Les distraits - article ; n°1 ; vol.9, pg 169-198
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Description

L'année psychologique - Année 1902 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 169-198
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1902
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alfred Binet
Les distraits
In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 169-198.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. Les distraits. In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 169-198.
doi : 10.3406/psy.1902.3430
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1902_num_9_1_3430VI
LES DISTRAITS
Si je suivais fidèlement l'ordre logique de mon exposition, je
devrais opposer aux simplistes les sujets qui appartiennent à
un type intellectuel tout différent, lesinterprétaieurs. Je crois
préférable, pour des raisons de clarté, d'étudier d'abord les
distraits. Ils ne s'opposent pas aux précédents ; un simpliste
peut être distrait, un interprétateur peut l'être aussi ; si je
place ici, sans plus tarder, une étude sur la distraction, c'est
parce qu'il est nécessaire de connaître les effeis de la distrac
tion sur l'interprétation de la sensation tactile pour comprendre
en quoi ces effets sont différents du type interprétateur. On
verra qu'en pratique il est très difficile de distinguer le distrait
de l'interprétateur.
Malgré un grand nombre d'études, tant théoriques qu'expé
rimentales, la théorie de l'attention reste encore à trouver, et
par conséquent l'état de distraction, qui par tant de côtés se
rattache à l'attention, présente nécessairement de grandes
obscurités.
Il est facile de comprendre la cause de cette obscurité de la
question. Pour l'étude de la distraction, le psychologue peut
utiliser actuellement deux sources de renseignement: les expé
riences d'hypnotisme et les expériences de laboratoire sur des
sujets sains. Ce sont là les deux sources principales; or elles
se sont montrées jusqu'ici bien insuffisantes. D'une part, les
expériences d'hypnotisme, quoique très faciles à provoquer,,
souvent intéressantes, et toujours brillantes, ne vont pas jus
qu'au fond des choses, parce que les sujets hypnotisés ne sont
pas capables le plus souvent de nous renseigner exactement
sur ce qu'ils éprouvent, et de plus, les phénomènes mentaux
qu'ils présentent sont souvent falsifiés par de la suggestion
inconsciente. D'autre part, les expériences de laboratoire qu'on
pratique sur des sujets sains n'ont point réussi complètement à
provoquer de véritables et durables états de distraction, pour
des raisons que nous expliquerons dans un instant. 11 en MÉMOIKES ORIGINAUX 170
résulte que la bibliographie de la question n'a qu'une richesse
apparente.
Je crois qu'avant toutes choses il serait bon de formuler
quelques définitions précises. Le terme de distraction n'est pas
dépourvu d'équivoques; ce terme a servi à désigner au moins
deux états mentaux différents. On appelle d'abord distraction,
un état dans lequel l'attention est fortement fixée ; le résultat
de cette fixation est de limiter l'attention; on devient attentif
pour certains points, et en revanche on devient distrait pour le
reste ; tout le monde a remarqué que, pendant une lecture atta
chante, nous devenons sourd ou presque sourd pour les paroles
qui sont prononcées auprès de nous. C'est là, sans doute, l'état
type de distraction ; mais ce n'est pas le seul. On appelle
encore un état mental où l'attention éprouve de la
peine à se fixer, soit qu'il s'agisse d'un individu qui présente
une faiblesse congénitale de l'attention — soit qu'il s'agisse
d'un individu qui, par suite d'une longue maladie, a de la peine à
concentrer son attention, — soit que certaines circonstances
extérieures et indépendantes de l'individu troublent la fixation
de son attention.
La distraction produite par fixation de V attention .est un des
phénomènes que les hypnotiseurs contemporains ont réussi à
produire chez leurs sujets. Les sujets hypnotisés, et en parti
culier les hystériques, selaissent distraire avec la plus grande
facilité. Au laboratoire, où l'on n'a à sa disposition que des
sujets normauxou prétendus tels, le genre de distraction qu'on
étudie est presque toujours la distraction volontaire; or il n'est
nullement facile pour un adulte de se mettre, à point nommé,
dans l'état de distraction qu'on lui demande. Le seul fait qu'on
lui recommande de ne pas écouter un métronome, de ne pas
voir un disque tournant, ou dene pas percevoir un certain con
tact, suffit pour éveiller son attention et la fixer malgré lui sur
ces stimulants. Il y a là une grosse difficulté. Elle n'est peut-
être pas insurmontable ; avec beaucoup de volonté et d'exer
cice, on arrive presque à tout réaliser ; je vois que deux Amér
icains, Solomons et Stein ont eu le courage de cultiver leur
automatisme pendant de longs mois, et ils sont finalement
arrivés, à ce qu'ils disent, à répéter tous les phénomènes
d'inconscience que les hypnotiseurs observent chez les hysté
riques; au prix de quels efforts, je le laisse à penser '. Mais ce
1. Voir ma Suggestibilité, ch. 1, historique. T7T
A. BINEÏ. LES DISTRAITS 171
sont là des exceptions. La règle commune est que les jeunes
gens qui servent de sujets dans nos laboratoires ne sont que
très incomplètement en état de distraction. Ou plutôt, l'état
qu'on réussit à provoquer artificiellement en eux est un état
mixte, souvent assez mal défini, qui tient à la fois de la dis
traction par fixation de l'attention et de la distraction par
absence de de l'attention. L'es psychologues américains
ont assez bien fait l'analyse de cet état spécial.
On le provoque d'ordinaire en obligeant le sujet à exécuter
deux travaux à la fois ; par exemple on l'occupe à un travail de
calcul mental, et d'autre part, on lui demande de compter en
même temps des battements de métronome, ou d'écouter une
lecture qu'on lui fait à haute voix, ou de comparer des poids
qu'on lui met dans la main, ou enfin de reconnaître des séries
de parfums. C'est là le thème habituel sur lequel on a brodé des
Variations en nombre indéfini. Ceux qui ne se sont pas con
tentés de recueillir des résultats numériques, et qui ont eu le
bon esprit de chercher à comprendre ce qui se passe dans
l'état mental du sujet distrait, se sont aperçus qu'il n'y a pas
dérègle générale, que les sujets s'adaptent différemment à
l'expérience, chacun suivant ses ressources et ses aptitudes ;
tel est troublé par les causes de distraction, parce qu'il emploie
un certain genre d'images, tandis que tel autre réussit à merv
eille à mener de front les deux travaux qu'on lui impose. Le
simple raisonnement suffit pour faire prévoir que l'état mental
produit par ces concours d'actes psychiques doit varier éno
rmément d'une personne à l'autre. Il peut se produire en effet:
1° une alternance rapide et aisée de l'attention entre les deux
travaux, qui seront exécutés à peu près aussi exactement que
s'ils se poursuivaient isolément ; 2° une alternance irrégulière,
avec des difficultés de fixation de l'attention, des erreurs, des
confusions, dont le nombre et la gravité varieront suivant la cons
titution psychique du sujet et aussi suivant son degré d'entra
înement. Cet état ressemblera un peu, par ses effets, à celui que
produit la distraction par mauvaise fixation de l'attention ;
3° une fixation unilatérale de l'attention sur un des deux actes
psychiques, le second travail étant soit suspendu, soit entretenu
par une activité purement automatique; nous retrouvons ici
l'état de distraction par fixation forte de l'attention.
Je crois qu'il est utile de se faire une classification de ce
genre avant d'aborder l'étude des effets de la distraction. Ai-je
besoin d'ajouter que si la classification que je viens de proposep 172 MÉMOIRES ORIGINAUX
ne résulte pas directement des observations faites jusqu'à ce
jour, elle a au moins le mérite d'être inspirée par l'analyse de
plusieurs de ces observations, et, à ce titre, on peut lui accorder
l'importance d'une idés directrice.
Je vais maintenant exposer toutes les expériences de distrac
tion que j'ai organisées, et je ferai suivre cett

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