Les élections de mars 1992 en Languedoc-Roussillon : entre nationalisation des votes et restructuration du système notabiliaire. - article ; n°1 ; vol.2, pg 15-42

Christophe Arpaillange, Jean-Paul Cheylan

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Pôle Sud - Année 1995 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 15-42
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLE_SUD
• Publié le: 01 janvier 1995
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Extrait

Mr Christophe Arpaillange
Mr Jean-Paul Cheylan
Les élections de mars 1992 en Languedoc-Roussillon : entre
nationalisation des votes et restructuration du système
notabiliaire.
In: Pôle Sud, N°2 - 1995. pp. 15-42.
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Arpaillange Christophe, Cheylan Jean-Paul. Les élections de mars 1992 en Languedoc-Roussillon : entre nationalisation des
votes et restructuration du système notabiliaire. In: Pôle Sud, N°2 - 1995. pp. 15-42.
doi : 10.3406/pole.1995.887
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pole_1262-1676_1995_num_2_1_887élections de mars 1992 en Languedoc- Roussillon Les
entre nationalisation des votes
et restructuration du système notabiliaire
par Ch. Arpaillange et]. -P. Cheylan
Les élections régionales et cantonales tiques paraît être commun à toutes les
des 22 et 29 mars 1992 s'inscrivent en régions et la dé-localisation des enjeux a
France dans une conjoncture de contesta pu se manifester notamment par un
"vote-sanction" tion diffuse du mode de fonctionnement émis à l'encontre du gou
de la démocratie et de l'action publique. vernement et de la majorité en place. En
Ce phénomène n'est pas propre à la ce qui concerne les élections cantonales,
France, les démocraties européennes voi ce phénomène a pu être observé dans
sines (Belgique, Allemagne, Italie) ren l'ensemble des départements du
contrent, à la notable exception de la Languedoc-Roussillon. Toutefois, l'im
Grande-Bretagne, des difficultés simi plantation territoriale des candidats sor
laires dont la traduction électorale se tants et la réduction du nombre des
manifeste par la percée de partis "anti-sy forces politiques en compétition ont atté
stème" et/ou ultra-nationalistes '. La nué l'ampleur des mouvements d'opinion
remise en cause de Г État-Nation s'effec observés sur les élections régionales 4.
tue "par le haut" à travers les processus
Ces consultations semblent ainsi s'insd'intégration européenne et l'internatio
crire dans une logique d'élections internalisation des échanges, comme "par le
médiaires dont Jean-Luc Parodi a dégagé bas", à travers le développement des pouv
les caractéristiques essentielles à savoir oirs locaux et les politiques de décentral
qu'elles ne remettent pas en cause la isation2. Ces mutations opèrent et s'opè
dévolution du pouvoir national et qu'elles rent dans des sociétés occidentales « à
confinent les enjeux locaux à un rôle résplusieurs vitesses » où les partis politiques
iduel5. Toutefois, ce déplacement de la ont conservé un mode d'organisation et
politique languedocienne sur une confide fonctionnement traditionnel et n'assu
guration nationale est du point de vue de rent qu'imparfaitement le rôle d'intégra
l'analyse referable tout autant à une tion politique de l'électorat ou encore
"d'organisation des masses électorales" modification du marché politique régio
nal. Déjà visible depuis près d'une décennqu'analysait dès le début du siècle, Moiseï
ie6, la modification des comportements Ostrogorski 3.
politiques languedociens n'est que l'un
Dans ce contexte, les élections régio
des effets induits d'une transformation de
nales ont pu être considérées comme
la société locale.
revêtant le caractère de test national. De
fait, un certain nombre d'évolutions
15 Pôle Sud
homogènes. Ce scrutin fait apparaître une Les Régionales et les Cantonales :
poussée conservatrice, mais aussi la cristalldes élections intermédiaires
isation d'un mécontentement "de gauche"
dépourvues ďenjeu local ? issu notamment des rangs des opposants à
la guerre du Golfe9. Nombre d'anciens Les élections régionales de 1992, répon
électeurs du PS ont rejoint largement la dent aux critères de définition des élections
mouvance écologiste et non le PC, contraintermédiaires que propose Jean-Luc
irement aux espoirs nourris par les diriParodi : "nationalisation" des enjeux,
geants communistes durant la campagne homogénéisation des comportements et
électorale. des attitudes politiques, sanction du pou
voir en place et élections dénuées de consé À la différence des élections interméd
quences majeures touchant la dévolution iaires "classiques" que Jean-Luc Parodi
du pouvoir national. En ce sens elles ne étudie dans un contexte de bipolarisation
différent pas de ce que furent les cantonales de la vie politique 10, l'expression électorale
de 1976, de 1982 et de 1985, tout comme du mécontentement n'est pas unipolaire et
les municipales de 1977 et 1983, dont le on assiste bien plutôt à la poursuite d'un
résultat, très médiocre pour la majorité processus de déstructuration du cadre poli
gouvernementale du moment, n'avait tique traditionnel, caractérisé par trois él
cependant pas empêché un redressement éments importants qui sont l'affaiblissement
important de cette même majorité aux des partis politiques dits "de gouverne
ment" élections législatives suivantes. (PS, UDF, RPR), l'apparition de
forces politiques nouvelles et l'instabilité du Cette première observation appelle deux
comportement électoral. remarques. Tout d'abord, les élections de
1992 montrent la faiblesse relative de
l'impact des politiques de décentralisation
institutionnelle auprès de l'opinion Le déclin des partis de gouvernem
publique locale. Il ne semble pas en effet, ent.
au vu de la relative homogénéité du score
de chaque formation politique quelle que Les partis de gouvernement subissent de
soit la région considérée, que le soutien plein fouet la concurrence exercée par le
apporté aux exécutifs régionaux (ou leur Front National qui prive la droite et notam
sanction éventuelle) ait été un élément ment le RPR de la composante populaire
décisif dans la détermination du vote. En de son électorat (malgré les tentatives de
d'autres termes, les acteurs politiques Charles Pasqua et Philippe Seguin de maint
locaux dont le rôle est prépondérant dans enir au sein du RPR le républicanisme
la définition des enjeux politiques 7 n'ont populaire que portait le Gaullisme histo
pas pour l'essentiel, déployé de stratégie rique) et par les diverses formations écolo
visant à inscrire les enjeux locaux sur gistes qui captent les suffrages des clas
l'agenda électoral 8. D'autre part, le vote ses moyennes salariées constituant
sanction ne semble pas émaner de groupes historiquement la base de l'expansion
16 Les élections de mars 1992 en Languedoc-Roussillon
électorale et de conquête du pouvoir du bien appartenant à la fraction dominée des
socialisme post-Epinay. classes supérieures, et notamment au milieu
enseignant, chez les écologistes, comme ce
Ces forces politiques nouvellement fut le cas pour le PS des années soixante-
apparues, mais pas totalement implantées,
dix. On peut enfin noter chez les Verts et sont qualifiées de "protestataires" ou "tribu-
Génération Écologie, la présence massive
niciennes", c'est-à-dire qui intégreraient
de leaders provenant plus particulièrement
politiquement des catégories sociales
des professions scientifiques ou des milieux
exclues culturellement ou socialement du
de la communication, alors que les admin
vote ou de la compétition électorale.
istrateurs, les juristes et les littéraires à un
degré moindre, dominent au sein des fo
rmations traditionnelles (à l'exception tou
La réapparition des professions tefois des membres du milieu médical pré
intermédiaires sur la scène politique. sents dans l'ensemble des listes).
La sociographie des élus et des candidats Cette constatation effectuée au plan
issus de ces nouvelles formations11 incline à national 14 est confirmée localement. Les
penser que le FN, comme les diverses frac candidats Verts, comme ceux de
tions de la mouvance écologiste, permet un Génération Écologie, sont souvent des
retour sur la scène politique de catégories enseignants de disciplines scientifiques tel
sociales qui avaient tendance à être margin Yves Piétrasanta (GE, Hérault), professeur
alisées par les logiques sociales d