Le sang, le miroir, la sœur - article ; n°31 ; vol.11, pg 229-246
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Description

Romantisme - Année 1981 - Volume 11 - Numéro 31 - Pages 229-246
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 93
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel-François Démet
Georg Trakl
Le sang, le miroir, la sœur
In: Romantisme, 1981, n°31. Sangs. pp. 229-246.
Citer ce document / Cite this document :
Démet Michel-François, Trakl Georg. Le sang, le miroir, la sœur. In: Romantisme, 1981, n°31. Sangs. pp. 229-246.
doi : 10.3406/roman.1981.4485
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1981_num_11_31_4485Michel-François DEMET
Georg Trakl : le sang, le miroir, la sœur
Pour des raisons qui ne tiennent nullement à la culture ou à la li
ttérature au sens étroit de ces mots, le « Sang allemand » peut paraître
au premier regard étranger largement obscurci par l'usage qu'en fit la
« littérature » national-socialiste et l'on peut légitimement se demand
er si le sang qui y apparaît est né ex nihilo ou bien s'il plonge des ra
cines plus profondes dans un imaginaire qui serait spécifiquement ger
manique. Ce serait là en effet un moyen de reposer la question toujours
non-résolue à notre sens de la continuité/discontinuité de l'histoire all
emande. On s'est complu à vulgariser la pensée de E. Vermeil (1) en con
sidérant que son analyse débouchait sur cette conclusion sommaire : une
ligne sans faille profonde conduirait de Luther à Hitler (2). Grâce au
nouvel éclairage que procure la mythologie du Sang, il me sera peut-
être possible un jour d'apporter de nouveaux éléments de réponse à
cette question (3).
D va de soi que l'histoire de ce Sang devrait remonter fort loin et
inclure au moins le Sang mystique des Baroques. Sachant « la vie brè
ve », j'ai limité mon champ d'enquête aux années 1870/80-1933. Afin
de situer la position historique du Sang chez Trakl, objet de cet article,
il est utile de résumer très sommairement l'évolution du thème au cours
de ces soixante années. La période 1870/80 est marquée par une dou
ble reprise de traditions partiellement divergentes à nos yeux, mais nul
lement à ceux de Richard Wagner : a) une tradition païenne germani
que (Tétralogie : Sang noir du Dragon conférant l'immunité au héros
Siegfried animé pourtant du Sang Vermeil, mais aussi Sang de l'Inceste
qui s'appelle significativement Blutschuld, « faute du » ou « faute
contre le Sang », mot d'une ambiguïté lourde de sens), b) une tradition
pseudo-chrétienne (teintée d'un vague orientalisme toujours à la mode)
dans Parsifal. Le double emploi de la mythologie du Sang wagnérien
pourrait être sommairement interprété, si nous écoutons Th. Adorno,
comme le besoin de structurer selon des schémas mythologiques une
réalité socio-économico-culturelle encore dépourvue de lettres de no
blesse, a fortiori de mythes. A l'autre extrémité de la période considérée,
nous trouvons le Sang nazi, celui de l'héroïsme des fondateurs du Reich
millénaire en contact vital, grâce au sang qui coule dans leurs veines,
avec le passé revendiqué et le futur auquel on aspire, le Sang Vermeil
1. Voir L'Allemagne, essai d'interprétation, Gallimard, 1945 et Doctrinaires
de la Révolution allemande, Nlles Ed. latines, 1948.
2. Voir la merveilleuse synthèse La question nazie de Pierre Ayçoberry,
Ed. du Seuil, 1979.
3. Cet article est une version abrégée et remaniée d'un chapitre de ma thèse
d'État en préparation : Thème et Mythologie du sang dans la littérature allemande
de 1870 à 1933. Michel-François Démet 230
justifiant « en passant » l'extermination du « Sang noir et vicié » des
Juifs. A égale distance de ces deux limites, nous trouvons le Sang ex
pressionniste (pour nous résumer) qui n'a nullement pour fonction de
privilégier telle ou telle face du thème, mais au contraire de les faire
coexister dans un tragique excluant toute possibilité de rédemption,
humaine ou divine.
La première question que nous pose l'œuvre d'apparence chaoti
que de G. Trakl est sans doute celle-ci : est-il possible, compte tenu de
ce chaos, de parler d'une mythologie structurée du Sang, comme c'est
le cas aux deux extrémités de notre chaîne chronologique. Ceci nous
conduit à quelques remarques liminaires sur la nature du langage poéti
que de G. Trakl.
I - La structure parataxique de la langue de G. Trakl peut-elle s'opposer
à la constitution d'une mythologie du Sang ?
Le premier survol de l'œuvre de G. Trakl pourra convaincre même
le lecteur francophone (4) de l'extraordinaire puissance connotative des
images de Trakl : Die Purpurschnecken kriechen aus zerbrochenen
Schalen/Und speien Blut im Dorngewinde starr undgrau (5). Le second
constat du lecteur non familier de Trakl sera sans doute celui de l'inc
ohérence. Chaque poème de G. Trakl fait en effet penser à une mosaïque
où chaque détail, en apparence isolé des autres et sans rapport percept
ible avec eux, prend une valeur autonome accrue d'autant plus décon
certante et impose une sensation de dépaysement total, de plongée
dans un monde étranger, de toute évidence pourvu d'une logique, mais
encore inaccessible. Chaque image, chaque poème se révèle ensuite être
une pièce d'une mosaïque plus vaste, mais il restera que l'œuvre est un
système clos dont les signes doivent faire l'objet d'un apprentissage.
Nous omettrons ici les statistiques (6) dont le résultat est unanime :
Trakl désigne les choses sous l'aspect d'archétypes immuables (sur
abondance des substantifs) plutôt que sous celui du Devenir (pauvreté en
verbes). Il précise leur nature (abondance d'adjectifs souvent placés en
tête de vers), mais surtout les juxtapose sans établir entre les éléments
de relations logiques (rareté étonnante d'adverbes précisant les modes
d'action et surtout de conjonctions, point capital). Le discours de Trakl
se déploie sub specie aeternitatis sous les yeux toujours vides de sa pro
pre effigie dont nous verrons plus loin les divers aspects.
De ces constatations découlent pour notre propos quatre faits
essentiels : a) Caractère structurel de l'œuvre. Nous voulons dire par ce
mot aujourd'hui bien démodé que la thématique du Sang ne prend sa
signification que par rapport aux éléments du tout de l'œuvre qui s'en
trouvent également modifiés : la Sœur, le Miroir, etc. b) Application à
publiée 4.en Nous 1974 nous chez référons Gallimard. à la traduction de Jean-Claude Schneider et Marc Petit,
5. « Les pourpres de mer rampent hors de leurs coquilles brisées/Et crachent
du sang dans la couronne d'épines roides et grises ».
6. Voir Rudolf Dirk Schier, Die Sprache Georg Trahis, Carl Winter Universi-
tâtsverlag, 1970, p. 25. Voir Joseph Leitgelb « Die Trakl-Welt, Wort in Gebirge,
III, 1951, p. 7-39. Trakl : le sang, le miroir, la sœur 231 G.
à la structure linguistique d'un mode d'appréhension du monde, la pa-
rataxe est le reflet des structures même de l'être du poète et de l'œuvre,
de ses rapports ontologiques avec la notion de mal. c) Toute image,
cqmme celle citée plus haut et mettant en mouvement les phantasmes
du Sang, prend son origine dans un processus associatif qui nous con
duit hors du poème, le confirme tout en le mettant en cause. Il arrive
parfois que le mystère de l'image reste total et il nous semble alors inut
ile de faire appel à la biographie (usage des stupéfiants) qui ne nous
aiderait qu'à mettre l'œuvre entre parenthèses, d) L'aspect intemporel
de l'attitude du poète semble le prédisposer à la création d'une mythol
ogie si nous entendons par là la transmutation de l'accidentel contin
gent en nature nécessaire. En revanche, l'aspect chaotique de l'œuvre
tel que nous venons de l'évoquer semble s'y opposer. Après ces remar
ques préalables, nous croyons pouvoir dire de cette œuvre qu'elle est
écrite en « langage codé », eine Chiffrensprache selon l'expression de
W. Killy, qu'elle appelle une logique thématique susceptible d'expri
mer sous forme cohérente les obsessions propres au poète, qu'elle pos
sède une réelle logique structurelle sous les apparences chaotiques des
mondes en création. Nous pouvons donc nous attendre que le Sang soit
l'une des clefs de ce monde et nous allons en effet essayer de montrer
que c'est par le Sang et sa mythologie que Trakl fit l'apprentissage de sa
courte vie, cel

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