Les insectes ont-ils la mémoire des faits? - article ; n°1 ; vol.15, pg 148-159
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Description

L'année psychologique - Année 1908 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 148-159
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1908
Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

Félix Plateau
Les insectes ont-ils la mémoire des faits?
In: L'année psychologique. 1908 vol. 15. pp. 148-159.
Citer ce document / Cite this document :
Plateau Félix. Les insectes ont-ils la mémoire des faits?. In: L'année psychologique. 1908 vol. 15. pp. 148-159.
doi : 10.3406/psy.1908.3755
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1908_num_15_1_3755II
LES INSECTES ONT-ILS LA MÉMOIRE DES FAITS?
(Observations sur les Bourdons).
§ 1. — Distinction entre instinct et intelligence.
Avant de relater les quelques observations qui font le sujet
de cet article, il me semble utile de préciser la signification de
certains termes ; car, si l'on a beaucoup écrit sur les facultés
mentales des animaux, on a émis aussi beaucoup d'idées
erronées.
L'une de celles qui se rencontrent le plus fréquemment dans
les travaux des naturalistes descripteurs de mœurs consiste à
considérer l'instinct comme une intelligence rudimentaire.
L'instinct n'est pas un commencement d'intelligence et l'i
ntelligence n'est pas du tout un instinct perfectionné.
La meilleure définition de l'instinct que j'aie jamais rencont
rée et, je crois, la seule bonne, a été formulée comme suit par
Hermann Fol : « L'instinct est le désir impérieux et inné d'exécuter
des séries d'actes propres à atteindre un but final que l'acteur ne
comprend généralement pas i . »
Parmi les exemples cités par le regretté zoologiste suisse et
montrant bien que l'animal obéissant à l'instinct pose des
actes parfois compliqués dont il ne comprend pas la portée, je
choisis celui qui concerne leMajasquinado, Crustacédu groupe
des Crabes qui, comme beaucoup d'autres (les Porcellana, Dro-
mia, Pisa, Stenorhynchus, Inachus, Hyas, etc.), fixe sur sa cara
pace des Spongiaires, des Bryozoaires et des Algues vivants, de
sorte que, recouvert ainsi d'un amas de rameaux et de lanières,
il se confond totalement avec les roches sous-marines revêtues
1. Fol. L'instinct et l'intelligence. Conférence donnée à l'Université
de Genève (Revue des Cours scientifiques, t. XXXVII, n° 1, 1er semestre,
p. 193, 13 février 1886). PLATEAU. — LES INSECTES ONT-ILS LA MÉMOIRE DES FAITS? 149
d'un mélange semblable de végétaux et d'animaux inférieurs.
Son costume d'emprunt lui permet peut-être d'échapper à
un certain nombre de ses ennemis et rend sans défiance les
êtres dont il fait sa nourriture.
Le Crustacé qui se revêt de plantes, de Bryozoaires et de
Spongiaires pose-t-il un acte conscient? pas le moins du monde ;
il obéit à l'instinct et accomplit un acte dont il ne comprend
pas le but. En effet, si, à l'exemple de Fol, après avoir enlevé
soigneusement toute la toison du Maja, on le met dans un
aquarium où il n'a à sa disposition que des brins de paille et des
fragments de papier blanc, on voit l'animal, incapable de ra
isonnement, obéissant à un besoin impérieux, accomplir un
acte absurde; il se colle sur le dos tous ces objets qui, loin de
le dissimuler, ne peuvent en réalité que le rendre plus visible
que s'il n'avait rien mis.
L'instinct et une intelligence même bornée sont donc des
propriétés absolument distinctes.
L'origine de la confusion que font de nombreuses personnes
entre instinct et intelligence rudimentaire réside dans ceci : bien
que l'instinct soit une impulsion inconsciente, très souvent
l'animal, à côté de V instinct, fait quelques raisonnements sim
ples, emploie ce qu'il a d'intelligence, mais uniquement pour
vaincre ou tourner les obstacles qui s'opposent à la satisfac
tion de l'instinct.
Ce genre d'associations entre l'instinct qui pousse l'animal
et l'intelligence qui lui permet de trouver le moyen de satisfaire
son besoin irraisonné étant excessivement fréquent dans la
nature, il en résulte qu'il est assez rare de pouvoir observer
l'instinct seul et que les cas où il se présente ainsi isolé sont
d'un haut intérêt.
Les expériences que je décrirai plus loin concernent préc
isément l'instinct seul.
§ 2. — Mémoire des lieux, mémoire du temps.
La mémoire des lieux ou, ce qui est plus exact, la mémoire
d'un chemin parcouru un certain nombre de fois, est incontes
table chez les Hyménoptères, tels que les Abeilles, les Bour
dons, etc.
Je dis la mémoire d'un chemin parcouru; en effet G. -J. Roman
es a démontré expérimentalement que les Abeilles ne retrouvent
leur ruche que si par des voyages de plus en plus longs autour 150 MÉMOIRES ORIGINAUX
de la colonie elles ont acquis une expérience suffisante de la con
trée l.
Quant à un prétendu sens de direction qui permettrait aux
Hyménoptères de revenir sûrement au nid lorsqu'on les a trans
portés dans des endroits situés en dehors du périmètre de leurs
explorations habituelles, toutes les expériences bien faites de
Lubbock sur les Fourmis 2, de Romanes et de E. Yung sur les
Abeilles3, de Gw. et Eg. Peckham sur des Guêpes4, de J. Pérez
sur des Abeilles, Bourdons, Melipones et Osmies 5, prouvent
que cette faculté n'existe pas.
Ne parlons donc plus de sens de direction, question résolue
par la négative et revenons à la mémoire du chemin parcouru.
Cette mémoire est telle qu'on voit l'Hyménoptère dans son
voyage aérien d'aller, franchir toujours le même mur à peu près
au même endroit, passer toujours par le intervalle entre
deux branches déterminées, etc. Le voyage de retour pourra se
faire par une route un peu différente mais dont le tracé restera
encore une fois immuable.
D'où cette conséquence que si l'observateur modifie les
points de repère, en abattant par exemple des arbres, ou
déplace simplement le nid d'une faible quantité, les Abeilles et
d'autres Insectes de groupes voisins sont absolument déso
rientés.
G. Bonnier rappelle à ce propos un fait connu de tous les
apiculteurs : « Si dans la journée, pendant qu'un grand
nombre d'ouvrières sont sorties, on déplace leur ruche latér
alement de deux mètres seulement par exemple, en la remplaçant
par un tabouret recouvert d'un plateau, on verra les buti
neuses, au retour de la récolte, venir à l'ancienne place de la
ruche; elles s'accumulent sur le plateau sans savoir retrouver
l'entrée de leur demeure qui est à deux pas de là 6. »
1. Romanes. Homing Faculty of Hymenoptera (The Nature, vol. XXXII,
29 octobre, p. 630, 1885).
2. Lubbock. Le prétendu sens de direction chez les animaux (Revue
scientifique, t. XL VI, p. 590, 8 novembre 1890).
3. Yung. De l'existence d'un soi-disant sens de direction ou d'orienta
tion chez l'homme et les animaux (Archives des Sciences physiques et
naturelles, novembre-décembre, p. 49, Genève, 1891).
.4. Peckham. Some observations on special senses of Wasps (Proceedings
of natural history Society Wiconsin, april 1887).
5. Pérez. Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, 5* série, t. VIII,
p. 231, 1894.
6. Bonnier. L'accoutumance des Abeilles et la couleur des fleurs
(Comptes rendus de V Académie des Sciences de Paris, t. CLXLI, n° 24,
p. 993, 11 décembre 1905). — LES INSECTES ONT-ILS LA MÉMOIRE DES FAITS? 151 PLATEAU.
Une autre conséquence de cette mémoire du chemin parcouru
est que lorsqu'un Hyménoptère quittant le nid le matin à la
recherche de miel ou de pollen découvre en zigzaguant dans la
campagne ou les jardins une plante dont les fleurs lui offrent
en abondance ce qu'il désire, il y revient pendant des jours et
des jours, non pas en ligne droite ainsi qu'on pourrait se
l'imaginer, mais en suivant la même route que la première
fois, route qui par cela même pourra avoir un tracé absurde,
comme le montre l'exemple ci-après dont j'ai été témoin.
Dans mon jardin, devant une muraille exposée au midi sont
des plantes de Roses-trémières (Althaea rosea) dont les fleurs
simples reçoivent du matin au soir, pendant les belles journées
de juin et de juillet, les visites de nombreux Bourdons '. Ceux-
ci à l'époque où je fis l'observation, arrivaient de la campagne
en franchissant au vol le mur opposé, exposé par conséquent
au nord, à 23 mètres des Roses-trémières

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