Les Français et Thomas Garrigue Masaryk - article ; n°3 ; vol.60, pg 703-723
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Description

Revue des études slaves - Année 1988 - Volume 60 - Numéro 3 - Pages 703-723
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Antoine Marès
Les Français et Thomas Garrigue Masaryk
In: Revue des études slaves, Tome 60, Fascicule 3. Tome 60, fascicule 60. En hommage à Yves Millet etudes
linguistiques et Tchèques. pp. 703-723.
Citer ce document / Cite this document :
Marès Antoine. Les Français et Thomas Garrigue Masaryk. In: Revue des études slaves, Tome 60, Fascicule 3. Tome 60,
fascicule 60. En hommage à Yves Millet etudes linguistiques et Tchèques. pp. 703-723.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1988_num_60_3_579270}
LES FRANÇAIS ET THOMAS GARRIGUE MASARYK
PAR
ANTOINE MARES
Comment les Français ont-ils vu Masaryk ? Quelle partie de son œuvre ont-ils
retenue ? Quelle a été finalement l'image de Masaryk en France et de quel poids
a-t-elle pesé sur celle de la Tchécoslovaquie ?
Le champ de recherche est d'autant plus vaste que les sources sont atomisées,
mais cette étude ne prétend pas être exhaustive puisque seuls ont été pris en consi
dération ceux qui ont contribué à former - ou à déformer ? — l'opinion du public
et des responsables français : journalistes, universitaires et diplomates.
J'ai pris le parti de supposer connues la carrière et l'œuvre de T. G. Masaryk et
d'en montrer les parties éclairées en suivant la chronologie. Au préalable, je dois
souligner que la critique étant la plupart du temps absente du discours tenu à son
propos, c'est l'absence ou la présence appuyée de certaines appréciations qui lui
donne du relief.
La perception de Thomas Garrigue Masaryk ne saurait se comprendre sans
quelques considérations plus globales sur la vision française de la Bohême.
De 1871 à 1899, les ouvrages qui sont consacrés en France à ce pays concernent
surtout l'histoire, puis la littérature, la politique et la question des nationalités1 .
De 1900 à 1914, la politique précède la littérature, le problème des nationalités
et l'histoire2 .
Ce renversement tenait à un regain des préoccupations internationales et des
interrogations sur le rôle que l'Autriche serait amenée à jouer au XXe siècle et,
pourtant, avant la Première Guerre mondiale, Masaryk, professeur à l'Université
Charles de Prague depuis 1882 et acteur de la vie politique austro-hongroise, était
méconnu en France ; la Revue des Deux Mondes, attentive à l'évolution de la
Double Monarchie, ne mentionne pas son nom avant 1919. Cela est en partie expli
cable par son manque d'affinités profondes avec la France — il y avait là un effet de
réciprocité — à une époque où il connaissait cependant fort bien notre littérature,
mais où, à travers elle, il avait déjà une certaine image de notre pays qui ne cor
respondait que peu à son tempérament.
1. Cette statistique est fondée sur le dépouillement d'un fichier Bohemica réalisé dans
l'entre-deux-guerres et déposé à l'Institut d'études slaves de Paris. De 1871 à 1899, le nombre
de titres est respectivement de 71, 39, 36 et 20.
2. Respectivement 74, 46, 41 et 35.
Rev. Etud. slaves, Paris, LX/3, 1988, p. 703-723. 704 A. MARES
Toutefois ses idées commençaient à être connues dans le monde scientifique :
en 1898, la Revue internationale de sociologie présentait ses thèses philosophiques
et sociales sur le marxisme. S'il soulignait les contradictions multiples du marxisme
et de ceux qui s'en réclamaient — ou s'en déchiraient l'héritage —, il réaffirmait
aussi sa foi profonde en un socialisme qui cherchait « hardiment la vérité »* . Sa
place particulière dans la politique bohème n'échappait pas tout à fait aux observa
teurs français : le premier consul de France à Prague, Méroux de Valois, virulent
contre le conservatisme des dirigeants tchèques, notait en 1902 que Masaryk était
« le seul homme en Bohême ayant le courage de dire la vérité à ses compatriotes » .
Trois ans plus tard, l'action du député tchèque en faveur du suffrage universel
était remarquée par Colomiès, le successeur de Méroux2 .
Mais c'est le soixantième anniversaire de T. G. Masaryk qui permit en 1910 à
Arnošt Bláha de présenter au public français un aperçu global des « théories philo
sophiques et sociologiques de Masaryk » : il en soulignait la dimension religieuse
en parlant de « théisme sans révélation » .
Au début du siècle, les historiens français de la Bohême occupaient une place
particulièrement importante dans les rapports franco-tchèques, notamment avec
Ernest Denis, que son fils Pierre Denis a caractérisé en quelques phrases : « Profes
seur d'histoire, huguenot, chasseur à pied en 1870-71 [...], après la guerre de 1870,
mon père, à la recherche, dans le domaine qui lui était accessible, d'appuis pos
sibles pour le relèvement politique de la France, et son choix ayant été peut-être
guidé par quelques ouvrages de George Sand que j'ai retrouvés dans la bibliothèque
familiale de Nîmes, s'était intéressé à la résurrection du peuple tchèque à laquelle
il consacra [...] le meilleur de ses forces4 . »
Ainsi Ernest Denis résida à Prague de 1872 à 1875 pour s'initier aux choses
tchèques ; mais c'est seulement alors qu'il enseignait en Sorbonně que Denis
exprima en 1903 quelques jugements — d'ailleurs acerbes — sur l'œuvre et la personn
alité de T. G. Masaryk : « II mène l'attaque contre l'authenticité des Manuscrits
avec une verve bruyante qui lui vaut des haines furibondes et des dévouements pas
sionnés... Masaryk est un prophète, c'est-à-dire que ceux qui ne sont pas ses
disciples sont souvent agacés par ses allures de hiérophante, ses aphorismes tran
chants et ses vaticinations nuageuses. J'avoue humblement que son mysticisme
m'est insupportable. Ce qui ne m'empêche pas de reconnaître en lui un esprit très
éveillé, un écrivain d'un rare mérite et un grand dénicheur de merles. Il avait les qual
ités et surtout les défauts qui étaient les plus nécessaires à cette heure de la vie
nationale » . Denis regrettait la manière dont le professeur tchèque avait « brisé les
idoles » dans la polémique des Manuscrits, tout en ajoutant qu'« il ramené la
Bohême à ce qui a fait sa gloire dans le passé et à ce qui est la garantie de son
avenir, le respect de la conscience »5 .
1. « La crise scientifique et philosophique du marxisme contemporain », Revue interna
tionale de sociologie, 1 898, p. 51 1-528.
2. Archives du ministère des Affaires étrangères (désormais AMAE), Nouvelle série (N.S.),
n« 27, dépêches du 29 oct. 1902 et du 24 sept. 1905.
3. « Les théories philosophiques et sociologiques de T. G. Masaryk », Revue intema-
tionalede sociologie, mai 1910, p. 313-321.
4 . Pierre Denis, les Métiers et les Jours, Paris, Julliard, 1 95 1 , p . 30-3 1 .
5. Ernest la Bohême depuis la Montagne blanche, t. 2, Paris, Leroux, 1903, p. 576-
584. Sur les réactions immédiates de Denis entre 1894 et 1900, cf. Daniel Essertier : « La Re-
naissanoe tchèque à la fin du XIXe siècle », Revue française de Prague, 1923, p. 246-248. LES FRANÇAIS ET T.G.MASARYK 705
En 1912, préfaçant le cours de littérature tchèque de Hanuš Jelínek, il précisait
que l'influence de Masaryk lui paraissait symptomatique de l'esprit tchèque : « On
vient de publier pour fêter son soixantième anniversaire une série d'articles écrits
par ses élèves ; ils n'essaient pas de prouver que c'est un écrivain de génie ou un
philosophe original. П lui a suffit d'être un grand apôtre de la vérité pour que,
dévotieusement, la jeunesse se courbât sous sa loi1 . » Denis avait lui-même parti
cipé à cet « hommage », confiant son incompréhension pour le terme « humanité »
utilisé par Masaryk : il voyait là du romantisme, alors qu'il se considérait comme un
rationaliste2 . Il craignait de plus un certain cosmopolitisme, lui qui privilégiait par
dessus tout la nation.
Cette opposition était donc à la fois d'idées et de caractère. Les conceptions de
Masaryk sur l'histoire tchèque sont célèbres, souvent sous leur forme la plus
extrême, la plus « idéol

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