Les deux villes : du Paris de Quasimodo au Paris d Haussmann - article ; n°4 ; vol.2, pg 385-396
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1947 - Volume 2 - Numéro 4 - Pages 385-396
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1947
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Franz Vossen
Les deux villes : du Paris de Quasimodo au Paris d'Haussmann
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 2e année, N. 4, 1947. pp. 385-396.
Citer ce document / Cite this document :
Vossen Franz. Les deux villes : du Paris de Quasimodo au Paris d'Haussmann. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
2e année, N. 4, 1947. pp. 385-396.
doi : 10.3406/ahess.1947.3323
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1947_num_2_4_3323'

ANNALES
- SOCIÉTÉS - CIVILISATIONS ÉCONOMIES
ETUDES
Les deux villes :
DU PARIS DE QUASIMODO
AU D'HAUSSMANN
grandes vieux Souvent quartiers artères dépourvues de tracées Paris au ne d'intérêt xixe sont siècle jamais artistique pour ennuyeuses.. s'enfoncer proprement dans Qu'on dit, le les s'écarte quartier rues des des des
Halles, du Temple, de Saint-Séverin ou de Saint-André-des-Arts : on se
sentira pris dans un jeu de mouvements souples, de courbes et de saillies
imprévisibles ; on en suivra les caprices avec ravissement, sans très bien
en comprendre les règles ; c'est un jeu qui semble se suffire à lui-même.
Et pourtant, à flâner longtemps à travers ces rues anciennes, on finit
par découvrir dans l'imprévu même de leur tracé une constance dont la
rigueur donne à penser. Non seulement la voie suit une ligne sinueuse ;
non seulement ces rues se dérobent constamment pour se laisser rattraper
quelques pas plus loin et se ferment pour se rouvrir là où précisément
nous les pensions terminées, • mais les maisons, de leur côté, inscrivent
dans le parcours leurs mouvements à elles ; elles avancent, elles reculent,
tantôt par petits pas, tantôt suivant une courbe continue — et à ces mou
vements inscrits sur le sol, d'autres s'ajoutent, qui se dessinent dans,
l'espace. En s 'élançant par-dessus la voie, le contour
bombé ; souvent ce jeu de courbes, se poursuivant dató lessens horizontal,
modèle une rangée de façades sur toute sa largeur. I,
àotales (a* aim., octobre-décembre i«47, n° 4). 82. Boulevard £?*$<>■ 82
PARIS- 13e 386 ANNALES
ces rues en rencontre- t-elle une autre qui, par hasard, suit à peu près la
même direction ? les deux s'ignorent. Surtout, on ne voit jamais loin.
Obstinément, ce jeu éternel de la courbe et de l'à-peu-près s'oppose à la
naissance de perspectives étendues.
De son aspect médiéval, Paris n'a guère conservé autre chose que cet
ultime reflet des tendances qui, pendant une longue période de son his
toire, ont marqué l'évolution de la ville. Mais rien qu'à examiner ce reflet,
ce souvenir déjà immatérialisé de très vieilles conceptions, nous mesurons
l'abîme qui sépare l'urbanisme médiéval de l'urbanisme classique. Entre
les deux, la rupture a l'air d'avoir été complète. En a-t-il vraiment été
ainsi ? Mais d'abord, pourquoi, avant de découvrir son amour de l'ordre
classique et de la régularité, Paris s'est-il montré aussi obstinément attaché
au jeu de l'Imprévu et du Hasard ? Pouvons-nous aller au fond du bien-
être que nous éprouvons dès que nous pénétrons dans les vieux quartiers,
qu'il s'agisse de la rue Saint- André-des- Arts ou de l'humble rue Mouffe-
tard ? Rues vivantes, même lorsque la foule s'en est retirée. Et sans
doute le partage entre l'ignorance et la surprise qu'elles imposent à notre
esprit est-il la condition même de notre vie : mais cette remarque (bien
qu'elle contienne peut-être l'essentiel de ce qu'il faut dire sur l'urbanisme
médiéval) explique peu de choses : nous voudrions connaître les ressorts
des mouvements imprévus et capricieux qui donnent leur charme à ces
rues anciennes. Nous voudrions connaître la signification pratique de ces et leur rapport avec l'autre grand mouvement que la ville
exécute en poussant ses limites toujours plus loin...
Donc, un coup d'oeil dans les coulisses de l'évolution de Paris. Pour
nous aider, une série de documents singulièrement évocateurs : ces « vues
en perspective » de la ville qui nous donnent des changements successifs
de sa physionomie à travers les xvie, xvne et xvni* siècles une image à la
fois minutieuse et suggestive, fidèle et hardie.
De ces documents — dont le plan dit de Turgot est le plus connu —
le plan Boisseau est celui qui, pour l'instant, se prête le mieux à nos
recherches. Il a été dessiné en i653, en pleine époque « classique ». Déjà,
les premières créations de l'urbanisme classique, la place des Vosges et la
place Dauphine, se sont installées dans la ville. Et pourtant, les principes
qui ont dicté à la ville, au cours du moyen âge, sa manière de s'organiser,
sont encore parfaitement lisibles.
Bien des choses nous révèlent leur signification dès que nous inter
rogeons le plan Boisseau. Par les plans abstraits, nous n'avons de rense
ignements concrets que sur la configuration des voies de circulation. Leur
jeu linéaire est le seul à ne rien perdre à la projection plane. Or, du pre-
mier coup d'œil, nous constatons, à regarder le plan Boisseau, que la seule
étude des voies de circulation ne peut nous mener loin. A peine disti
nguons-nous quelques grands axes qui rattachent la ville à l'extérieur. Dès
que nous nous en écartons, nous sommes perdus. Le jeu des lignes se
brouille.
Mais, tandis que les rues qui s'entrecroisent à l'intérieur de la ville
ont ainsi l'air de perdre la conscience de leur but, notre attention est DU PARIS DE QUASIMODO AU PARIS D'HAUSSMANN 387
attirée dans Une autre direction. Les maisons, au lieu de participer sans
condition à un jeu linéaire d'ailleurs obscur, semblent préoccupées de
constituer des îlots, des unités- volumes qui s'opposent à l'idée fixe des
voies : celle de courir droit vers un but.
La voie veut courir, les maisons, non. Avant de s'abandonner à la
course des voies, elles ont à constituer des unités susceptibïes d'assurer à
leurs habitants la part d'air et de lumière dont ils ont besoin, l'espace
aéré que les maisons risqueraient de perdre entre elles si elles suivaient
aveuglément l'idée fixe de la voie. Rassemblées en îlots, trois ou quatre
rangées se groupant autour des jardins, elles se défendent ainsi contre le
danger de se noyer dans la masse de leurs semblables...
Le plan Boisseau nous fait très bien voir ce double aspect de l'évolu
tion du vieux Paris. Il y a, dans la configuration des voies qui se cher
chent, la préoccupation de la distance et du but à atteindre. Il y a, en
même temps, la tendance des maisons à s'organiser de telle sorte que
d'autres nécessités, non moins impérieuses, reçoivent satisfaction. Ainsi,
les maisons freinent la course des voies et les détournent de leur éternel
désir d'évasion. Dans le Paris du plan Boisseau, le parcours de certaines
rues ne s'explique nullement par les besoins de la circulation : ces rues
ne sont que des voies d'aération, tout à fait stagnantes. Aussi le mouve
ment des voies est-il étroitement lié à celui des îlots. Si bien qu'on ne sait
plus, parfois, lequel des deux, finalement, a imposé sa volonté à l'autre.
La forme des îlots est variable à l'infini. Dans les vieux quartiers du
Centre, il n'y a plus, depuis longtemps, de place pour des jardins. Tout
esi tassé, et les îlots sont particulièrement petits. En se serrant dos à dos,
les maisons ont perdu l'espace aéré que leur assurent, ailleurs, les jardins.
Aussi les îlots y sont-ils coupés par des rues plus nombreuses, de sorte que
l'air et la lumière soient, dans la mesure du possible, restitués aux mai
sons du côté de ces rues. Mais, à que la population se fait moins
dense, les îlots s'élargissent. Ils prennent la forme de triangles ou de carrés
irréguliers, aux contours souples. Ainsi, des quartiers où ils apparaissent
minces et serrés, à ceux où les îlots ont l'air de se gonfler, la ville se mont
re traversée d'un mouvement plein d'imprévu et qui rappelle celui de la
respiration.
Et voilà le secret de cette impression de vie profonde qui se dégage,
encore aujourd'hui, de quelques rues anciennes. Ni l'id

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