Les cinq sens, comment le corps bâtit l espace
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Les cinq sens, comment le corps bâtit l'espace

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visuel. L'un (système géniculo-strié) aurait en charge les opérations d'analyses des caractéristi-COMMENT ques de forme et des qualités sensorielles des objets conduisant à leur identification perceptive. L'autre (système rétino-colliculaire) assurerait les LE CORPS opérations de repérage spatial qui permettent la localisation de l'objet perçu dans l'espace extra-BATIT L’ESPACE corporel. Dans les phénomènes de "blind sight", c'est la première fonction, celle d'identification qui serait défaillante. La problématique de l'identification-localisation, que nous venons d'évoquer, offre un grand intérêt pour clarifier des notions, couramment employées dans différentes disciplines — neurologie, psy-chiatrie, pédagogie —, mais dont les contenus, d'ailleurs controversés, sont souvent mélangés : celles de schéma corporel, d'images du corps, de Pour bâtir une image conscience de soi. cohérente du monde extérieur, La dissociation entre les fonctions d'identifica-tion et de localisation permet ainsi de distinguer les informations qui en entre "image du corps", par référence au corps proviennent et qui sont identifié, et "schéma corporel, par référence au corps situé. relayées par nos organes des L'étude des fonctions de localisation conduit par sens ne suffisent pas. Il faut y ailleurs à dégager, aux mêmes fins de clarification, une seconde problématique, celle des référentiels ajouter une information spatiaux : en d'autres termes, des systèmes de permanente ...

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Langue Français

Extrait

visuel. L'un (système géniculo-strié) aurait en
charge les opérations d'analyses des caractéristi-COMMENT
ques de forme et des qualités sensorielles des objets
conduisant à leur identification perceptive. L'autre
(système rétino-colliculaire) assurerait les LE CORPS
opérations de repérage spatial qui permettent la
localisation de l'objet perçu dans l'espace extra-BATIT L’ESPACE corporel. Dans les phénomènes de "blind sight",
c'est la première fonction, celle d'identification qui
serait défaillante.
La problématique de l'identification-localisation,
que nous venons d'évoquer, offre un grand intérêt
pour clarifier des notions, couramment employées
dans différentes disciplines — neurologie, psy-
chiatrie, pédagogie —, mais dont les contenus,
d'ailleurs controversés, sont souvent mélangés :
celles de schéma corporel, d'images du corps, de Pour bâtir une image
conscience de soi.
cohérente du monde extérieur, La dissociation entre les fonctions d'identifica-
tion et de localisation permet ainsi de distinguer les informations qui en
entre "image du corps", par référence au corps proviennent et qui sont identifié, et "schéma corporel, par référence au
corps situé. relayées par nos organes des
L'étude des fonctions de localisation conduit par sens ne suffisent pas. Il faut y ailleurs à dégager, aux mêmes fins de clarification,
une seconde problématique, celle des référentiels ajouter une information
spatiaux : en d'autres termes, des systèmes de permanente d'origine interne coordonnées dans lesquels cette localisation se
définit. Deux grands systèmes de mise en relation sur nos changements de
de l'espace du corps et de l'espace extra-corporel position dans ce monde. C'est ont ainsi été distingués. Le premier situe la réfé-
rence sur le corps lui-même et le second situe les le cerveau qui opère
changements de position du corps par rapport aux l'intégration des deux. repères stables de l'univers physique dans lequel il
se déplace. Sensorialité et motricité sont
Une troisième problématique, enfin, complète inséparables. les deux précédentes. Elle s'est dégagée de
données expérimentales conférant à la motricité PAR JACQUES PAILLARD
active de l'organisme, au corps agissant, une
fonction essentielle dans l'organisation des Un singe rendu aveugle, après l'ablation référentiels spatiaux qui assurent cohérence et
complète de ses aires visuelles corticales, reste efficacité dans les relations entre l'organisme et
malgré tout capable de localiser une source son environnement. Disons, ici, simplement que le
lumineuse présentée dans son champ aveugle mouvement apparaît essentiel dans l'appréhension
et d'y diriger sa main avec efficacité. Il en va de de l'espace extérieur, ce que nous verrons plus
même chez l'homme, dans le cas de sujets loin et plus en détail.
hémianopsiques (1) une fois levées les barrières
psychologiques qui empêchent d'accepter la réalité Une expérience étrange
de l'expérience. Revenons pour l'instant au problème de la dis-
tinction entre fonction d'identification et fonction
Ces faits, aujourd'hui décrits de nombreuses fois et de localisation, et interrogeons-nous pour savoir si
rassemblés sous le vocable de "blind sight" cette dichotomie établie pour la vision se retrouve
(vision aveugle), conduisent à admettre la possibilité dans d'autres modalités sensorielles.
d'une dissociation pathologique des fonctions Il nous fut récemment donné d'examiner une
d'identification et de localisation. Ils viennent ainsi malade présentant les signes cliniques d'une main
confirmer l'hypothèse, reposant sur l'expérimenta- droite "désafférentée", en langage commun, insen-
tion animale, de l'existence d'un double système sible, à la suite de l'occlusion d'une artère irriguant
le lobe pariétal gauche. Il est à noter que l'insensi-__________________
bilisation de la main et de l'avant-bras (jusqu'au (1) L'hémianopsie est une diminution ou une perte de la
niveau du coude) laissait intacte la possibilité pour vision dans une moitié du champ visuel, par suite d'une
atteinte au niveau cérébral. la patiente de mouvoir normalement cette main et
de s'en servir sous le contrôle de la vue. Après constat du diagnostic et confirmation du
fait que la malade ne peut, les yeux fermés, sentir
et signaler les contacts, piqûres ou pressions stati-
ques même fortes appliquées sur cette partie du
corps, une épreuve de localisation tactile a été
tentée en utilisant 19 points-cibles répartis sur la
face palmaire des différents doigts et de la main. Le
protocole était le suivant : la personne était
d'abord invitée à pointer, les yeux fermés, avec
l'index de la main droite (main insensible, mais
mobilisable), les différents points stimulés par
l'expérimentateur sur la main gauche, normale. A
raison de trois essais par cible distribués de manière
aléatoire et accompagnés de pointages fictifs, les
performances de localisation de la main gauche,
normale, par la main droite, insensible, sont appa- Ecrire sous
rues approximativement correctes, bien qu'infé- la dictée est
rieures en précision aux performances d'un sujet un acte qui
exige contrôle du même âge et de même sexe.
l'intégration Invitée ensuite à pointer de sa main gauche,
de trois normale, les points stimulés sur sa main droite,
espaces insensible, la patiente se mit tout d'abord à effec-
sensori-tuer ses pointages sans hésitation apparente et avec
moteurs :
une précision relativement similaire à ceux effec-
visuel,
tués dans l'épreuve précédente. Cependant, après auditif et
quelques essais, elle s'interrompit brusquement tactilo-
pour nous faire part de son étonnement et de sa manuel.
surprise dans les termes suivants (on notera que
de "blind sight", confirmerait ainsi la possibilité cette malade présentait par ailleurs quelques
d'un traitement central des informations tactiles troubles du langage) : « Mais je ne comprends pas
permettant l'élaboration de leur signe local, de leur bien pour ça. Vous mettez quelque chose ici... Je
repérage sur la carte spatiale de la surface du corps, ne sens pas et pourtant j'y vais avec mon doigt...
en l'absence d'une détection et d'une identification Comment ça se fait, ça ? » Elle ajoutera ensuite :
perceptive de la sensation tactile correspondante. « Je voudrais bien savoir, parce que finalement si je
Dans cette expérience de spatialité, le rôle de la ne le sens pas... je ne devrais pas le sentir non
composante motrice semble essentiel, ce que nous plus... Pourquoi je le vois ? Je l'entends celui-là. »
allons voir. Invitée à décrire plus précisément la nature de
l'expérience qu'elle ressentait, elle dira encore : Les deux sources « Voilà ! je ne peux pas dire ce que c'est... Mais je
sais qu'il y a un endroit où vous allez... et où je vais de la stabilité du monde
moi aussi avec mon doigt... Mais c'est si peu de La cohérence de l'environnement spatial où nous
choses, si vous voulez. C'est tellement ténu... localisons nos perceptions et où nous dirigeons nos
ténu. » actes résulte du traitement dans notre cerveau de
De toute évidence, il s'agissait pour la malade deux types d'informations : les unes concernent
d'une expérience étrange dépourvue de qualités l'état du monde extérieur et les événements qui s'y
sensorielles identifiables à des sensations connues produisent, les autres, la position et les déplace-
et familières. Elle utilisera pour tenter de la décrire ments de notre corps dans un espace ordonné et
les termes de sentir, de voir, d'entendre. Mais, orienté. Notre réalité spatiale dépend donc à la fois
alors qu'elle disait : « Je sais qu'il y a un endroit où de notre équipement sensoriel (nos organes des
vous allez... », endroit où elle pouvait diriger son
sens) et de nos instruments moteurs (nos muscles
autre main, elle semblait définir une sorte
qui mobilisent les parties mobiles de notre corps).
d'expérience spatiale "pure&

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