Les fêtes des semailles en 1935 chez les Dogou de Sanga - article ; n°1 ; vol.6, pg 95-110
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1936 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 95-110
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1936
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Deborah Lifszyc
Denise Paulme
Les fêtes des semailles en 1935 chez les Dogou de Sanga
In: Journal de la Société des Africanistes. 1936, tome 6 fascicule 1. pp. 95-110.
Citer ce document / Cite this document :
Lifszyc Deborah, Paulme Denise. Les fêtes des semailles en 1935 chez les Dogou de Sanga. In: Journal de la Société des
Africanistes. 1936, tome 6 fascicule 1. pp. 95-110.
doi : 10.3406/jafr.1936.1603
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1936_num_6_1_1603LES FÊTES DES SEMAILLES EN 1935
CHEZ LES DOGON DE SANGA,
PAR
Deborah LIFSZYG et Denise PAULME.
{Planche XXI).
Durant le séjour de plusieurs mois que nous avons fait dans la région
de Sanga en 1У35, nous avons pu assister aux fêtes des semailles en
nous en faisant expliquer et commenter tout le rituel par les indigènes.
Le long de la falaise, cette fête 1 se transmettait autrefois de village à
village, entre le début d'avril et le début de juin, date à laquelle com
mence la saison des pluies. La chaîne ne se voit plus aussi nettement
aujourd'hui, plusieurs anneaux ayant été rompus. Le bulu se célèbre
néanmoins encore dans les villages de Sanga-du-haut dix jours (deux
semaines indigènes) après celui de Sanga-du-bas. La région de Sanga, en
effet, se divise en Sanga-du-haut, au sommet de la falaise, un peu en
retrait, et Sanga-du-bas, tout au bord. Sanga-du-haut comprend les vi
llages d'Ogol-du-haut et Ogol-du-bas, Baru, Engele, Sangi.
Quelques mots d'explication rendront plus clair l'exposé des faits : le
bulu résume en quelques heures, dans un espace restreint, presque toute
la vie religieuse de gens dont la religion semble être la principale préoc
cupation. Ce serait méconnaître cette admirable cérémonie que négliger
la valeur émotive qui s*attache à des mots comme amma ou binu.
Les атта, ou autels du Grand Dieu Amma, sont de simples cônes en
argile séchée. C'est sur ces cônes que coule le sang des victimes offertes
au Dieu lointain dont il est impossible de figurer l'image. Les атта sont
plus ou moins importants : certains protègent toute une famille, alors
que d'autres sont individuels ; on trouve des атта auxquels s'adressent
les veufs en demandant une femme, des атта de chevriers en brousse,
des атта du chemin, qu'invoque le voyageur. La prière ne varie guère ;
1. Voir L. Desplagnes, Le Plateau central nigérien, Larose, Paris, 1907, p. 303.
R. Arnaud, Notes sur les montagnards Hahé des cercles de Bandiagara et de Hombori,
Revue d'ethnographie et des traditions populaires, 2e année, n° 8, 4e trimestre 1921. 96 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
en offrant la* bouillie de milou le sang d'un poulet, le suppliant implore
d'Arama une femme, des enfants, du mil, la pluie, en un mot tout ce qui
est la vie.
Le Hogon, Ogono, l'homme le plus vieux, le chef suprême du village,
est aussi le prêtre du lebe. Le lebe se présente le plus souvent sous la
forme d'un simple cône en argile crue, semblable à un grand anima. Ce
n'est, à dire vrai, pas autre chose. Une légende raconte que le Grand
;Dieu Arama apparut en rêve au premier Dogon et lui ordonna de cons
truire le premier lebe, afin d'avoir un autel pour lui offrir des sacrifices.
A la mort de cet homme, le lebe fut « coupé » entre ses trois fils, Dyo/
Ono, Aru, d'où l'on assure que descendent tous les Dogon actuels.
Les indigènes reconnaissent encore cette distinction et se déclarent appart
enir, suivant leur famille, au groupe de Dyo, à celui d'Ono ou d'Aru.
Les autels d'Amraa n'apparurent que par la suite, imitation, à usage spé
cialisé, du lehe. Le sacrifice sur Yamma correspond toujours à une
demande précise d'un groupe de gens limité, (on a vu plus haut qu'il
existe même des атта individuels). Le lebe, lui, protecteur du village et
de la communauté, est l'intermédiaire visible permettant de communiq
uer avec Amma, l'Invisible, pour le bien commun. Dans tous les villages
que nous avons visités, les coutumes, la langue même ont pu varier ;
mais le lebe était la marque sûre, infaillible, qui rapprochait et unissait
tous les Dogon. En ce sens, le qualifier de culte « national », à défaut
d'un autre terme, ne serait peut-être pas exagéré.
A Sanga cependant, le lebe a subi des modifications si profondes, des
altérations si graves, qu'il en est presque méconnaissable. Il existe bien
un cône en argile, dit lebe, et situé sur la « terrasse du lebe л {lebedala) à
côté de la grande place d'Ogol-du-haut. Mais les indigènes, tout en appe
lant cet autel lebe, affirment que le « vrai » lebe est d'une toute autre
nature. C'est un énorme serpent que personne ne doit jamais voir souš
peine de mort; la nuit, il vient trouver son prêtre, le Hogon. Celui-ci
ne se lave jamais ; c'est inutile, car le lebe, durant sa visite nocturne, le
lèche sur lout le corps. On comprend mieux la singulière métamorphose
du lebe lorsqu'on a pu amener les Anciens à s'étendre un peu sur ce sujet
délicat. Autrefois, disent-ils, le Hogon ne mourait pas ; lorsque le vieil
lard sentait sa fin proche, il se glissait jusqu'à une faille de rochers,
Kugodu, que l'on montre encore aujourd'hui. Arrivé là, il se changeait
en grand serpent, puis s'enfonçait dans le monde souterrain. Mais un
jour que le Hogon allait ainsi disparaître aux veux des hommes, son fils
l'aperçut, et s'étonna de la présence de son père hors du village. Le
Hogon ne pouvait s'expliquer ; honteux, il rentra chez lui et ne tarda pas
à mourir. Depuis ce temps, les Hogons sont mortels ; mais personne ne
peut coucher dans le lebegina, la maison du Hogon ; le doyen du village LES FÊTES DES SEMAILLES EN 1935 CHEZ LES DOGON DE SANGA 97
doit être seul la nuit pour recevoir le grand serpent qui le guide dans les
sentences de justice qu'il doit rendre, dans les décisions à prendre pour
le bien de tous, et lui enseigne ainsi la sagesse des aïeux que lui, le
Hogon, essayera ensuite de faire comprendre aux vivants. Chaînon
entre les vivants et les morts, le Hogon à Sanga joue donc presque le
rôle du lebe, il incarne, pourrait-on dire, cet intermédiaire, ce lien entre
le monde visible et l'invisible, lien dont le besoin est si puissamment senti
par les esprits croyants.
Le binu est un animal allié de l'ancêtre, et respecté par tous les
membres de la famille. Il possède une maison du culte, binugina, où lui
sont offerts des sacrifices présidés par le binugedine, prêtre du culte.
Chaque binugedine porte un titre et un insigne. Le titre appartient au
binu de sa famille et se transmet à son successeur. L'insigne de ces fonc
tions est une pierre qu'il porte au cou, duge. On redoute un peu ces
hommes doués de pouvoirs qui dépassent ceux des simples mortels : on
dit des binugedine qu'ils sont tous kumogu, c'est-à-dire doués du don de
double vue, et en rapports suivis avec les puissances occultes, les morts
et les génies qui dominent la vie quotidienne.
Les cérémonies décrites ci-dessous ne concordent pas en tous points
avec les renseignements obtenus avant la fête ; le rituel théorique est
observé avec une certaine liberté, quelques formalités se trouvant sim
plifiées au gré des acteurs.
En fait les choses se sont passées de la façon suivante. Le descendant
des premiers Dogon installés dans le pays, un nommé Akundio, de la
famille Damakuno, village de Sangi, est venu trouver le gardien de Kan
amma, chef de la famille Do, d'Ogol-du-haut. Kan amma est un amma
apporté de Kani Goguna, village à iO kilomètres environ au N. W. de
Sanga, où les aïeux des habitants de Sanga se sont arrêtés dans leur
migration. Il est ainsi le premier en date des autels de la région, et sou
vent qualifié dans les prières de « protacteur », ou « père » (ba) du vil
lage. Le gardien de Kan amma remit à Akundio un fagot de mil, et pré
vint les binugedine, qui, après avoir demandé à un devin de dire si le bulu
serait « bon », se rendirent le 9 mai, au coucher du soleil, au marché de
Sanga, à la « pierre des binugedine. ». Revêtus de leurs habits de céré
monie, ils burent de la bière de mil, qu'ils avaient fait préparer à l'avance
par leurs femmes. A leur vue, le marché se vida en un clin d'œil, car
celui qui serait resté serait mort devoir « donner » le bulu. L'apparition
des binugedine au marché signifiait q

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