Les détenus et leur famille : des liens presque toujours maintenus mais parfois très distendus
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Six détenus sur dix ont, dans leur famille proche, au moins une personne qui leur rend visite de façon mensuelle, voire hebdomadaire. Inversement, un détenu sur dix n'a aucun contact avec elle, qu'il s'agisse de visites, de coups de téléphone ou de lettres. Cet isolement n'est pas compensé par des contacts réguliers avec des personnes extérieures au cercle familial proche. L'âge et l'ancienneté de l'incarcération jouent en défaveur de la préservation de relations régulières. Il en est de même de la présence d'une incapacité sévère. En moyenne, seules deux personnes de la famille proche du détenu lui rendent visite au moins une fois par an. Les relations avec le conjoint et les enfants sont souvent très distendues : la moitié seulement des détenus reçoivent la visite de leur conjoint au moins une fois par mois et un tiers d'entre eux voient leurs enfants à ce rythme. L'éloignement géographique du lieu de détention est inversement lié à la fréquence des visites.

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Langue Français

Extrait

Population, famille 1
Les détenus et leur famille :
des liens presque toujours maintenus
mais parfois très distendus
Aline Désesquelles, Annie Kensey*
Six détenus sur dix ont, dans leur famille proche, au moins une personne
qui leur rend visite de façon mensuelle, voire hebdomadaire. Inversement,
un détenu sur dix n’a aucun contact avec elle, qu’il s’agisse de visites, de
coups de téléphone ou de lettres. Cet isolement n’est pas compensé par des
contacts réguliers avec des personnes extérieures au cercle familial proche.
L’âge et l’ancienneté de l’incarcération jouent en défaveur de la
préservation de relations régulières. Il en est de même de la présence d’une
incapacité sévère. En moyenne, seules deux personnes de la famille proche
du détenu lui rendent visite au moins une fois par an. Les relations avec le
conjoint et les enfants sont souvent très distendues : la moitié seulement
des détenus reçoivent la visite de leur conjoint au moins une fois par mois
et un tiers d’entre eux voient leurs enfants à ce rythme. L’éloignement
géographique du lieu de détention est inversement lié
à la fréquence des visites.
emaintienderelations de procédure pénale, comme un permettent des rencontres pro-
satisfaisantes en quantité facteur de réinsertion (enca- longées entre les détenus et leurL comme en qualité entre dré 1). La mise en fonctionne- famille, répond à cette logique.
les détenus et leur famille est re- ment des unités expérimentales Ces unités sont accessibles aux
connu, en particulier par le Code de visite familiale (UEVF), qui membres de la famille ainsi
* Aline Désesquelles est responsable de la division Enquêtes et études démographiques de l’Insee, et Annie Kensey, responsable du secteur
Démographie pénitentiaire à la direction de l’Administration pénitentiaire du ministère de la Justice.
Données sociales - La société française 59 édition 2006
11 Population, famille
qu’aux personnes justifiant « d’un La quasi-totalité des détenus a de réponsedonnéedépenddel’an-
véritable et solide lien affectif » la famille proche (encadré 3) cienneté de l’incarcération. Les
dans le cadre d’un projet familial. mais 10 % d’entre eux n’ont au- personnes incarcérées depuis
cun contact avec elle. Pour les moinsd’unanvontrépondreen
personnes non incarcérées, à fonction de ce qui s’est passé auLes spécificités de la biographie
structure par âge et sexe iden- cours des quelques mois passésfamiliale des hommes détenus
ont été décrites grâce à l’en- tique, cette proportion est un peu en prison mais il n’est pas cer-
quêteÉtudedel’histoirefami- plus élevée (14 %). Les détenus tain que leur réponse soit la
liale de 1999. Ainsi, les âgés de 30 ans ou plus sont da- même au bout d’un an. Par
engagements familiaux des dé- vantage touchés (15 % des 30-49 exemple, une personne incar-
tenus sont non seulement plus ans, 12 % des 50 ans ou plus) cérée depuis un mois, qui n’a pas
précoces que pour les person-
que les détenus plus jeunes reçu de visite depuis son incarcé-
nes non incarcérées mais ils
(5 %). Lorsque l’incarcération re- ration, est susceptible de ré-sont aussi plus fragiles, davan-
monte à cinq ans ou plus, les dé- pondre qu’elle ne reçoit pas detage marqués par des ruptures
tenus sont aussi plus souvent visite. Mais dans les mois quid’unions (Cassan F. et Toule-
dans ce cas (13 %). suivent, elle va peut-être en rece-mon L., 2002 ; Cassan F. et Ma-
ry-Portas F.-L., 2002). Cette voir. La réponse des personnes
étudefaitlepoint surles rela- détenues depuis peu est en soi
tions que les détenus entretien- intéressantemêmesielle n’estLes visites, plus
nent avec leur famille proche. pas complètement comparable àfréquentes pourLa source utilisée ici est l’en- celle donnée par les personnes
quête HID-prisons de 2001 dont les jeunes détenus
détenues depuis au moins un an.
l’objectif premier était d’étudier
Pour tenir compte de cette diffi-lessituationsdehandicapen
Les questions sur la fréquence culté sans trop restreindre lemilieu carcéral mais qui permet
des visites reçues étaient posées champ de l’étude, les résultatségalement d’analyser leurs rela-
à l’ensemble des détenus mais la présentés par la suite ne portent,tions familiales (encadré 2).
Encadré 1
Les contacts avec l’extérieur en milieu carcéral selon le Code de procédure pénale
L’article D. 402 du Code de procé- nu que par une décision spéciale et prévenus, le magistrat saisi du dos-
dure pénale stipule « qu’en vue de motivée. Ces détenus doivent pou- sier de l’information peut prescrire
faciliter le reclassement familial voir recevoir des visites au moins une interdiction de communiquer
des détenus à leur libération, il trois fois par semaine (art. 145-4, pour une période de dix jours, re-
doit être particulièrement veillé au D. 64 du Code de procédure pénale nouvelable une seule fois.
maintien et à l’amélioration de (CPP)).
leurs relations avec leurs proches, – pour les condamnés, le permis est Les lettres qui sont reçues et en-
pour autant que celles-ci parais- délivré par le chef de l’établissement voyées peuvent être lues à des
sent souhaitables dans l’intérêt des pénitentiaire. Il ne peut le refuser fins de contrôle par l’administra-
uns et des autres ». Ainsi, la déten- aux membres de la famille du tion pénitentiaire. Les corres-
tion concerne aussi le quotidien condamné (y compris les concubins) pondances sont donc effectuées
des proches des détenus et, en tout ou à son tuteur, sauf pour des mo- sous pli ouvert, à l’exception de
premier lieu le cas échéant, leurs tifs liés au maintien de la sécurité. la correspondance avec certaines
conjoints et leurs enfants. Toute autre personne peut être auto- autorités administratives ou ju-
risée à rencontrer un condamné s’il diciaires et certains avocats.
Les visites apparaît que ces visites contribuent
à son insertion sociale ou profes- Le téléphone
Lesrèglesapplicablesauxcondi- sionnelle. Les prévenus doivent pou-
tions et au déroulement des visites voir recevoir des visites au moins Seuls les condamnés incarcérés
varient selon que le détenu est pré- une fois par semaine (art. D. 403 à dans les maisons centrales et les
venu ou condamné : D. 412 du CPP). centres de détention ont accès au
– pour les prévenus, le permis ou téléphone. L’identité du corres-
l’autorisation de visite est délivré La correspondance et la sortie pondantetle contenu de la
par le magistrat chargé du dossier d’écrits conversation sont contrôlés. La
de l’information judiciaire. Après périodicité est en théorie men-
le premier mois de détention pro- Les détenus peuvent écrire tous les suelle mais le règlement inté-
visoire, le juge d’instruction ne jours et sans limitation à toute per- rieur de l’établissement peut
peut refuser un permis de visite à sonne de leur choix et recevoir des prévoir une plus grande fré-
un membre de la famille d’un déte- lettres de toute personne. Pour les quence.
Données sociales - La société française 60 édition 2006
2Population, famille 1
sauf précision contraire, que sur Un détenu sur cinq ne reçoit pas cas. À l’opposé, 40 % des détenus
les personnes incarcérées depuis de visite de sa famille proche (fi- ont au moins un visiteur hebdo-
au moins six mois (soit 68 % des gure 1), mais seuls 15 % des madaire (voir les définitions de
détenus). moins de 30 ans sont dans ce l’encadré 3) ; c’est le cas de la
Encadré 2
L’enquête HID-prisons
L’enquête HID-prisons (Désesquel- res de France métropolitaine choi- filtre : « Parmi les parents que vous
les, 2003) étend au milieu carcéral sis au hasard : vingt-cinq maisons venez de me citer, y en a-t-il avec
l’enquête « Handicaps-Incapaci- d’arrêt, six centres de détention et qui vous ayez gardé des
tés-Dépendance » réalisée par l’Insee une maison centrale (encadré 4). contacts ? ».

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