Les colons du Pérou contre Charles Quint : analyse du mouvement pizarriste (1544-1548) - article ; n°3 ; vol.22, pg 479-494
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Les colons du Pérou contre Charles Quint : analyse du mouvement pizarriste (1544-1548) - article ; n°3 ; vol.22, pg 479-494

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 3 - Pages 479-494
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marcel Bataillon
Les colons du Pérou contre Charles Quint : analyse du
mouvement pizarriste (1544-1548)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 3, 1967. pp. 479-494.
Citer ce document / Cite this document :
Bataillon Marcel. Les colons du Pérou contre Charles Quint : analyse du mouvement pizarriste (1544-1548). In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 3, 1967. pp. 479-494.
doi : 10.3406/ahess.1967.421545
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_3_421545Les colons du Pérou contre Charles Quint :
ANALYSE DU MOUVEMENT PIZARRISTE
(1544-1548)
Renonçant à suivre les péripéties des événements, dont certaines
avaient été étudiées très en détail les années précédentes, avec les
diverses images qu'en offre l'historiographie ancienne, on a pré
féré ici г s'attacher aux aspects géopolitiques, économiques, sociaux
et idéologiques de cette guerre civile, et la situer largement dans une
Amérique espagnole en formation. A prendre ce recul par rapport à
la littérature narrative où les faits sont relatés, on risquait d'autant
moins de les fausser qu'on mettait en œuvre une riche documentation
originale émanant des acteurs mêmes des événements et permettant
de saisir sur le vif ce qui avait été important à leurs yeux. Pour la
période antérieure à 1544, on disposait de l'utile recueil des Carias del
Peru (1524-1543), publié en 1959 par le regretté Raúl Porras, et qui
ajoute nombre d'inédits aux centaines de documents déjà imprimés
dans diverses collections. Surtout, on avait pu se procurer le micro
film complet de l'importante portion des archives de La Gasca aujour
d'hui conservée à la Henry Huntington Library de San Marino (Cali
fornie). Cette collection, en grande partie inédite 2, comprend non seu
lement les minutes des lettres et rapports du Président Gasca sur sa
pacification de la rébellion pizarriste, mais les archives de Gonzalo
Pizarro capturées par le Président en 1547 ; on y trouve en particulier
des séries de lettres adressées au chef rebelle par ses généraux, ses
lieutenants, ses intendants, et des messages de fidèles plus obscurs
dispersés sur l'immense théâtre de cette guerre.
Celui-ci ne se limite pas au pays des Incas où les Espagnols se
sentaient déjà les maîtres, depuis l'Equateur jusqu'à la Bolivie, mais
1. M. Marcel Bataillon résume ici le cours qu'il a professé au Collège de France
en 1962. Ce texte est publié dans Г Annuaire du Collège de France.
2. Elle a été, depuis 1962, publiée par Juan Pérez de Tudela Bueso : Docu
mentes relatives a D. Pedro de la Gasca y a Gonzalo Pizarro, Archivo documentai
espaûol. Real Academia de la Historia, t. XII, 2 vol. Contribution al XXVI.
Congreso internacional de Americanistas, Madrid, 1964.
479 ANNALES
s'étend à presque toute l'Amérique espagnole d'alors, depuis le Nica
ragua jusqu'au Chili. C'est pour une raison vitale que la rébellion,
dès que le vice-roi déposé par elle reprend pied dans le nord du Pérou,
envoie le pirate Bachicao s'emparer de l'isthme de Panama et rafler
une flotte qui assurera ses communications dans le Pacifique. Cet
isthme que P. Chaunu a voulu appeler « isthme de Seville » en tant que
terminus de la « carrera de Indias » et porte de la Mer du Sud, mérite
encore mieux le nom ď « isthme péruvien ». C'est là que le Président,
en 1546-1547, commencera pendant plusieurs mois son travail de
reconquête psychologique et militaire. C'est d'ailleurs de cette base
de « Tierra firme », où ils avaient commencé à s'enrichir, qu'étaient
partis la plupart des conquérants du Pérou. Là était le nœud de leurs
communications avec le Mexique, les Antilles et la métropole, le relais
de tous leurs échanges. Mais les principaux activistes du mouvement,
le Capitaine Carvajal et Bachicao, n'hésitent pas à dire que leur maître
Pizarro doit aussi étendre sa domination et son contrôle sur le Chili
jusqu'au détroit de Magellan, et sur la haute Argentine actuelle par
où la « entrada dé Diego de Roj as » venait d'essayer d'atteindre le
Rio de la Plata.
L'enjeu de la guerre déclarée au vice-roi Blasco Núnez Vela dès
mai 1544 est apparemment la révocation des Lois nouvelles de 1542-
1543 par lesquelles les conquistadors se jugent dépossédés de leurs
privilèges coloniaux. Mais il serait simpliste de penser que si cette
guerre éclate au Pérou et non ailleurs, malgré l'impopularité générale
des lois dans toutes les Indes et à Seville même, c'est parce qu'arrive
à Lima un vice-roi « lascasien », chaud défenseur des indigènes. Rien
ne prouve que Blasco Núňez l'ait été. Les conquistadors, partout,
étaient habitués depuis les lois de Burgos (1512) à éluder les entraves
légales mises à l'esclavage des Indiens, au travail forcé et au portage,
à défendre leurs encomiendas. C'est au Mexique qu'avait commencé
entre 1530 et 1536 la mise au pas des colons par l'institution d'une
Audiencia, puis d'un vice-roi, par la lutte d'un Vasco de Quiroga contre
l'esclavage, par le recensement des Indiens en encomienda et la taxa
tion de leurs tributs. La protestation contre les Lois nouvelles fut
immédiate au Mexique comme ailleurs et la révocation des plus crit
iquées (Malines, 1545) en aurait vraisemblablement découlé même sans
la révolution péruvienne. En attendant que soit complétée l'étude des
archives judiciaires des Indes en ce qui concerne les griefs contre Blasco
Núňez, l'armateur de Panama Juan Vazquez de Avila, un homme
d'affaires attaché au commerce des Indes, mais non à tel ou tel système
d'exploitation coloniale, apparaît comme un témoin impartial sur
l'échec subi par la première instauration au Pérou d'institutions de
gouvernement calquées sur celles de la Nouvelle Espagne. Il en avait
affirmé avec force la nécessité dès 1539, tout en avertissant que les
480 MOUVEMENT PIZARRISTE
nouveaux pouvoirs auraient fort à faire pour rompre la tradition de
guerre civile, pour mettre au pas des hommes prêts à tout contre la
justice, « comme des gens coupables d'un crime dont ils s'attendent à
être punis ». Notre armateur, qui prit Blasco Núnez à son bord entre
Panama et Tumbez, vit en 1544 ce guerrier vieux- castillan arriver
débordant d'indignation contre la richesse insolente des conquistadors,
non de tendresse pour les Indiens.
Plutôt que par la sévérité du vice-roi, l'action de celui-ci fut d'em
blée vouée à l'échec par les dérobades et trahisons des autres pouvoirs
qui auraient dû collaborer avec lui. La collusion avec les intérêts colo
niaux était déjà tradition bien établie aux Indes parmi les magistrats
envoyés de la métropole, et qui amenaient avec eux des parents avides
de bonnes affaires et de riches mariages (la seconde Audiencia de Mexico
avait été une honorable exception). A plus forte raison les « officiers »
locaux du pouvoir royal étaient-ils solidaires de ces intérêts, eux qui
ne constituaient pas un corps de fonctionnaires : c'étaient des conquis
tadors choisis en raison de leur respectabilité pour gérer les profits
coloniaux du roi. Les « oficiales » réagissaient comme des colons devant
la Loi nouvelle qui les déclarait inaptes à « avoir des Indiens » en
encomienda. Cette incapacité limitée primitivement aux membres du
Conseil des Indes et aux Gouverneurs était étendue non seulement
aux oficiales (factores, veedores, contadores, tesoreros) mais aux lie
utenants de ces diverses autorités. Les manœuvres pour parer ce coup,
multipliées dans la frange du monde colonial participant au pouvoir,
n'isolèrent guère moins le vice-roi que le mauvais vouloir des audi
teurs, sensible dès leur arrivée à Panama avec Blasco Núnez. Ces
magistrats jaloux de leurs prérogatives ne le rejoignirent à Lima que
lorsque la révolte grondait déjà au Cuzco. Ils n'eurent pas d'autre
obstruction à faire que celle du formalisme juridique pour condamner
à l'impuissance un gouvernant impulsif. Quand celui-

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