Les bifurcations de la politique énergétique française depuis la guerre - article ; n°4 ; vol.37, pg 609-620
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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1982 - Volume 37 - Numéro 4 - Pages 609-620
Bifurcations of French Energy Policy
French energy policy has given rise to several major controversies : in 1974, how to respond to the quadrupling of the price of petroleum ? In the 60's, what path to follow in nuclear policy ? How to manage petroleum development ? How far to allow the decline of coal-mining to go ? In the 50' s, how to exploit natural gas from Lacq ? In each of these controversies, the « productionists » have won the battle against the « autonomists » who seem, however, to have always been shown correct by history. A strange game, in which the will to power of the great technocrats sometimes deviates from the common interest, and in which traditional political means of mediation fail to control.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis Puiseux
Les bifurcations de la politique énergétique française depuis la
guerre
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 37e année, N. 4, 1982. pp. 609-620.
Abstract
Bifurcations of French Energy Policy
French energy policy has given rise to several major controversies : in 1974, how to respond to the quadrupling of the price of
petroleum ? In the 60's, what path to follow in nuclear policy ? How to manage petroleum development ? How far to allow the
decline of coal-mining to go ? In the 50' s, how to exploit natural gas from Lacq ? In each of these controversies, the «
productionists » have won the battle against the « autonomists » who seem, however, to have always been shown correct by
history. A strange game, in which the will to power of the great technocrats sometimes deviates from the common interest, and in
which traditional political means of mediation fail to control.
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Puiseux Louis. Les bifurcations de la politique énergétique française depuis la guerre. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 37e année, N. 4, 1982. pp. 609-620.
doi : 10.3406/ahess.1982.282874
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282874LE TEMPS PRESENT
LES BIFURCA TIONS DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE FRANÇAISE
DEPUIS LA GUERRE
Quand la Révolution française se produit, Louis XVI
ne le sait pas mais tout le monde le sait. Aujourd'hui,
où il s'agit d'un changement bien plus important, dans
lequel viennent se rassembler tous les bouleversements
antérieurs, tout le monde aussi le pressent, si chacun de
nous ne peut affirmer qu'il le sait.
Maurice Blanchot
Le paradoxe de la politique énergétique française depuis trente ans cest qu'à
chacune de ses bifurcations, les « productivistes » l'ont régulièrement emporté sur
les « autonomistes ». à qui l'histoire semble pourtant toujours finir par donner
raison.
Je nomme ici « productivistes » les acteurs et groupes sociaux dont le critère
suprême est la maximisation de la croissance économique, donc l'ouverture la plus
grande possible à la compétitivité internationale, avec les risques que cela implique
envers la nature, la sécurité et l'indépendance. Je nomme « autonomistes » ceux
dont le critère majeur est la maitrise de son propre développement la self-reliance.
donc la prudence envers les risques écologiques et envers la loi du marché
planétaire ' . Cette opposition entre « productivistes » et « autonomistes » n'est pas
sans analogie, en termes de théorie des jeux, avec l'opposition entre stratégie de
maximisation des avantages (« maximin ») et stratégie de minimisation des risques
(« minimax »). Bien que toute politique réelle ne soient jamais qu'un certain dosage
de ces deux options, bien qu'aucun des acteurs en cause ne se soit désigné en ces
termes, et bien que ce ne soit pas toujours les mêmes acteurs qui tiennent les rôles
opposés dans la controverse, cette dichotomie « producu visme-autonomisme » est
je crois, une bonne clé de compréhension de l'histoire des décisions économiques
de ce dernier tiers de siècle, et sans doute pas seulement dans le domaine de
l'énergie. LE TEMPS PRESENT
Au cours de cène période, le développement des forces productives a pris
l'allure d'un embrasement général, les échanges économiques se sont prodigieuse
ment accélérés, le modèle occidental a fait tache d'huile sur toute la planète, la
société civile et politique s'est trouvée partout investie par les exigences impérieuses
de l'économie, des milliers de cultures originales, de langues diverses ont disparu à
jamais : triomphe explosif de « l'Ordre marchand » 2. Cette pulsation historique est
interprétée par les « productivistes » comme une sorte de fin de la préhistoire,
l'accomplissement du progrès scientifique et technique, l'instauration sans retour
d'une rationalité planétaire — et par les « autonomistes », comme un avatar qui
nous réserve de dangereuses découvertes : ils savent que l'histoire n'a pas
commencé avec la révolution industrielle du xixe siècle 3 et qu'elle ne s'achèvera
pas dans la généralisation de {'American Way of Life.
On comprend donc que les « productivistes » considèrent les « autonomistes »
comme des malthusiens, des pleutres et. au fond, des réactionnaires, alors que les
« autonomistes » pensent aux « » sinon comme à des mégalomanes,
du moins comme à des gens qui ont « un petit vélo dans la tête ».
Tels sont les rôles. Voyons l'intrigue 4. Je me limiterai ici aux « bifurcations »,
c'est-à-dire aux moments et aux sujets où il aurait suffi de peu de chose pour que
l'histoire ultérieure prenne un autre cours, comme le ruisseau de la Cordillière des
Andes hésitant sur la ligne de partage des eaux entre le versant atlantique et le
versant pacifique.
La période 1945-1955 correspond à une sorte d'âge d'or de la politique
énergétique française : on reconstruit, on développe, on met en ordre, dans un
climat de très large consensus social. L'exploitation du charbon et de la houille
blanche atteint son plein essor, l'interconnexion du réseau électrique se complète,
l'électrification rurale se poursuit vigoureusement. Le grand effort de prospection
pétrolière est enfin payé de retour, non pas en Métropole mais en Algérie. La
« démocratisation » de l'automobile est réclamée par tous les partis. Le dispositif
institutionnel de la Libération — nationalisation du gaz. de l'électricité et du
charbon, création du BRP. du Commissariat à l'Énergie Atomique et du Commiss
ariat au Plan, avec une solide Commission de — fonctionne à plein
régime. Face au capitalisme privé, ici largement exproprié, il a porté au pouvoir une
nouvelle classe de grands commis du service public, d'origine familiale souvent
modeste, polytechniciens du corps des Mines ou du corps des Ponts, inspecteurs des
Finances, nourris à la même rationalité, malgré leurs rivalités de clans, dont les
carrières culmineront souvent à des postes ministériels (Pierre Guillaumat. Robert
Galley. Jean Blancard. André Giraud. Paul Moch. Albin Chalandon.) s'entrecroi
seront entre le Commissariat au Plan et les entreprises publiques (Pierre Massé.
Claude Deslival...) et dont le prestige intellectuel débordera parfois les frontières
(Pierre Massé. Marcel Boiteux) avec la théorie de l'actualisation et la tarification
marginaliste s.
La première épreuve se profile dès le début des années 1 950 : on a découvert un
gros gisement de gaz naturel à Lacq. dans les Pyrénées. Enfin î l'Hexagone n'est
donc pas. comparée à l'Amérique du Nord, la terre ingrate qu'on craignait. Les
pouvoirs régionaux sont naturellement partisans de conserver le trésor dans la
région, de l'exploiter en bon père de famille et à bon prix. Les pétroliers (BRP.
SNPA. DICA) défendent également cette position « autonomiste ». afin de pré- L PUISEUX LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
server la marge bénéficiaire nécessaire au financement de la prospection. Les
gaziers et les électriciens (GDF. EDF, la DIGELEC) plaident au contraire pour une
exploitation rapide, à grande échelle et prix attractifs, afin de maximiser leurs
activités en diminuant leurs coûts de production.
Le ministre de l'Économie et des Finances. Félix Gaillard, tranche en faveur des
« productivistes ». L'un des témoins de la Commission de l'Énergie du Plan
rapporte cet échange de répliques :
Pierre Guillaumat : « Mais vous allez cassez les prix ! »
Félix Gaillard : « J'espère bien ! »
En 1956. la SNPA présente un programme d'investissement et d'exploitation
résolument expansionniste. La fermeture du canal de Suez en octobre 1956 sera
interprété comme un argument supplémentaire en faveur des « productivistes »
(« il faut boucher d'autant plus vite le trou »), alors qu'on peut à bon droit
l'interpréter aujourd'hui en sens inverse : préfiguration du désastre de 1973, et
preuve de l'imprudence de notre style de développement.
Deuxi&

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