Les sans-culottes et la Révolution française - article ; n°6 ; vol.18, pg 1098-1127
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1963 - Volume 18 - Numéro 6 - Pages 1098-1127
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 215
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Louis Bergeron
François Furet
Claude Mazauric
Les sans-culottes et la Révolution française
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 6, 1963. pp. 1098-1127.
Citer ce document / Cite this document :
Bergeron Louis, Furet François, Mazauric Claude. Les sans-culottes et la Révolution française. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 6, 1963. pp. 1098-1127.
doi : 10.3406/ahess.1963.421088
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1963_num_18_6_421088DÉBATS ET COMBATS
Les sans-culottes
et la Révolution française
sépare tradition la ne de référence la On donne phrase les peut intellectuelle pas antagonistes. à de partir 1789 seulement Clemenceau marque encore, royaliste, Il la indique la clé quand : rupture « La d'une l'unité aussi, il Révolution s'agit de sensibilité en pente, d'une face de est la définit historiographie de politique, un Révolution la bloc permanence l'avant ». dans Car et française, républilaquelle l'après, le d'une mot
caine qui rassemble des générations très diverses, de Michelet à Aulard,
de Mathiez à Georges Lefebvre.
Mais ce « bloc » révolutionnaire ne se définit comme tel que devant
l'ennemi, et comme négativement : c'est dire qu'il a eu avant tout une
vocation politique. Dans le domaine du savoir, bien des éléments l'ont
dissocié : le front ennemi n'a jamais été bien redoutable, fait plus sou
vent d'idéologues que d'historiens, d'hommes de passion que de recherche ;
et la malédiction divine était à tout prendre une explication moins sotte
que le complot franc-maçon. Tout a contraint par ailleurs l'historiogra
phie révolutionnaire à l'analyse, à la nuance, au progrès : tout, c'est-à-
dire l'objet même de la recherche, la Révolution elle-même, à la fois
nécessité profonde et aventure cahotante, faite de trouées brutales, de
ruptures sanglantes. Le drame politique de ces années 1789-1794 est trop
divers, trop discontinu, pour être raconté d'un cœur égal.
Car il s'agit bien de cœur. Les historiens du xixe siècle et même du
XXe ont d'autant mieux investi leiirs sympathies sur tel aspect, telle
période, tel personnage de la Révolution que cet aspect, cette période,
ce personnage fournissaient des précédents ou des ancêtres à leur propre
histoire, et leur facilitaient l'interprétation de leur propre temps. S'il
subsiste du mystère dans l'amour de Michelet pour Mme Roland, il n'y
en a pas dans la filiation qui relie Lamartine aux Girondins, Aulard à
Danton, Mathiez à Robespierre : car cette filiation est politique. A toutes
les familles de la gauche française, la Révolution donnait de grands
ancêtres ou de grands exemples. L'histoire de cette fascination est encore,
pour l'essentiel, à écrire.
Depuis cinquante ans, c'est la pensée socialiste et d'obédience marxiste,
au sens large du terme, qui a fait de la Révolution française le domaine
1098 LES SANS-CULOTTES
par excellence de ses recherches historiques. Ecartons pour l'instant les
nuances : de Jaurès à E. Labrousse, de Mathiez à Georges Lefebvre, elle
n'a pas fouillé seulement l'étude de ces masses populaires qui jouent
alors, pour peu de temps, un rôle politique capital ; elle a voulu mesurer
aussi, au sens strict du mot, les mouvements économiques et les désé
quilibres sociaux qui font basculer l'Ancien Régime. Et c'est ainsi qu'elle
a découvert qu'il n'y a pas seulement plusieurs révolutions successives
dans la Révolution française, les Monarchiens, les Feuillants, les Girond
ins, les Montagnards, etc.. ; mais qu'il y a aussi plusieurs révolutions
simultanées dans l'espace, dont la convergence fait la Révolution.
Georges Lefebvre avait montré, il y a longtemps déjà, l'originalité
durable du mouvement paysan dans la révolution bourgeoise. Il avait
aperçu aussi, en poursuivant un chemin ouvert par Mathiez et sa « vie
chère », la spécificité d'un autre courant politique : celui du petit peuple
urbain, animateur des campagnes taxatrices et terroristes, fanatique du
maximum et de la guillotine. Mais nous le connaissions mal : c'est cette
immense lacune que comble la thèse d'A. Soboul1.
Un courant politique, qu'est-ce à dire ? Et où le saisir ? C'est d'abord»
bien naturellement, un objet d'histoire politique, qui permet de mesurer
les limites d'un camp, son poids réel dans la lutte : les lumières de l'his
toire dite événementielle sont donc indispensables, mais d'une histoire
déjà renouvelée parce que faite au travers d'un prisme original. Car
ce mouvement sans-culotte — puisque c'est le moins mauvais mot —
n'est pas seulement autonome ; il est en contestation permanente, jus
qu'au printemps 1794, avec les groupes qui dirigent la Révolution, les
maîtres de la Convention et des Comités. L'histoire en était à faire. La
voici.
Mais Soboul pose un deuxième problème, qui a valeur générale : Quel
rapport les cadres d'un courant politique entretiennent-ils avec leurs
mandataires ? En termes modernes, quelle est la « base » sur laquelle
s'appuient Jacques Roux ou Variet ? Cette question, trop longtemps
négligée par les historiens de la Révolution, amène l'auteur à une socio
logie du « sans-culottisme » parisien. Son analyse trouve dès lors les dimens
ions d'une histoire globale, qui reste pourtant plus fondée sur le poli
tique et l'idéologique que sur l'économique. Ce n'est pas seulement faute
d'une documentation statistique. C'est aussi qu'il n'y a pas de définition
économique des sans-culottes, au niveau de la production, et selon le
critère marxiste. Chez ces « petits », où se mêlent le salariat et l'artisa
nat, et toutes leurs formes intermédiaires, chez ces ennemis farouches
du despotisme monarchique qui sont en même temps des nostalgiques
du colbertisme économique, ce n'est pas une fraternité de producteurs
qui unit ; c'est un égalitarisme de consommateurs.
1. Albert Soboul, Les sans-culottes parisiens en Van II. Histoire politique et sociale
des sections de Paris, 2 juin 1793-9 thermidor an II, Paris, Clavreuil, 1958, 1035 pages,
bibliographie (1035-1066), appendices et cartes (1066-1104) + index des noms de
personnes et de lieux, 2e éd. 1962.
1099 ANNALES
Dès lors Soboul trouve le plein emploi de sa documentation poli
tique, au delà de l'histoire événementielle, vers l'étude d'un groupe
social défini par une sensibilité : car cette haine exacerbée de l'aristocratie
et des riches en général, cette hantise du complot, cette prière perma
nente à la guillotine pour régler les problèmes politiques, ce culte des
martyrs révolutionnaires, cette déification de la Révolution finissent par
apparaître plus essentiels à la définition des s ans- culottes que l'appar
tenance à une couche sociale impossible à cerner. Faut-il y voir simple
ment la rançon d'une pauvreté irrémédiable en documents statistiques ?
ou au contraire, sur un autre plan, l'infléchissement inévitable d'une
problématique marxiste, dès lors qu'il s'agit de groupes sociaux pré
capitalistes ? Toujours est-il que l'importante thèse de Soboul pose à
l'historien des sociétés urbaines pré-industrielles une question de méthode
qui est fondamentale : les articles qui suivent de Claude Mazauric et de
Louis Bergeron permettront d'en prendre la mesure.
François Furet,
École des Hautes Études.
Dans l'étude de la Révolution de 1789, il a fallu attendre Albert
Mathiez x pour que les historiens français se préoccupent avec sérénité de
l'attitude des masses populaires et de leur situation sociale. Mais, chez
Mathiez lui-même, le point de vue restait encore trop étroitement politique :
qu'elle fût analysée avec sympathie ou au contraire avec hostilité, la
participation populaire aux « journées » révolutionnaires, plus généra
lement l'intervention populaire dans le cycle de l'histoire, de 1788 à 1795,
n'était encore appréciée que d'un point de vue purement qualitatif.
L'histoire de ceux qu'on appelle, à partir de 1791, le

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