique noire francophone, Thèse, Bordeaux IV, 2011.18 Voir D. GAXIE, « Article 89 », in G. CONAC et F. LUCHAIRE (sous la direction de),La Constitution de la République française,LGDJ, Economica, 1979, p. 957-971. 19 Article 91 al 3 de la Constitution guinéenne. 20 Article 101 de la Constitution mauritanienne. 21 Article103 de Constitution sénégalaise. 22 Article 127 de la Constitution ivoirienne. 23  Dans le cas où il opte pour la voie parlementaire, le texte de révisionn’est approuvé que s’il réunitune majorité qualifiée des suffrages exprimés: quatre cinquièmes (4/5) en Côte d’Ivoire, deux tiers (2/3) en Guinée, trois cinquièmes (3/5) en Mauritanie et au Sénégal.
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différence quela Côte d’Ivoire ouvrecette faculté au Président de la République quelle que soit l’origine,gouvernementale ou parlementaire, du texte objet de la révision. Au contraire, 24 en France, cette faculté n’est reconnue au Président que relativement au projet de révision. Cette disposition laisse entrevoir un déséquilibre au profit du Président qui peut disposer du texte d’origine parlementaire comme de celui du Gouvernement. Que ce droitsoit lui reconnu à l’égard des seuls textes d’origine gouvernementale est tout à fait normal. Mais, qu’il puisse également le faire à l’égard des propositions de loi est exorbitant du moment que le parlement ne dispose pas du même droit vis à vis des projets. C’est un moyen pour lui de se parer contre un texte parlementaire qu’il rebute. C’est précisément de là que vient le déséquilibre Ainsi, le Président devient un personnage non moins important dans le mécanisme du recours au référendum de révision constitutionnelle, les velléités 25 d’appropriation ou d’accaparement de la fonction constituantes’en trouvant grandes.Le recours à l’histoire politique étrangère en offre une illustration topique. En 1973, le Président français Georges POMPIDOU, ayant prisl’initiative d’un projet abaissant de sept à cinq ans la durée du mandat présidentiel, refusait de poursuivre la procédure de révision de la Constitution nonobstant que le projet ait été adopté en termes identiques par les deux 26 assemblées du Parlement . La question qu’on doit, alors, se poser est de savoir si le Président de la République est en droit d'interrompre la procédure de révision après que le projet de révision ait été régulièrement approuvé par les députés, par exemple s’il refuse d’organiser leréférendum alors qu’il n’a pas usé de son droit de l’empêcher.Pour Maurice DUVERGER, ouvrir cette possibilité pour le Président de la République revient à lui reconnaître un« droit de veto constitutionnel »que la Constitution 27 ne prévoit pas . Les dispositions constitutionnelles africaines examinées plus haut sont formelles à cet égard, précisant qu'il n'est pas procédé au référendum lorsque le Président de la République décidede soumettre le texte de révision au Parlement. En d’autres termes, la
marge de manœuvre du Président se limite à choisir, dans le cadre d’un référendum facultatif, entre les voies parlementaire et référendaire. En conséquence, s’il ne fait pas connaître son intention d’opter pour l’autre voie, la voie parlementaire, laprocédure doit 28 suivre son cours normal .
24 Au contraire, l’article 89, alinéa 3 de la Constitution française ne réserve cette option au Président que pour les seuls projets Voir D. GAXIE, article cité. 25 G. BURDEAU, L. HAMON, M. TROPER, op. cit, p. 52. 26 Voir Th. S. RENOUX et M. DE VILLIER,Code constitutionnel, Paris, Litec, ed. 199-, p. 625. 27 M. DUVERGER, « Un droit de veto constitutionnel », Le Monde, 20-21 octobre 1974. 28  Philippe ARDANT estime que le Président de la République et le Gouvernement n'ont aucune possibilité d'intervenir dans la procédure, ils sont obligés d'organiser un après l'approbation par les parlementaires ; Ph.
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Il est bon de préciser que la Constitution ne fixe aucun délai dans lequel ce choix doit intervenir. D'ailleurs il n'y a aucune procédure permettant d'obliger le Président de la République à poursuivre la procédure en soumettant le texte au Parlement ou au peuple. Au surplus, comme le remarque Dimitri Georges LAVROFF,« la seule solution pour surmonter l'opposition du Président de la République serait de l'accuser de haute trahison et de le traduire devant la Haute Cour de Justice. En dehors de cette procédure exceptionnelle, il n'y a pas de moyen juridique susceptible d'interdire au Président de la République de stopper en 29 fait la procédure ou de surmonter les effets de son inaction ». A la vérité, il s’agit d’une hypothèse fort embarrassante qui, si elle venait à se produire, ne serait pas facile à démêler, 30 compte tenu de l'irresponsabilité du Président africain . De ce qui précède, il suit que l’évitement de la voie référendaire donne lieu à un deuxième voteparlementaire. Et c’est là l’un des éléments qui participent de la rigidité de la procédure de modification constitutionnelle en permettant de mettre le pouvoir constituant 31 dérivé sous« haute surveillance». Ainsi, la haute juridiction constitutionnelle béninoise a bien jugé en sanctionnant la méconnaissance par les parlementaires de la distinction des 32 deux phases: la prise en considération et l’adoption du texte. Toutefois, au Sénégal, par une décision dont la rectitude est contestable, le juge constitutionnel a validé la violation de la règle du double vote en soutenant qu’un vote unique suffit à réaliser la modification de la 33 Constitution . Dans tous les cas, le Président reste un personnage très important dans la procédure de révision. Son pouvoir n’est, cependant, pas sans limite.
ARDANT,op. cit.,p. 84. C’est aussi l’opinion de Pierre PACTET pour qui« le Président ne dispose que d'une compétence de procédure. L'absence de délai préfixé dans l'article 89, si elle laisse une certaine latitude au Président, ne lui confère pas évidemment un droit de veto…», P. PACTET,op. cit.,p. 504. Sur les sanctions de la violation des règles de révision constitutionnelle, voir K. GOZLER, thèse précitée. On consultera utilement L. FAVOREU, « De la responsabilité pénale à la responsabilité politique du président de la république »,RFDC, n°49, 2002-I, p. 7-29. 29e D. G. LAVROFF,Le droit constitutionnel de la V République, Paris, Dalloz, 1995. p. 107. 30  T. ONDO,La responsabilité introuvable du chef d‘Etat africain: analyse comparée de la contestation du pouvoir présidentiel en Afrique noire francophone. (Les exemples camerounais, gabonais, tchadien et togolais). Thèse pour le doctorat en droit public, Université de Reims, 2005. 31 S. BOLLE, « Bénin, la Constitution a 19 ans », in La-constitution-en-afrique.org 32 Décision DCC n°08-074 du 8 juillet 2008. 33 Voir I. M. FALL,Les décisions et avis du Conseil constitutionnel duSénégal, op. cit., p. 495 ; L. SINDJOUN, Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine. Droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains,p. 312.Bruxelles, Bruylant, 2009,
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II- LES ACTES INTERDITS
Le pouvoir d’arrêter le recours au peuple à l’étape finale de la révision constitutionnelle n’est pas général. De là découle une première limite à la faculté présidentielle: c’est l’interdiction d’empêcher résultant de l’institution du référendum obligatoire (A). Une seconde consiste à combattrela tentation qu’il y apeut de confondre les procédures constituante et législative (B). C-L’interdiction d’empêcher le référendum
Elle procède des limites du droit de procédure. Le référendum est dit obligatoire en ce qu’il est applicable de plein droit en vertu de la Constitution, il est automatique.En cela, il est l’un des traits les plus révolutionnaires de la démocratie semi-directe. Limitant le rôle des élus dans l’appareil référendaire, il donne au peuple plus de chance de se prononcer sur des matières sensibles. On le retrouve dans certains Etats qui ont réservé la faculté d’empêcher au Président de la République. Ainsi, le référendum obligatoire est une limite de la faculté d’arrêter. Mais, ce ne fut pas toujours le cas.34 Ce type de référendum était ignoré autant par la Constitution du 26 mars 1959 que 35 par celle de la première Républiquedont les modifications n’ont pas affecté cet état de chose. Ces deux textes donnaient au référendum un caractère facultatif ou alternatif quelle que soit la matière. Il a fallu attendre le coup d’Etat de 1999 qui a marqué l’avènement de la deuxième République, laquellea apporté des innovations majeures au nombre desquelles l’institution
du référendum obligatoire.On a déjà constaté le pouvoir reconnu au Président de la République d’arrêter le référendum, celui-ci étant facultatif. Mais, pourêtre présidentielle, la faculté d’empêcher ne couvre pas, indistinctement, toutes les matières. Tout le problème est alors de déterminer les cas où cette faculté disparaît, le référendum devenant obligatoire.  En Côted’Ivoire, l’article 126, alinéa 2, détermine les matières obligatoirement soumises aux citoyens. Aux termes de cette disposition,« Sont obligatoirement soumis au référendum le projet ou la proposition de révision ayant pour objet l’élection du Président de la République, l’exercice du mandat présidentiel, la vacance de la Présidence de la République et la procédure de révision de la présente Constitution. ». C’est sur cette base que le Président ivoirien s’est cru fondé à opposer, à l’idée de réviser l’article 35 de la 34 Article 87 alinéa 2 de la Constitution ivoirienne du 26 mars 19549 35 Article 73 alinéas 4 et 5 de la Constitution du 3 novembre 1960
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Constitution pour sortir de la crise de depuis 2002, qu’il ne pouvait le faire que par l’onction 36 populaire .  Ouraga OBOU semblene pas être de cet avis dans un argumentaire qu’on reprendra in extenso :« On peut se demandersi l’article 35 de la Constitution est synonyme de l’élection du Président de la République visée à l’article 126 alinéa 2 de la Constitution. En fait, l’élection du Président de la République ne se rapporte-t-elle pas à l’article 36 de la Constitution ? Et, si tel était le cas, serait-il encore nécessaire de soumettre la révision de 37 l’article 35 au référendum? ». A dire vrai, ces interrogations, qui sont des affirmations, résultent d’une lecture par trop rapide. Il importe, pour serrer les choses de près, de s’adonner à une opération de sémantique. A cet égard, les termes d’élection et d’éligibilité doivent être précisés. Selon leVocabulaire juridiquede Gérard CORNU et autres, «l’élection» est, par opposition à la nomination, une « opération par laquelle plusieurs individus ou groupes, formant un collège électoral, 38 investissent une personne d’un mandat ou d’une fonction par un vote». Quant à 39 «l’éligibilité», ils la définissent comme l’juridique à être élu ».« aptitude Strictement entendues donc, l’élection se distingue de l’éligibilité. Sans contester à l’auteur de méconnaître cette distinction, il faut remarquer que le commentaire conjoint qu’il fait des articles 35, 36 et 126 de la Constitution n’est pas respectueux des précisions terminologiques ci-devant exposées. C’est que, en son alinéa 1, l’article 35laisse entrevoir que« le Président de la République est élu au suffrage universel à deux tours »: on perçoit, là, l’idée de l’élection. Suivent, dans les autres alinéas, une file de conditions qui sont en réalité les conditions d’éligibilité, celles donnant qualité et aptitude à être élu. On le voit, l’article 35 porte autant sur l’élection que sur l’éligibilité. En conséquence, comme l’article 36, il doit donner lieu à référendum, mais seulement en ce qui concerne ses dispositions relatives à l’élection, c’est-à-dire l’alinéa 1.On peut rapprocher àl’exemple ivoirien le modèle sénégalais où il n’y a qu’un seul titre de référendum obligatoire. Ce choix a été commandé par l’histoire constitutionnelle du Sénégal. Dans la vue de mettre fin à la valse des révisions relatives à la durée du mandat présidentiel en stabilisant celle-ci, dans le souci également de sacraliser le principe,
36 Il semble qu’il ait été conforté dans cette position par l’avis du Conseil constitutionnel qu’il avait saisi par lettre du 12 juillet 2004 ; voir Conseil constitutionnel, avis n°06/AC/CC du 24 juillet 2004. 37 O. OBOU,Cours de droit constitutionnel et de science politique, Abidjan, ABC Ed, p. 97. 38ere G. CORNU,(sous la direction de),Vocabulaire juridique,Paris, PUF, 10 éd., 2014, p. 390. 39 Ibidem
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40 conforme à la respiration démocratique, de la limitation à deux du nombre de mandats , l’article 27 de la Constitution a verrouillé la procédure de révision y relative. Ce texte dispose quedurée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le: « La mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ». Ainsi limite-t-elle, dans une certaine mesure, le droit de procédure laissé au 41 Président de la République et qui se limite à choisir entre les voies référendaire et parlementaire, et non entre le référendum législatif et le référendum constitutionnel. D-L’interdiction du détournement de procédure
L’économie générale des dispositions constitutionnelles relatives au recours au peuple permet de distinguer entre référendum législatif et référendum constitutionnel, avec chacun sa procédure et son domaine. Les repères utilisés pour délimiter le domaine du référendum législatif ont une incidence au plan de la procédure, notamment en ce qui concerne le choix de celle-ci. La question du choix de la procédure se pose évidemment parce que le constituant ivoirien a retenu une définition extensive de l’objet référendaire. Ce domaine, aux portes ouvertes, ne donne pas de distinguer entre les lois constitutionnelles et les lois ordinaires.  Cette définitionde l’objet référendaire ne permettant pas de discriminer entre ce qui est constitutionnel et ce qui ne l’est pas, il y a, là, la possibilité de brouiller les cartes, qui fait du référendum un pis allée, c’est-à-dire une soupape de sécurité permettant de surmonter les obstacles coulés dans la procédure de révision constitutionnelle, notamment au niveau du 42 vote préalable à la révision par le Parlement. On est d’autant plus conforté dans cette position que les Chefs d’Etat successifs n’ont jamais fait usage de la faculté d’inviter directement les citoyens à se prononcer par le moyen du référendum législatif, le Parlement ne constituant pas encore un obstacle politiquement insurmontable. De toute évidence, il n’est pas exclu qu’ils y recourent, un jour, sil’évolution donne de faire apparaître cette difficulté. « Le malheur des uns ne fait pas toujours le bonheur des autres», et ce qui s’est passé en France peut encore se passer en Afrique comme l’a donné à voir la pratique sénégalaise. Il sera, alors, difficile de brandir le panonceau des sens interdits puisqu’il s’agit d’une faille entretenue par les Constitutions.Depuis 1998, le Conseil d’Etat français, dans un arrêt d’assemblée, précise que le
40 I. M. FALL, « La révision de la Constitution au Sénégal »,RevueAfrilex, 2014, p. 24 et suivantes. 41 Article 103 al 2 de la Constitution sénégalaise. 42 J. ROBERT, «L’aventure référendaire», D.1984, chr., XL,p. 243-252.
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43 référendum prévu à l’article 11 est réservé aux seules matières législatives . Cette heureuse jurisprudence n’a pu avoir un écho favorable au Sénégal où la juridiction constitutionnelle avait plutôt cautionné l'emploi qui a été fait de l'article 46, répondant à une demande d’avis du Président de la République en date du 3 novembre 2000, dans un considérant qu’on reproduirain extenso:«Considérant que l’article 46 de la Constitution dispose que le Président de la République peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir consulté les présidents des assemblées et recueilli l’avis du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi au référendum (…), que le Président de la République tient de cette disposition constitutionnelle le droit d’initiative au référendum sans distinction entre la matière constitutionnelle et la matière législative ordinaire ». Ainsi, le juge constitutionnel est d’avis « que le Président de la République peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir consulté les présidents de l’Assemblée nationale et du sénat, soumette au référendum le 44 projet de Constitution ». Il reste qu’il s’agit d’un avis qui ne peut ni autoriser, ni couvrir une irrégularité en raison de la valeur qui lui est attachée. Il existe en Côte d’Ivoire une tendance à réagir contre une telle interprétation, puisque l’ambiguïté créée par la Constitution est levée par le juge constitutionnel qui corrobore, ainsi, la thèse du détournement de procédure. Il sanctionne, dès lors, la distinction entre le référendum législatif et le référendum constitutionnel.A l’occasion d’undes« dialogue 45 gardiens »initié par le Président de la République sur le point de savoir si l’article 43 de la Constitution peut servir à réviser celle-ci, le juge est d’avisle Président de laque « République ne peut invoquer les dispositions de l'article 43 alinéa 1 pour passer outre le rejet du projet de révision par l'Assemblée Nationale dans les conditions de l'article 125, et 46 consulter directement le peuple sur ce projet ».
43 CE, ass., 30 octobre 1998,Sarran et Levacher, recueil Lebon. 44 Avis du Conseil Constitutionnel sénégalais, Décision n° 3/2000 du 9 novembre 2000. 45e J. GICQUEL et J-E. GICQUEL,Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 25 édition, 2011, p. 518 et suivantes. 46  Avis n° 004/CC/SG du 17 décembre 2003, voirRecueil des décisions et avis du Conseil constitutionnel : 1950-2012, Abidjan, CNDJ, 2012, p. 863 et suivantes ; également F. MELEDJE DJEDJRO, Les grands arrêts p. 480, commentaire conjoint des de la jurisprudence constitutionnelle ivoirienne, Abidjan, CNDJ, 2012. avis n°003/CC/SG du 17 décembre 2003et n° 004/CC/SG du même jour.
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