Les Morisques, la culture irriguée du blé et le problème de la décadence de l agriculture espagnole au XVIIe siècle. Un témoignage sur la Vega de Tarazona - article ; n°1 ; vol.7, pg 237-262
28 pages
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Les Morisques, la culture irriguée du blé et le problème de la décadence de l'agriculture espagnole au XVIIe siècle. Un témoignage sur la Vega de Tarazona - article ; n°1 ; vol.7, pg 237-262

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Description

Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1971 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 237-262
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

M. Pierre Ponsot
Les Morisques, la culture irriguée du blé et le problème de la
décadence de l'agriculture espagnole au XVIIe siècle. Un
témoignage sur la Vega de Tarazona
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 7, 1971. pp. 237-262.
Citer ce document / Cite this document :
Ponsot Pierre. Les Morisques, la culture irriguée du blé et le problème de la décadence de l'agriculture espagnole au XVIIe
siècle. Un témoignage sur la Vega de Tarazona. In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 7, 1971. pp. 237-262.
doi : 10.3406/casa.1971.1041
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1971_num_7_1_1041LES MORISQUES, LA CULTURE IRRIGUÉE DU BLÉ,
ET LE PROBLÈME DE LA DÉCADENCE DE
L'AGRICULTURE ESPAGNOLE AU XVIIe SIÈCLE
UN TÉMOIGNAGE SUR LA VEGA DE TARAZONA
Par Pierre PONSOT
Secrétaire général de la Casa de Velâzquez
Le voyageur qui passe des hautes terres de la Castille de Soria à la
dépression de l'Ebre par la vallée du Queiles, s'il s'arrête entre Agreda
la castillane et Tarazona l'aragonaise, au pied du sombre Moncayo,
gardien d'une vieille et persistante frontière, découvre avec surprise dans
le village de Torrellas un curieux petit monde résiduel. Du magnifique
minaret octogonal de style mudéjar, il s'attend à écouter le cri du muezzin
(photographie I), et de petites maisons basses en pisé aux ouvertures
rares et réduites (photographie II) à voir sortir à son appel les fidèles
d'Allah. Au pied du village de petits champs irrigués s'étendent au milieu
des arbres dans une verdoyante vega (photographie III).
Vega et Somontano: une dualité ethnique, sociale et économique.
Dans ce décor ont effectivement vécu pendant neuf siècles, du début
du VIIIe au début du XVIIe, des adeptes de l'Islam, déclarés ou secrets.
D'abord sous leur propre loi, Maures conquérants du VIIIe au début
du XIIe, puis, sous la domination des Chrétiens, Mudéjares conservant
leur foi avec leurs biens et leurs coutumes, jusqu'en 1526, Moriscos con
vertis de force au catholicisme mais non assimilés à la civilisation des
dominateurs, de cette date à leur expulsion définitive en 1610. Poursui
vant son chemin, le voyageur retrouvera le même paysage de petits
villages et de parcelles irriguées, étagées en terrasses, tout le long de la
vallée du Queiles jusqu'à son confluent avec l'Ebre à Tudela, déjà en
Navarre, dans toute l'étendue de la riante Vega de Tarazona qui évoque
au premier regard les grasses récoltes, les hauts rendements, l'aisance
peut-être, le travail obstiné et intensif des hommes sans aucun doute. Photographie I: Torrellas, le clocher-minaret mudéjar.
(Cliché Jacqueline Ponsot)
S'il avait emprunté la vallée voisine du Huecha, descendant lui aussi du
Moncayo pour irriguer la vega de Borja, le paysage n'aurait guère dif
féré, et il se retrouve dans les autres vallées des affluents de gauche de
l'Ebre, le Jalon, le Huerva, le Guadalope..., dans la vallée moyenne de
FEbre lui-même de Logrono à Caspe, et enfin dans les basses vallées de
certains affluents de gauche comme le Cinca.
Si le voyageur est curieux d'histoire, il apprendra facilement, car les
témoignages et les études ne manquent pas, que ce paysage humanisé
n'a pas surgi, comme d'autres semblables en Aragon, du labeur mérit
oire, depuis une quarantaine d'années, de la Confédération Hydrogra- Photographie II: Torrellas, maisons de type morisque.
(Cliché J. Ponsot)
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Photographie III: La Vega vue de Torrellas, en direction du Sud-Est; au
fond, une première colline du Somontano.
(Cliché J. Ponsot) 240 PIERRE PONSOT
phique de VEbre 1. Il est plusieurs fois centenaire, plus que millénaire.
Les Romains ont probablement été les premiers à créer son infrastruc
ture technique, le système de canaux d'irrigation et ses ramifications,
mais seulement dans certaines parties de ce bassin moyen de l'Ebre 2.
C'est aux Musulmans qu'il doit son extension actuelle, à peu de choses
près, son réseau d'acequias et d'azudes, et surtout le système complexe
de relations économiques, sociales et juridiques, qui en ont fait un des
jardins et vergers de l'Espagne depuis le Moyen Age. Ainsi, dans la Vega
de Tarazona ou dans celle de Borja, le démembrement de villae romaines
a donné naissance à une série de hameaux musulmans (alquerias) étirés
le long des acequias principales, grâce aux facilités du captage des eaux
descendant du Moncayo, tandis que les basses plaines, souvent insalubres,
de la vallée de l'Ebre ont attendu des siècles de plus, parfois jusqu'au XXe,
pour que l'agriculture irriguée y soit mise en place.
Mais cette agriculture intensive multiséculaire a connu bien des ava
tars et des transformations. Le coup le plus rude, elle le reçut sans doute
au début du XVIIe, lorsque pratiquement tous les cultivateurs de la Vega,
les inassimilables Morisques, furent expulsés par ordre de Philippe III et
de son ministre le duc de Lerma. Au moment de la Reconquête de la
région de l'Ebre, en effet, au début du XIIe (Tarazona tomba aux mains
d'Alphonse I le Batailleur, cinquième roi d'Aragon, en 1118), la popula
tion musulmane, qui s'était rendue par «capitulation», fut maintenue en
place avec ses biens, ses lois et ses coutumes. Les conquérants chrétiens,
venant pour la plupart des Pyrénées, s'émerveillèrent de cette savante
agriculture dompteuse des torrents, mais ne jugèrent pas opportun
— ou pas décent — de se mettre à l'école des vaincus. Ils allèrent installer
sur les vastes étendues désertes entre les vallées leur «agriculture sèche»
extensive et leur élevage, notamment sur les basses pentes du Moncayo,
dans le Somontano qui leur rappelait les paysages pyrénéens familiers.
Ils occupèrent les positions stratégiques et les plus grandes villes, réser
vant un quartier spécial aux Morisques — la aljamia — et un autre aux
Sur ses projets et ses résultats, voir les publications de l'enthousiaste promoteur,
le grand ingénieur républicain Lorenzo Pardo, notamment: La Confederation del
Ebro. Nueva Politico. Hidrâulica, Madrid-Barcelona-Buenos Aires, 1930, 213 p.; La
Conquista del Ebro, Madrid, 1931, 318 p. Et un bilan actuel dans H. Lautensach:
Geografia de Espaiïa y Portugal, Barcelona, 1967, XX-815 p., pages 238-39
et 405-07.
Des indices convaincants des travaux d'irrigation effectués par les Romains sont
rassemblés par A. Giménez Soler: El problema de la variation dzl clima de la cuenca
del Ebro, in Memorias de la Facultad de Filosofia y Letras de Zaragoza, 1922,
p. 1-136, notamment p. 76 sq. Voir aussi du même auteur: El paisaje aragonés
en la Antigùedad, in Revista de Aragon, I, 3, décembre 1925. ■
LES MORISQUES ET LA CULTURE IRRIGUÉE DU BLÉ EN ARAGON 241
Juifs, et ils laissèrent la plupart des vieux villages et hameaux des vallées
exclusivement aux Mudéjares. A Tarazona la aljamia ou moreria était
située primitivement dans les quartiers de la Magdeleine et de Saint Jean,
mais surtout et bientôt exclusivement dans un «quartier extérieur», un
hameau en fait, situé à plus d'un kilomètre et demi au nord de la ville,
Tôrtoles. Sur le vaste territoire de la cité, deux autres hameaux, Cunchillos
et Novallas, étaient également habités par des descendants des Maures.
D'autres villages de la Vega avaient une population mixte de Chrétiens
et de Musulmans (ou, après 1526, selon la nouvelle terminologie, de Vieux
et de Nouveaux Chrétiens): Malon, Vierlas, Grisel, Samangos, Santa Cruz,
Torellas. Par contre Los Fayos avait la particularité d'être peuplé un
iquement de Chrétiens, comme la capitale régionale (voir croquis).
Pendant cinq siècles, par conséquent, deux groupes ethniques coexistè
rent sans se mêler dans toute la région au pied du Moncayo, deux sociétés
se côtoyèrent, et deux agricultures se partagèrent le sol. Même gouvernés,
administrés et dominés socialement par les descendants des conquérants
chrétiens, les habitants des vieilles villes et des villages des vegas con
servèrent leur savante agriculture irriguée et la petite propriété (ou la
petite exploitation tributaire mais stable); à côté, sur les interfluves et les
basses pentes du Moncayo, le

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