Le rituel d Ouverture des Passes. Un concept de l enfance - article ; n°137 ; vol.36, pg 119-142
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Description

L'Homme - Année 1996 - Volume 36 - Numéro 137 - Pages 119-142
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Brigitte Baptandier
Le rituel d'Ouverture des Passes. Un concept de l'enfance
In: L'Homme, 1996, tome 36 n°137. pp. 119-142.
Citer ce document / Cite this document :
Baptandier Brigitte. Le rituel d'Ouverture des Passes. Un concept de l'enfance. In: L'Homme, 1996, tome 36 n°137. pp. 119-
142.
doi : 10.3406/hom.1996.370038
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1996_num_36_137_370038/¡19
Brigitte Baptandier
Le rituel d'Ouverture des Passes
Un concept de l'enfance
Brigitte rituel chinois Baptandier, (Chine et Le Taiwan) rituel d'Ouverture d'Ouverture des des Passes. Passes, Un kaiguan, concept de est l'enfance. un rituel — spéci Le
fique de l'enfance. Cependant il n'est pas accompli pour franchir les étapes normales de
cette période, comprise entre la naissance et seize ans, mais bien pour corriger le destin
de certains enfants. C'est donc un discours en négatif sur l'enfance qui porte sur les rap
ports entre les sexes, entre les générations ainsi qu'entre les humains et le cosmos.
I. LE CONTEXTE GÉNÉRAL. LES GUAN. LE DISCOURS COURANT
Dans le sud de la Chine, au Fujian, au Canton, à Taiwan, mais aussi
chez les Chinois d'Asie du Sud-Est, on considère le parcours de
l'enfance comme semé d'obstacles. Il faut, avant de parvenir à l'âge
adulte, traverser un certain nombre de « passes », « portes », « barrières », guan
§£\ , qui entraveraient le déroulement paisible de la vie quotidienne. Plusieurs
auteurs en ont donné des listes et ont parfois décrit la manière de traverser ces
« passes » enfantines1. Celles-ci diffèrent des grandes étapes qui jalonnent par
ailleurs l'enfance : un mois, fête des relevailles où le père donne le nom, un an,
seize ans, passage à l'âge adulte. Néanmoins les uns associent le passage des
guan au franchissement de ces étapes : elles seraient des moments tout désignés
pour, de surcroît, « ouvrir les guan », tandis que selon d'autres les guan doivent
être passées régulièrement, notamment à chaque nouvel an. Ou encore ils
notent que le rituel pour ouvrir la passe s'effectue lorsque l'enfant présente cer
tains symptômes — il souffre d'un rhume, pleure, dort mal, etc. — , lesquels
demeurent d'un vague et d'une banalité qui devraient conduire à chercher
d'autres raisons. Presque tous s'accordent à dire que le rituel est accompli au
1. Par exemple, Doolittle 1865 : 127-132, Van Gennep 1909: 85, Doré 1914, I: 26 et, pour
Singapour, Topley 1951.
L'Homme 137, janv.-mars 1996, pp. 119-142. BRIGITTE BAPTANDIER 120
nom d'une divinité féminine protectrice de l'enfance, qui diffère d'ailleurs
selon les régions étudiées : Guanyin, Linshui furen, la Dame de la Fleur
d'Or, la Dame des Registres de naissance, la Mère céleste, etc. Tout comme
les vierges et les saintes du christianisme, les déesses sont légions en Chine.
Van Gennep, dans son ouvrage sur les rites de passage, consacre quelques
pages à ce rite chinois dont il avait connaissance d'après la description du
révérend Justus Doolittle, qui l'avait observé au Fujian. Voici ce qu'il en dit :
« Le rite essentiel est encore de passer sous la porte artificielle : et ici on
peut, ou bien supposer que l'enfance, considérée comme une qualité positive
(comme la maladie), a été transférée à la porte et détruite, ou, et je préfère
cette interprétation, que la porte est la limite entre deux périodes de l'exis
tence, en sorte que passer sous elle c'est sortir du monde de l'enfance pour
entrer dans celui de l'adolescence » (Van Gennep 1909 : 85).
Il me semble qu'on peut aller au-delà de cette interprétation des symboles
apparents du rituel qui ne s'appuie pas sur ses concepts spécifiques. L'ana
lyse que je propose ici se fonde sur des observations de terrain faites à Tai
wan et au Fujian. Les rituels auxquels j'ai assisté étaient accomplis par des
chamanes, fashi ¿& ± , de la tradition taoïste vernaculaire, dite du Liishan ou
des Sannai, que j'ai étudiée ailleurs2. Ces observations et l'analyse des don
nées ainsi recueillies m'amènent à penser que le phénomène des guan révèle
en fait un langage tout à fait particulier sur l'enfance et la construction de
l'identité.
Le rituel d'Ouverture des Passes, kaiguan ßft ¡ffl, se donne pour un rituel
de « passage » s'il en est ; le nom en témoigne : une guan est une barrière,
une porte, une frontière. D'après le dictionnaire étymologique Shuowen, guan
réfère à la barre de bois qui maintient la porte fermée. L'ensemble des guan,
quant à lui, trace un parcours particulier et significatif. Il semble tout compte
fait qu'il s'agisse plutôt d'un rite de transformation du destin, d'un rite de
cure pour un destin déviant ou présentant des incompatibilités intrinsèques.
C'est dire que tous les enfants n'y sont pas soumis, même si, en effet, dans
un souci prophylactique on fait souvent devant les temples une sorte de simu
lacre collectif de ce rite au moment du nouvel an. C'est pourtant un rituel
suffisamment courant pour qu'on y décèle un langage en négatif sur
l'enfance et il est nécessaire de resituer ce rite dans un contexte biogra
phique, afin de comprendre quelle en est l'origine et ce qu'il génère. La
manière de matérialiser la « passe » pourra alors seulement être prise en
compte pour déterminer les catégories de pensée originales à l'œuvre. Par
ailleurs, le rituel s'effectue dans différents registres de discours que l'on
pourra avec profit mettre en regard et faire s'interpréter mutuellement.
2. Voir Berthier 1987, 1988 et Baptandier Berthier 1994, 1995. rituel d' Ouverture des Passes 121 Le
La liste des guan. Perdre l'enfant : la glose des écueils
Le nombre
En dehors des explications fournies par les gens eux-mêmes, il existe des
listes de guan. On les trouve dans les almanachs populaires que toute maison
possède, mais aussi dans des manuels de divination. La plupart des auteurs qui
ont écrit sur ce sujet en ont également fourni une. Le nombre des passes est
fluctuant. Généralement on en compte une trentaine. Les manuscrits des rituels
dont je dispose n'en retiennent sous cette forme qu'une vingtaine qu'il importe
de nommer. Le fait que leur nombre reste flou est sans doute dû à ce qu'elles
procèdent, comme nous le verrons, de champs sémantiques différents.
La crainte de perdre l'enfant
Ce qui apparaît tout d'abord, c'est la crainte de perdre l'enfant, qui risque de
mourir lors d'accidents particuliers : guan de la voiture, guan de l'eau profonde
ou des liquides brûlants. Il peut aussi être victime d'une divinité : guan du dieu
du tonnerre, des enfers, de la ville ; aux prises avec un démon ou avec l'esprit des
morts qui ne trouvant pas le repos s'attaquent à lui : guan des cinq démons, des
trous d'eau, des démons nocturnes ; guan de la poutre du ciel : l'enfant ne pourra
regarder droit devant lui. Il peut encore être soumis aux sévices d'étoiles astrolo
giques, ennemies spécifiques de l'enfance, tel le Chien céleste et le Tigre blanc3.
Enfin il peut s'agir directement des dangers liés à une maladie infantile ou erupt
ive, variole, rougeole ; cette dernière est envisagée comme un moment de pas
sage, de séparation d'avec la mère. L'éruption est considérée comme l'expulsion
du « poison » matriciel, sécrété par l'enfant et sa mère jusqu'alors en état de
symbiose contradictoire à cause de leurs natures antithétiques : l'enfant est
considéré comme trop chaud, la mère comme plutôt froide. Les guan de l'eau
profonde et celle du Tigre blanc sont liées spécialement à ces dangers4.
En outre, l'enfant peut être menacé par une mauvaise intégration au lignage
de son père, en rivalité avec celui de sa mère avec lequel l'enfant n'aurait pas
« d'affinité », yuan ^: guan des mille jours, qui interdit durant tout ce temps
la visite de la grand-mère maternelle, y compris lors de la fête des relevailles. Il
se peut que la guan présente simplement un antagonisme grave dans l'horo
scope : guan des quatre « piliers » (les quatre « troncs célestes », tiangan de
s

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