Le problème des animaux pensants - article ; n°1 ; vol.20, pg 218-228
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Description

L'année psychologique - Année 1913 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 218-228
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1913
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Henri Piéron
VI. Le problème des animaux pensants
In: L'année psychologique. 1913 vol. 20. pp. 218-228.
Citer ce document / Cite this document :
Piéron Henri. VI. Le problème des animaux pensants. In: L'année psychologique. 1913 vol. 20. pp. 218-228.
doi : 10.3406/psy.1913.4347
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1913_num_20_1_4347VI
LE PROBLÈME DES ANIMAUX PENSANTS
par Henri Piéron
II m'a paru que l'on ne pouvait passer entièrement sous
silence, dans l'Année Psychologique, le problème, qui s'est posé
devant le grand public, de l'existence d'une pensée abstraite com
plexe chez les animaux, à propos surtout des chevaux d'Elberfeld.
J'aurais désiré attendre que des données systématiques et précises
aient permis de circonscrire le problème, mais ces données font
encore défaut.
Je me permettrai donc très brièvement d'exposer l'état des choses,
en donnant les principales indications bibliographiques à ce jour;
je n'apporterai aucun fait nouveau, n'étant allé, ni à Elberfeld, ni
à Mannheim; et si je n'y suis pas allé c'est que j'ai jugé un tel
voyage absolument inutile : en effet je ne doute pas que j'aurais
assisté à des faits tout semblables à ceux qui ont été rapportés par
des savants dont personne ne songe à suspecter la bonne foi, et, si
j'avais échoué dans des expériences de contrôle que j'aurais
organisées tant bien que mal, M. Krall n'ayant jamais paru
favoiùser beaucoup le contrôle, mes résultats négatifs n'auraient eu
aucune influence décisive ; on m'aurait opposé les conclusions très
affirmatives de tels ou tels zoologistes ou psychologues, et c'eût été
une donnée de plus perdue dans le fouillis des assertions contradict
oires.
A ceux qui prétendent que, sans avoir vu, on ne peut parler des
chevaux d'Elberfeld, je rappellerai qu'il fut un temps où il fallait
aller à Nancy pour aller voir les rayons N; on en revenait croyant.
Je suis alors resté à Paris et j'ai échappé au miracle; je me suis
convaincu qu'il y avait dans l'étude des rayons N une erreur énorme ;
je crois que cette erreur est universellement reconnue aujourd'hui.
Si l'on avait pu à Nancy faire des expériences de contrôle, j'y serais
allé, mais ces expériences de contrôle ont été refusées. J'irais
encore à Elberfeld si on pouvait y faire une utile besogne; pour
assister à des spectacles, il est inutile d'aller si loin, et je n'ai pas
encore le moyen d'expliquer tous les tours des prestidigitateurs des
boulevards. Peut-être serait-on capable à Elberfeld de m'inspirer la PIÉRON. — LE PROBLÈME DES ANIMAUX PENSANTS 219 H.
foi, et ce serait navrant pour moi, car ce serait m'ôter toute possi
bilité à l'avenir de juger sainement et impartialement les faits.
Cet examen sommaire, je vais tâcher de le réaliser actuellement.
On se souvient de l'origine déjà lointaine du débat actuel :
Un vieil original, ami des animaux, Wilhelm von Osten, avait
éduqué un cheval, le « Kluge » Hans, qui savait compter, calculer,
lire, parler, et fit courir toute l'Allemagne. Sur le désir de l'empe
reur, une commission scientifique présidée par le Pr Stumpf étudia
le cheval, et le rapport de l'assistant Pfungst établit que le cheval
n'avait aucune des facultés qu'on lui prêtait, mais se guidait sur
des signes presque imperceptibles et involontaires fournis par la
mimique des assistants.
Le jugement parut sans appel. Cependant M. von Osten, qui ne
devait pas tarder à mourir, avait vendu son cheval à un bijoutier
d'Elberfeld, M. Krall, qui, convaincu au préalable de la réalité des
facultés supérieures des chevaux, reprit l'éducation de Hans, en
évitant les signes optiques, et obtint bientôt dans l'obscurité les
mêmes résultats préalablement obtenus à la lumière. Puis,
Hans devenant intraitable, il dressait de la même manière deux
autres chevaux, Muhamed et Zarif, dont les exploits sont longue
ment exposés dans le livre luxueux et qui fit sensation : « Denkende
Pferde ».
L'auteur y présentait ses animaux comme des enfants très intel
ligents, capables de tout comprendre et de répondre à toutes les
questions posées; il étudiait leurs sensations (obtenant d'ailleurs
des résultats souvent invraisemblables), il leur apprenait à
compter, à calculer, à parler, à lire, à raisonner abstraitement.
Et les chevaux exprimaient spontanément leurs aversions ou
leurs désirs, faisaient des découvertes étonnantes, comme celle de
l'extraction de racines cubiques, quatrièmes, cinquièmes, alors que
leur maître n'avait commencé à leur apprendre que l'extraction de
la racine carrée.
Les faits étaient invraisemblables, et n'auraient pas forcé l'atten
tion publique si une série de savants n'étaient allés à Elberfeld et
n'avaient donné à M. Krall des certificats d'exactitude — un peu
hâtivement — tout en publiant d'autre part quelques résultats mer
veilleux des séances auxquelles ils avaient assisté.
Dans ces séances, quelques épellations de noms figurèrent,
quelques interprétations verbales de coups frappés paroles
chevaux1, mais surtout des calculs, et principalement des extrac
tions de racines, racines élevées surtout, avec, comme sujets, non
1. On sait que chaque lettre est désignée par deux nombres, l'un
exprimé par des coups de sabot de la patte droite, l'autre par des coups
de la patte gauche. 220 NOTES ET REVUES
seulement Muhamed et Zarif, mais une série d'autres chevaux, le
poney Hänschen, le cheval aveugle Berto, etc.
Les assertions de MM. Claparède, Mac Kenzie et Assagioli,
Besredka, Ziegler, Sarasin, Von Büttel Reepen, provoquèrent une
stupéfaction générale et ouvrirent un débat qui ne paraît pas près
de se clore.
Nombre de ces savants et d'autres encore se déclarèrent
convaincus de la réalité de processus mentaux supérieurs chez les
chevaux.
Nombre d'autres déclarèrent absurde une pareille hypothèse, et
indigne d'un homme de science de se préoccuper du bijoutier
d'Elberfeld et de ses chevaux.
Contre les certificats donnés à Krall s'éleva au Congrès interna
tional de Zoologie de Monaco, à Pâques 1913, une protestation signée
de A. Bethe, Brandes, Bühler, Dexler, Doflein, Ettlinger, Forel,
Freund, Kükenthal, Lipmann, von Maday, Marek, Nikolai, Poll,
Schauinsland, Schottmüller, Semon, Spengel, Thesing, von Tscher-
mak, Wasmann, Wigge, Wundt, Zimmer.
• Haeckel acceptait avec enthousiasme l'idée que les chevaux
avaient une pensée semblable à celle de l'homme, et le Père
Wasmann s'y opposait avec non moins d'énergie; cependant que
Camillo Schneider, faisant de la notion de cause le propre de la
raison humaine — différente de nature de l'intelligence animale, —
acceptait très bien que les chevaux possèdent des facultés calculat
rices, oubliant sans doute toute une série de faits de raisonne
ments avancés par Krall, et comparait à celle de Darwin la concep
tion nouvelle du bijoutier d'Elberfeld.
Certains cherchèrent à rendre conciliable avec les données
admises le fait considéré comme établi des capacités de calcul
chevalines, montrant que les calculateurs n'avaient pas besoin
d'intelligence, ou visant à établir que le cerveau du cheval avait
une capacité suffisante pour permettre le calcul, ou encore rappe
lant que l'abstraction se ramène aux lois générales de l'association
et de la mémoire (Lugaro).
Dans tout cela il y a des considérations théoriques, des attitudes
affectives, des croyances, mais rien qui soit de nature à solutionner
le problème de l'existence réelle d'une pensée abstraite et d'une
capacité calculatrice chez les chevaux.
Le problème ne se pose d'ailleurs pas seulement pour ces an
imaux l : la femme d'un avocat de Mannheim, Mme Mœkel, a éduqué
des chiens par la méthode de Krall, et a obtenu exactement la
môme série de faits; le chien Rolf calcule aussi, parle également,
résout à son tour des devinettes et manifeste de l'humour 2. D&#

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