Les intermittences du vote - Un bilan de la participation de 1995 à 1997
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En deux ans, les Français ont été appelés aux urnes pour trois élections majeures : présidentielle, municipales, législatives. L'observation d'un échantillon de 40 000 électeurs sur toute la période révèle que 8 % seulement des inscrits se sont abstenus à tous les scrutins, ce qui infirme l'idée d'une crise durable de la représentation politique en France. Le comportement le plus répandu est en fait le vote intermittent, pratiqué par un électeur sur deux. Ces différences de mobilisation traduisent d'abord les divers niveaux d'insertion sociale. Viennent ensuite les facteurs politiques : on se mobilise davantage quand l'issue semble incertaine, tandis qu'un désenchantement provisoire pourrait expliquer la chute de la participation entre 20 et 40 ans.

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Langue Français

Extrait

N° 546 SEPTEMBRE 1997
PRIX : 15 F
LES INTERMITTENCES DU VOTE
Un bilan de la participation de 1995 à 1997
François Héran, Division des enquêtes et études démographiques, Insee
L’abstention systématique de 1995 àn deux ans, les Français ont été
1997 : 8 % seulement des inscritsappelés aux urnes pour trois élec-Etions majeures : présidentielle, Pour séparer l’abstention durable de
l’abstention de circonstance, il faut suivremunicipales, législatives. L’observation
les mêmes électeurs sur une durée aussi
d’un échantillon de 40 000 électeurs sur longue que possible. L’Insee a donc suivi
toute la période révèle que 8 % seulemen40 000 inscrits depuis la t présidentielle et les
municipales de 1995. Dans l’ensemble, lades inscrits se sont abstenus à tous les
stabilité prévaut : 85 % des abstentionnistes
scrutins, ce qui infirme l’idée d’une crise qui avaient fait l’impasse complète sur ces
durable de la représentation politique en deux élections ont fait de même aux législa
tives de 1997. Moins on vote en 1995, moinsFrance. Le comportement le plus répandu
on a de chances de voter en 1997 graphi (
est en fait le vote intermittent, pratiqué que 1).
par un électeur sur deux. Ces différencesMais, si forte soit elle, ce n’est qu’une cor
rélation. Le noyau des abstentionnistes irré de mobilisation traduisent d’abord
ductibles – ou supposés tels – s’est rétréci.
les divers niveaux d’insertion sociale. On comptait 11 % d’inscrits restés totale
Viennent ensuite les facteurs politiques : ment à l’écart des deux élections de 1995. Il
en reste 8 % quand on prolonge l’observa on se mobilise davantage quandl’is sue
tion jusqu’aux législatives de 1997. Or ce
semble incertaine, tandis qu’un désen- faible pourcentage d’abstentionnistes com
chantement provisoire pourrait expliquer plets est précisément celui que l’Insee avait
déjà relevé d’avril 1988 à mars 1989, pé la chute de la participation entre 20 et
riode qui avait vu se succéder trois élections
40 ans. et un référendum. Ce noyau peut encore se
réduire légèrement aux prochains scrutins
(régionales de 1998, européennes de
1999).
En définitive, la part des électeurs demeu
32 % d’abstention au premier tour des légis rant continûment à l’écart du jeu électoral ne
latives 1997, 28 % au second : ces taux, quidoit guère dépasser 7 % en régime perma
avoisinent ceux de 1993 et 1988, sont éle nent. Difficile de souenir, dans ces t condi
vés. Permettent-ils de conclure, comme tions, qu’un désintérêt général pour le
l’ont fait certains observateurs, à une “ crisedébat politique met présentement notre dé
durable de la représentation politique ” ? Il mocratie en péril.
suffit de suivre le même échantillon d’élec Il faut ajouter cependant aux abstentionnistes
teurs d’un tour à l’autre pour découvrir que durables la part des électeurs potentiels non
l’abstention est en réalité bien moindre. La inscrits, c’est à dire les Français ayant le
proportion d’inscrits ayant boudé les urnes droit de vote mais qui ont négligé de s’ins
aux deux tours ne dépasse pas 20 %. Si crire, soit 9 % (pourcentage faible comparé
l’abstention du second tour rassemble en à celui des États Unis, où il dépasse... un
core 10,5 millions d’inscrits, l’abstention tiers). L’ensemble non inscrits + abstention
complète reste inférieure à 7,5 millions. En nistes durables atteint tout au plus 15 % du
effet, 31 % des abstentionnistes du premiercorps électoral potentiel. Ainsi, moins d’un
tour ont voté au second et, réciproquement,Français sur sept ayant le droit de vote ne
23 % des abstentionnistes du second tour l’utilise pas, faute d’être inscrit ou faute de
avaient voté au premier. voter.
INSEE
PREMIEREÀ l’opposé, le civisme systématique Inversement, il est des milieux où Toutes choses égales par ailleurs (on
est plus fréquent, même s’il reste mi l’abstention durable semble impensa suppose, par exemple, qu’il s’agit
noritaire : 43 % des inscrits ont voté àble, à commencer par les agriculteurs dans les deux cas d’un homme marié
tous les tours de scrutin possibles de et les enseignants : 98 % ont usé au résidant dans une agglomération de
puis 1995. Mais plus répandu encore moins une fois de leur droit de vote 20 000 à 100 000 habitants), la prob
est le vote intermittent, pratiqué par la depuis 1995. C’est vrai, plus générale abilité qu’a M. Dupont de s’être systé
moitié des Français, qu’ils aient sauté ment, des fonctionnaires et des pro matiquement abstenu aux trois
une ou deux des trois élections (27 %) fessions indépendantes. Le service de élections de la période 1995 1997 est
ou aient voté à chacune en sautant unl’État et la propriété d’un patrimoine de 19 %, celle de M. Durand de... 1 %.
tour ça et là (22 %). sont deux sources complémentaires Le fossé est considérable ; il s’expli
de civisme – même si les études de que pour un tiers par le diplôme et pour
sciences politiques révèlent par un quart par le statut de l’emploi,Pas d’abstention à vie
ailleurs qu’elles tendent à orienter le tandis que l’écart d’âge, le statut d’oc
Peut on affirmer qu’à l’échelle d’une vote dans des directions opposées. cupation du logement et la catégorie
vie l’abstention totale n’existe pas, À l’inverse, l’abstention durable culmine socio professionnelle jouent un rôle
puisque chacun finit par voter un jour chez ? les salariés des entreprises, par plus limité, même s’il reste significatif.
Avancée par Subileau et Toinet, qui ticulièrement les ouvriers qualifiés, un
ont effectué des relevés de longue phénomène qui pourrait être lié au Une mobilisation accrue quand
durée sur un choix de listes d’émarge brouillage de leurs repères politiques l’issue est incertaine
ment depuis 1979, cette thèse est lar traditionnels.
gement confirmée. Non seulement Aux facteurs sociaux de l’abstention
chaque nouvelle élection vient entamer s’ajoutent des facteurs proprementL’absence de diplôme et
le noyau des abstentionnistes endurcis, politiques. On a déjà montré, dans uned’emploi stable, premier facteur
mais, passé le seuil des 40 ans, la part publication consacrée aux municipalesde l’abstention durable
des électeurs potentiels non inscrits de 1995, qu’un rapport de force indécis
descend à 6 %, ce qui devient très faible. On peut concrétiser ces résultats en mobilisait davantage le corps électo
Seulement, de ce que l’abstention opposant deux cas extrêmes, mais ral. Comment le vérifier pour les légis
complète n’existe guère sur longue ordinaires. D’un côté, M. Dupont, latives ? Faute de pouvoir interroger
période, il faut se garder de conclure jeune électeur d’une trentaine d’an directement les électeurs, on a cher
qu’il n’existerait pas d’abstentionnistes nées, sans diplôme, vendeur embau ché à voir dans quelle mesure leur
durables présentant un profil social ché à titre temporaire, locataire de sonniveau de participation était objective
particulier. Entre civisme systématique logement. De l’autre, M. Durand, ment sensible aux appréciations du
et retrait total, il y a tout un dégradé qui 60 ans, enseignant diplômé du supé rapport de force local diffusées par
reflète un niveau inégal d’insertion rieur en fin de carrière, propriétaire. des observateurs attentifs. D’où l’idée
sociale. On en avait apporté la
démonstration en 1995 en dressant le
L’abstention de 1997 fortement corrélée à celle de 1995bilan conjoint de la présidentielle et
des municipales. On le vérifie en pro
longeant l’observation sur 1997. L’abs
tention durable (ou, si l’on préfère, le
vote très intermittent) est associée à
l’affaiblissement du lien social, ce qui
autorise à parler d’une “ exclion élec us
torale ”, fût elle provisoire.
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