Le rapport à l’apprendre dans le monde confucéen
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1Le rapport à l’apprendre dans le monde confucéen Par OUYANG Yuzhi Etant considéré comme le premier éducateur en Chine, Confucius a consacré la plupart de sa vie à l’enseignement, bien qu’il ait eu également la plus grande des ambitions pour la politique. Sa pratique tout comme sa réflexion sur l'éducation ont exercé une influence considérable sur le développement de l'éducation, aussi bien en Chine qu'ailleurs dans le monde. Dans sa pensée éducative, l’apprendre était évoqué très fréquemment. Qu’est-ce que l’apprendre ? Comment apprend-on ? Quelle est la valeur de l’apprendre ? D’une certaine façon, Confucius a fondé sa pensée éducative sur les réponses à ces questions. Dans Entretiens de Confucius, qui est considéré comme le premier Classique du confucianisme, il y a 500 paroles de Confucius entre lui et ses disciples, dont 66 discours concernant le sujet d’apprendre. « L’apprendre », c’est le sujet de la toute première phrase des Entretiens : «Apprendre une règle de vie pour l’appliquer au bon moment, n’est-ce pas source de grand 2plaisir ? ». L’apprendre est un des trois « pôles » qui se dégagent comme essentiels dans l’articulation de l’enseignement de Confucius. Je vais explorer le rapport à l’apprendre dans le monde confucéen suivant trois aspects. 1 Je voudrais utiliser ici le terme «rapport à l’apprendre » et non celui de « rapport au savoir » que j’utilise par ailleurs dans ma ...

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1Le rapport à l’apprendre dans le monde confucéen

Par OUYANG Yuzhi

Etant considéré comme le premier éducateur en Chine, Confucius a consacré la plupart
de sa vie à l’enseignement, bien qu’il ait eu également la plus grande des ambitions pour la
politique. Sa pratique tout comme sa réflexion sur l'éducation ont exercé une influence
considérable sur le développement de l'éducation, aussi bien en Chine qu'ailleurs dans le
monde. Dans sa pensée éducative, l’apprendre était évoqué très fréquemment. Qu’est-ce que
l’apprendre ? Comment apprend-on ? Quelle est la valeur de l’apprendre ? D’une certaine
façon, Confucius a fondé sa pensée éducative sur les réponses à ces questions. Dans
Entretiens de Confucius, qui est considéré comme le premier Classique du confucianisme, il y
a 500 paroles de Confucius entre lui et ses disciples, dont 66 discours concernant le sujet
d’apprendre. « L’apprendre », c’est le sujet de la toute première phrase des Entretiens :
«Apprendre une règle de vie pour l’appliquer au bon moment, n’est-ce pas source de grand
2plaisir ? ». L’apprendre est un des trois « pôles » qui se dégagent comme essentiels dans
l’articulation de l’enseignement de Confucius. Je vais explorer le rapport à l’apprendre dans le
monde confucéen suivant trois aspects.

1 Je voudrais utiliser ici le terme «rapport à l’apprendre » et non celui de « rapport au savoir » que j’utilise
par ailleurs dans ma recherche de thèse; les raisons en sont, premièrement, il n’existe pas en Chine de terme
équivalent à « rapport au savoir » et que, deuxièmement, le rapport au savoir constituait une liaison
impliquant le savoir. De ce fait, la notion du rapport au savoir, comme nous l’entendons en France, est si
limitée que je ne peux pas l’employer pour présenter la pensée des sagesses de l’histoire chinoise, sachant
que cette dernière se réfère plus à la connaissance qu’au savoir.
2 Trois « pôles » : l’apprendre, la qualité humaine (ren 仁) et l’esprit rituel (li 礼). Anne Cheng, Histoire de la
pensée chinoise, 1997, P.64 1. Le rapport à la valeur d’apprendre
31.1. « L’homme de bien vit dans l’étude pour se parfaire dans la Voie »
« L’homme de bien vit dans l’étude pour se parfaire dans la Voie » : cette phrase,
apparemment simple, représente le noyau du rapport à la valeur d’apprendre chez les
confucianistes. On peut dire qu’elle reflète d’une certaine manière les fondamentaux de la
pensée confucéenne. Selon Zhang Zai (1020-1077), le grand lettré confucéen du XIe siècle,
4« apprendre, c’est apprendre à faire de soi un être humain » . «Un être humain », non
seulement pour le confucianisme mais aussi pour les néo-confucianistes, c’est un homme de
bien (junzi君子). Confucius a consacré toute sa vie à enseigner comment être cet homme de
bien et c’est sur ce dernier qu’il s’est appuyé pour construire une société idéale. Comment
devient-on homme de bien ? Confucius dit : « L’homme de bien, tout en élargissant sans cesse
ses connaissances, est capable de les ordonner par le rituel et ne saurait trahir la Voie. »
(Entretiens de Confucius, chap.6.25). L’apprendre, la qualité humaine et l’esprit rituel, ces
trois « pôles », sont considérés comme essentiels aussi bien dans l’articulation de son
enseignement que dans la constitution de l’homme de bien, comme l’a remarqué Anne Cheng.
On doit cependant reconnaître que la qualité humaine et l’esprit rituel ne sont pas des
données ; ils se construisent et se tissent également par l’apprendre et par les pratiques.
Comme un des disciples importants de Confucius, Zi Xia (508- ? av.J.-C.), le dit : « Élargir
ses connaissances sans perdre de vue son but, interroger toujours plus pour mieux se connaître,
voilà qui tient déjà du ren » (Entretiens de Confucius, chap.19-6). Donc, Confucius insistait
pour que l’on apprenne les six Arts – les rites, la musique, le tir, l’équitation, l’écriture et les
chiffres – et les mette en pratique dans la vie afin d’être un homme de bien. Sinon, « sans
l’amour de l’étude, toute déformation est possible : l’amour du ren devient platitude, l’amour
du savoir, superficialité, l’amour de l’honnêteté, préjudice, l’amour de la droiture, intolérance,
l’amour de la bravoure, insoumission, enfin l’amour de la rigueur devient fanatisme. »
(Entretiens de Confucius, chap.17-8)

3 En chinois : 君子学以致其道. En pinyin : junzi xue yi zhi qi dao, Entretiens de Confucius, 19.7
4 Je reprends ici la citation de Anne Cheng, dans son ouvrage intitulé Histoire de la pensée chinoise, P. 67 Si on dit qu’être homme de bien est le premier aspect de la valeur d’apprendre dans le
confucianisme, ce n’est cependant qu’un point de départ. Autrement dit, l’appendre n’est pas
une fin pour l’homme de bien, mais cela lui permet de se parfaire dans la Voie (dao 道) . Pour
mieux comprendre ce rapport de la valeur d’apprendre, on doit commencer d’abord par
s’interroger sur ce qu’est la Voie dans le monde confucéen. Les premières phrases de
5l’Invariable Milieu (Zhong yong 中庸), un des livres des « Quatre Livres » , nous l’explique
clairement : « Ce que le Ciel destine (tianming 天命) à l’homme, c’est ce qui s’appelle la
nature humaine (Xing 性) ; suivre la nature humaine, c’est la Voie ; cultiver la Voie, c’est
l’éducation ». Il faut souligner tout de suite que le Ciel, en langue chinoise, n’indique pas
seulement ce que l’on peut voir au dessus de nos têtes. « Le Maître dit : Le Ciel lui-même
parle-t-il jamais ? Les quatre saisons se succèdent, les cent créatures prolifèrent : qu’est-il
besoin au Ciel de parler ? » (Entretiens de Confucius, chap.17-19). Evidemment, le Ciel est
aussi perçu comme la force suprême gouvernant l’univers. Quand le mot « Ciel » associe le
« destin » (ming, 命), cela signifie que ce qui est nécessaire et imprévu dans la composition
de la vie d’un être humain, indépendamment de sa volonté, est décrété par le Ciel. « A
cinquante ans, je connaissais les décrets du Ciel » (Entretiens de Confucius, chap.2-4),
disait-il le Maître. « L’homme de bien doit respecter trois choses : les Décrets du Ciel, les
hommes éminents et les paroles d’un Sage ». (Entretiens de Confucius, chap.16-8). Le Décret
du Ciel est inéluctable, mais, pour Confucius, on peut le reconnaître et il doit être respecté.
« Ce que le Ciel destine à l’homme, c’est ce qui s’appelle la nature humaine » ;
c’est-à-dire que la nature humaine est originellement issue du Ciel. « Le Maître dit : Par leur
nature, les hommes sont proches ; c’est à la pratique qu’ils divergent. » Entretiens de
Confucius, 17.2). Pour Confucius, la nature humaine, décrétée par le Ciel, est pareille pour
tout le monde. Mais Confucius n’a pas précisé si elle est bonne ou mauvaise, bienveillante ou
malveillante. « La nature humaine, d’après Confucius, est relative à la pratique, remarquait
Zhang Dainian (张岱年 1909-2004), un des plus célèbres philosophes chinois contemporains.
Confucius a parlé de la nature humaine sans indiquer si elle est bienveillante ou malveillante,

5 Les quatre canons confucéens réputés : Entretiens de Confucius (Lun yu论语), Mencius (Mengzi 孟子 ),
Grande Etude (Da Xue大学), Invariable Milieu (Zhong yong 中庸). mais il estimait que la nature humaine de chacun est similaire. La divergence vient de la
6pratique. » C’est Mencius qui a développé la dimension prescriptive de la nature humaine en
désignant l’avènement de l’être éthique. Plus précisément, la nature humaine n’est pas
seulement donnée par le Décret du Ciel, mais elle contient aussi de la moralité en « germe »,
qui reste à développer par les hommes eux-mêmes.
Mencius dit : « Tout homme a un cœur qui réagit à l’intolérable. … Supposez que des
gens voient soudain un enfant sur le point de tomber dans un puits ; ils auront tous une
réaction d’effroi et d’empathie qui ne sera motivée ni par le désir d’être en bons termes avec
les parents, ni par le souci d’une bonne réputation auprès des voisins et amis, ni par
l’aversion pour les hurlements de l’enfant. Il apparaît ainsi que, sans un cœur qui compatit à
autrui, on n’est pas humain ; sans un cœur qui éprouve la honte, on n’est pas humain ; sans
un cœur empreint de modestie et de déférence, on

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