Les derniers vestiges du parler slave de Bobosëica et de Drenovene (Albanie) - article ; n°1 ; vol.60, pg 139-157
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Description

Revue des études slaves - Année 1988 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 139-157
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 101
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Marcel Courthiade
Les derniers vestiges du parler slave de Bobosëica et de
Drenovene (Albanie)
In: Revue des études slaves, Tome 60, Fascicule 1. Tome 60, fascicule 1. pp. 139-157.
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Courthiade Marcel. Les derniers vestiges du parler slave de Bobosëica et de Drenovene (Albanie). In: Revue des études slaves,
Tome 60, Fascicule 1. Tome 60, fascicule 1. pp. 139-157.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1988_num_60_1_5727LES DERNIERS VESTIGES DU PARLER SLAVE
DE BOBOŠČICA ET DRENOV0NE (ALBANIE)
PAR
MARCEL COURTHIADE
H y a cinquante ans, André Mazon révélait au monde scientifique l'existence du
« patois » slave original des deux bourgades de Boboščica et Drenovene, connu
aujourd'hui encore par quelques dizaines de personnes, peut-être cent, parmi les
quelles nous avons eu la chance d'effectuer récemment une brève enquête.
L'attention du grand slaviste a été attirée principalement par l'évolution phonét
ique de ce parler, que nous appelerons ici kajnas1 , comme le désignent les locu
teurs eux-mêmes. Dans son très succinct aperçu grammatical, surtout fait pour
accompagner le remarquable recueil de contes qu'il nous a laissé, il ne semble pas
avoir été frappé par la grande originalité du système kajnas par rapport aux autres
parlers slaves, notamment dans la flexion nominale. C'est là-dessus que nous nous
arrêterons après une brève parenthèse concernant la phonologie.
PHONOLOGIE
Rappelons préliminairement que le kajnas est l'un des rares parlers qui présente
un véritable accent fixe : paroxyton2, alors que le macédonien lui-même, pourtant
réputé pour sa régularité, est à accent quasi-fixe aux termes de Garde3 . L'article
commun du kajnas étant enclitique et souvent disyllabique, on aboutit à la situa
tion très originale où c'est très souvent sur ce monême grammatical que tombe
l'accent, et non pas sur la racine4 .
1. Zborvi kaj-nas : « il parle kąjnas », litt. « comme nous ». Nous retenons cette dénomin
ation afin d'éviter le choix délicat entre langue et dialecte pour ce parler ; les locuteurs disent
aussi zborvi ponaśki, expression connue également en serbe, principalement méridional.
2. Il n'existe qu'une seule exception : l'emprunt albanais d'origine turque karśl « en face
de », opposable à kàréi « il brise ». Les trois autres exceptions que Mazon signalait ont disparu.
3. Paul Garde, l'Accent, Paris P.U.F., 1968, p. 105 są.
4. On peut opposer cette situation à celle du polonais, lui aussi paroxyton, mais où
l'accent ne tombe sur un morphème grammatical qu'à l'instrumental pluriel et, chez les jeunes,
aux lie et 2e pers. pi. du passé des verbes.
Rev.Êtud. slaves, Parit, LX/1, 1988, p. 139-157. 140 M. COURTHIADE
Depuis un demi-siècle, le système phonologique a peu évolué, si ce n'est dans le
sens que prévoyait Mazon. Ainsi, la diphtongue qu'il notait [%] et qu'il qualifiait
de « point d'appui du système vocalique » (Mazon 1936 : 20) est devenue [Je]1 .
Nous lui avons consacré ailleurs une étude2 qui a mis en évidence l'existence d'un
phonème que nous notons в et qui est réalisé [e] hors accent et [k] sous accent.
П existe en outre un phonème réalisé [e] et un autre [k] quelle qu'en soit l'accen
tuation ; nous les avons notés respectivement e et è.
En ce qui concerne les célèbres nasales de Boboščica, nous avons bien retrouvé
la nette opposition entre a oral et ą nasal. Toutefois, une étude extensive du voca
bulaire n'a pas mis en évidence d'opposition ą vs an. Il semble s'agir de variantes
d'un type particulier, que nous appelerons étymologiques : dans la plupart des cas,
les lexèmes slaves présentent la nasale vraie et les lexémes d'emprunts une voyelle
suivie d'une occlusive nasale la nasalisant plus ou moins, comme c'est le cas en
albanais. Dans une partie du lexique, les variantes sont libres. En aucun cas on ne
peut mettre en évidence de paires minimales sur l'espace du vocabulaire actuel et
les notes de Mazon ne permettent pas d'en restituer pour son époque.
La situation est la même pour ę vs en, mais la confusion est encore plus grande.
Il n'existe pas en kajnas d'autre nasale vraie, en particulier ni ę , ni q.
En conséquence nous avons gardé la notation de nasale pour q et ę bien sûr
lorsqu'il s'agit d'un lexème slave, mais nous écrivons voyelle + n dans tous les
autres cas.
Le système consonantique n'a pratiquement pas changé. H n'est pas monolit
hique. Les latérales notamment présentent deux sous-systèmes : un sous-système
propre caractérisé par une seule latérale à deux réalisations contextuelles et un sous-
système essentiellement d'emprunt caractérisé par deux latérales en opposition.
Nous notons une seule latérale selon le système propre : lorsque des éléments vien
nent troubler cette harmonie, nous notons par des diacritiques les transgressions du
système propre : apostrophe pour mouillure devant voyelle non antérieure, point
intercalaire pour non-adoucissement devant voyelle antérieure.
On observe des phénomènes comparables avec les dorsales et les occlusives
nasales.
Les autres particularités sont moins importantes : variance 3 s* / dure, comme
en albanais, réalisation affriquée [te] de S en finale, Ш s* $t, comme dans
les parlers albanais de la région, etc. Le dévoisement final a été étudié en détail
par Mazon, les données actuelles confirment ses conclusions.
1. Mazon écrivait « certains jeunes ont peine à reproduire exactement la diphtongue Ы et
lui substituent^ » (Mazon 1936 : 16).
2. Courthiade 1987. DERNIERS VESTIGES 141
LA FLEXION NOMINALE EN KAJNAS
C'est la flexion nominale qui présente le plus d'intérêt dans ce parler. De par sa
relative complexité et son originalité marquée, il s'éloigne considérablement du
schéma macédonien et présente pour le descripteur des difficultés certaines. Pour
les résoudre, il est important de bien distinguer les formes et tes fonctions (dans la
mesure du possible car la tradition nous habitue à désigner des formes par des noms
de fonctions ; c'est la raison pour laquelle les trois cas morphologiques du kajnas
sont désignés par les lettres X, Y et Z au lieu des termes classiques).
Nous avons donc procédé en deux temps, relevant d'abord l'ensemble des
formes, les classant ensuite en fonction de divers critères à la fois sémantiques (le
sens que l'on veut exprimer conditionne le choix entre deux séries de formes, par
exemple singulier ou pluriel) et syntaxiques (imposées par le jeu des relations entre
les mots : telle forme obligatoire en tel contexte, telle autre exclue). Il y a bien
entendu interférence entre ces deux niveaux et il est donc important de commencer
par dresser une liste des formes avant de les classer et de les distribuer ensuite selon
les contextes, lesquels répondent aux exigences sémantiques imposées par le locu
teur et aux exigences syntaxiques imposées par le système.
On peut classer l'ensemble des formes répertoriées du nom en kajnas selon les
catégories suivantes1 :
Genre — catégorie lexicologique, c'est-à-dire imposée par le nom lui-même : si
je dis salce « soleil », je le dis au neutre, si je dis kasaba « ville », je le dis au fémi
nin. Б у a en kajnas les mêmes trois genres que dans les autres langues slaves.
Nombre — catégorie sémantique, c'est-à-dire choisie par le sujet parlant selon le
sens qu'il veut exprimer : si je veux parler d'un poulet, je dis pile, si je parle de
plusieurs, je dis pilišča. Б у a en kajnas un singulier et un pluriel. Nous ne prenons
pas en considération l'origine de ce pluriel : pluriel vrai ou collectif, car il n'y a pas
de nom qui présente à la fois l'un et l'autre.
Articulation — catégorie sémantico-syntaxique, c'est-à-dire d'une part condition
née par le sens que le sujet veut exprimer, mais aussi soumise à des règles syn
taxiques indépendantes de sa volonté. L'articulation dépend elle-même de la caté
gorie sémantique de la définition (défini / non défini) qui est manifestée par la
présence d'une marque de dans le groupe nominal. L'une des marques
possibles est l'article, dont la place au sein du nom

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