Le taux de profit et les incompatibilités Marx-Keynes - article ; n°6 ; vol.21, pg 1189-1211
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 6 - Pages 1189-1211
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A. Emmanuel
Le taux de profit et les incompatibilités Marx-Keynes
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 6, 1966. pp. 1189-1211.
Citer ce document / Cite this document :
Emmanuel A. Le taux de profit et les incompatibilités Marx-Keynes. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année,
N. 6, 1966. pp. 1189-1211.
doi : 10.3406/ahess.1966.421474
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_6_421474ETUDES
Le taux de profit
et les incompatibilités Marx- Key nes
On serait tenté de souscrire à l'affirmation de Schumpeter, à savoir
que « l'abîme qui sépare Marx de Keynes est... beaucoup moins large
que celui qui sépare Marx de Marshall et de Wicksell ». x Mais un
« abîme moins large » n'en demeure pas moins un abîme et les diverses
tentatives faites jusqu'ici, à partir des deux bords, en vue d'y jeter
la passerelle de Г « Économie généralisée », ne semblent pas très
réussies.
Une de ces tentatives est représentée par un exposé remarquable
que l'économiste marxiste, Paul Boccara, a fait à l'École Pratique des
Hautes Études à la Sorbonně, dans lequel un effort systématique a été
déployé pour faire converger les deux doctrines. Bien sûr, Boccara ne
met les deux doctrines en parallèle que sur un point précis, ce que Marx
appelle la surproduction de capital. Nous supposons en outre qu'il
admette que dans l'ensemble, et hormis ce point particulier, les deux
systèmes soient fondamentalement différents et irréductibles. Mais
nous croyons que même sur ce chapitre, et peut-être sur celui-là encore
plus que sur certains autres, l'incompatibilité des prémisses interdit
certains rapprochements et c'est ce que nous nous proposons de démont
rer.
La baisse du taux de profit
Le point de départ de la thèse de Boccara est la baisse tendancielle
du taux de profit et sur ce point initial nous devons dire que le paral
lélisme qu'il établit entre la thèse marxiste bien connue et la théorie
de l'efficacité marginale déclinante des investissements de Keynes
semble avoir droit au bénéfice du doute. Abstraction faite de certaines
restrictions, dont il sera question ci-après, Keynes semble en effet
1. Capitalisme socialisme et démocratie, chap. X.
1489 ANNALES
croire à une baisse séculaire du taux de profit, comme y croyait Marx,
comme y croyaient les classiques et comme y croyaient déjà les mer-
cantilistes, qui ne se lassaient pas de comparer le taux d'intérêt et le
profit (les deux étaient confondus dans leurs écrits), d'abord au
xvne siècle, entre la Hollande, bourrée de capitaux et l'Angleterre qui
commençait à peine son accumulation, et ensuite entre et
la France où les termes de comparaison étaient renversés. Mais y avait-il
beaucoup d'économistes avant — disons — la dernière guerre qui ne
crussent pas à cette baisse ? Il s'agissait alors d'un phénomène d'ob
servation constaté tout au long des siècles et chacun essayait, a poster
iori, d'en donner une justification théorique. Comme toutes les théo
ries destinées à rendre compte d'un événement universellement reconnu,
elles pouvaient tout à la fois s'opposer l'une à l'autre et proposer cha
cune de son côté un ensemble de conditions dont la concomitance,
sinon le lien de causalité avec l'événement, était aisément démont
rable x.
Les économistes préclassiques imputaient la baisse du taux de
profit à l'accumulation des capitaux, sans plus. Jusques et y compris
Adam Smith, on ne voyait pas très bien si c'est la concurrence sur les
prix ou la concurrence sur les salaires qui provoquait la baisse du taux
de profit. On était à court d'explication. J. B. Say et Sismondi ne sont
pas allés plus loin. Ricardo — suivi par Malthus et Mac Culloch — a
naturellement rejeté la version « prix ». Dans son système, une baisse
générale des prix ne signifie rien en termes économiques réels. Ce n'est
qu'un changement d'échelle. Elle ne peut affecter per se, ni les profits
ni les salaires. La somme des revenus étant égale à la somme des
valeurs produites, seule la variation d'une catégorie de revenus, en
l'occurrence les salaires, peut faire varier l'autre, les profits, en sens
inverse. Mais la seule concurrence des capitalistes ne peut faire aug
menter durablement les salaires au-dessus du coût des subsistances.
L'augmentation de la population y mettrait bon ordre. Donc, c'est le
coût des subsistances lui-même qui devrait augmenter. Et cette aug
mentation s'expliquerait par la loi des rendements décroissants de
l'agriculture.
1. Cette concomitance pouvait suffire dès lors que la « vérification historique »
permettait de faire retomber la charge de la preuve sur les détracteurs éventuels.
Aujourd'hui, elle ne suffit pas. La tendance n'étant plus verifiable dans les faits, elle
a cessé de bénéficier du préjugé favorable et de l'adhésion quasi-unanime d'antan.
Un certain nombre d'économistes — entre autres on peut citer E. D. Domar et
A. W. Lewis — ont formellement nié la nécessité de la baisse. Beaucoup d'autres en
doutent. Dans le camp marxiste Werner Hofmann est allé jusqu'à dire, dans Indenge-
schichte der sozialen Bewegung des 19. und 20. Jahrhunderts, que la théorie marxiste
pouvait très bien se passer de cette loi. Charles Bettelheim d'autre part a présenté
de ce problème une analyse entièrement neuve et originale, dont il sera question plus
loin.
1190 MARX ET KEYNES
J. St. Mill a donné à cette façon de voir une formulation plus
arrondie : lorsque les capitaux se multiplient, de deux choses l'une : ou
bien la population n'augmente pas, alors une quantité croissante de
capitaux se disputeront le même nombre de travailleurs et leur con
currence fera s'élever les salaires ; ou, ce qui est plus probable, la popul
ation augmente, et alors on devra tirer d'une terre limitée une plus
grande quantité de subsistances, soit par la mise en culture de terrains
moins fertiles, soit par l'application d'une plus grande quantité de capi
taux par unité de terrain. Dans les deux cas, le coût des subsistances
augmente et les salaires aussi, par voie de conséquence.
La même chose était aussi exprimée d'une autre façon : en vertu
de la péréquation des profits, tous les capitaux doivent fournir le
même taux, qu'ils soient occupés dans l'agriculture ou dans l'industrie.
Mais il existe au moins un terrain dont le taux de profit est déterminé
par des conditions externes, matérielles. C'est le plus mauvais tejrain
mis en culture, celui qui ne paie pas de rente. Sur ce terrain, le profit n'est
qu'un reliquat : ce qui reste après que les ouvriers aient été nourris.
Des terrains de moins en moins fertiles devant être mis en culture pour
faire face à l'augmentation de la population, ce reliquat va en s'ame-
nuisant. Comme tous les autres profits doivent nécessairement s'al
igner sur celui de ce dernier terrain ou du dernier capital agricole, le
taux général du profit doit baisser x.
Marx a récusé cette explication en attribuant la baisse du taux
de profit à l'élévation de la composition organique du capital,
couvrant ainsi le cas où, par suite du progrès technique, l'agriculture
cesserait d'être une branche à rendements décroissants 2. Dans cette
thèse bien connue, l'augmentation du capital constant, par rapport à
la quantité de travail mise en exploitation, est indiquée comme la
cause de la baisse du taux de profit et la dépréciation concomitante du
capital constant est indiquée comme une circonstance qui la contre
carre de même que la dépréciation des subsistances. Mais il n'est pas
démontré, ni même explicitement posé, que l'effet de ces dépréciations
est moindre que celui de l'accumulation du capital constant 3. Le rap
port entre les deux devrait, dès lors, dépendre du taux de croissance
de la productivité du travail.
1. Nous trouvons pour la première fois l'énoncé de cette version chez James Mill,
Elements of Political Economy, 1821.
2. Le progrès technique dans l'agriculture avait été en effet g

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