Les services informels entre ménages : une dimension méconnue du bénévolat
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Le bénévolat informel est un comportement mal connu et peu reconnu en France. Il est constitué de l 'ensemble des services non rémunérés rendus hors du foyer et en dehors de tout cadre organisé. L'enquête Insee de 1998-1999 sur les emplois du temps permet d'en appréhender un aspect important, celui des services rendus pour d 'autres ménages, qu'ils soient apparentés ou non. Près d 'un Français sur deux a réalisé de tels services informels dans les quatre semaines qui précédaient l'enquête, avec toutefois des fréquences très variables. Les profils des participants sont assez nettement distincts selon les types de services réalisés, mais aussi selon que les bénéficiaires des aides appartiennent au réseau familial ou non. Les contraintes que font peser les autres temps sociaux, particulièrement ceux consacrés à l 'activité professionnelle et aux tâches domestiques, ne sont pas sans effet sur ce comportement bénévole, mais leur influence n'est ni mécanique, ni univoque. Recevoir une aide de tiers prédispose à en apporter soi-même à autrui. Le bénévolat informel s'inscrit donc dans le cadre de l'entretien de réseaux de réciprocité. Parce qu'il est aussi un moyen de tisser et d 'entretenir des contacts interpersonnels, il répond également à des motivations d 'ordre relationnel.

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Langue Français

Extrait

SOCIÉTÉ
Les services informels
entre ménages :
une dimension méconnue
du bénévolat
Lionel Prouteau et François-Charles Wolff*
Le bénévolat informel est un comportement mal connu et peu reconnu en France. Il est
constitué de l’ensemble des services non rémunérés rendus hors du foyer et en dehors de
tout cadre organisé. L’enquête Insee de 1998-1999 sur les emplois du temps permet d’en
appréhender un aspect important, celui des services rendus pour d’autres ménages, qu’ils
soient apparentés ou non. Près d’un Français sur deux a réalisé de tels services informels
dans les quatre semaines qui précédaient l’enquête, avec toutefois des fréquences très
variables.
Les profils des participants sont assez nettement distincts selon les types de services
réalisés, mais aussi selon que les bénéficiaires des aides appartiennent au réseau familial
ou non. Les contraintes que font peser les autres temps sociaux, particulièrement ceux
consacrés à l’activité professionnelle et aux tâches domestiques, ne sont pas sans effet
sur ce comportement bénévole, mais leur influence n’est ni mécanique, ni univoque.
Recevoir une aide de tiers prédispose à en apporter soi-même à autrui. Le bénévolat
informel s’inscrit donc dans le cadre de l’entretien de réseaux de réciprocité. Parce qu’il
est aussi un moyen de tisser et d’entretenir des contacts interpersonnels, il répond
également à des motivations d’ordre relationnel.
* Lionel Prouteau appartient au LEN-CEBS de la Faculté des sciences économiques de l’Université de Nantes.
François-Charles Wolff appartient au LEN-CEBS de la Faculté des sciences économiques de l’Université de Nantes, à
la Direction des recherches de la Cnav et à l’Ined.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 368, 2003 3es difficultés récurrentes que connaît l’État difficultés de mobilité. Il peut s’agir aussi
providence conduisent à repenser l’articu- d’aides directement apportées à la communauté.L
lation de l’action des pouvoirs publics avec Ainsi, dans une agglomération de montagne, le
celle des réseaux d’aides privées qui s’expri- déneigement d’une rue ou d’un trottoir, effectué
ment dans le cadre de la famille, bien sûr, mais spontanément et éventuellement par alternance,
aussi dans celui du voisinage ainsi que par le est un service rendu à tous les résidents du voi-
biais des associations. Une telle situation incite sinage (y compris celui qui réalise l’activité) et
à mieux connaître ces solidarités de proximité non à un ménage précis. Les actions réalisées à
pour en comprendre les dynamiques, en appré- titre individuel visant la protection de l’environ-
hender l’ampleur mais aussi les limites. À ce nement (évacuer les détritus sur une plage) peu-
titre, le comportement bénévole requiert évi- vent également être évoquées au registre de ces
demment une attention spécifique. Mais en ce services à la collectivité. (1)
qui le concerne, l’investigation empirique n’est
pas chose aussi aisée qu’on pourrait le penser de Négliger le bénévolat informel présente l’incon-
prime abord. En effet, qu’est-ce qu’être vénient d’introduire un biais dans les comparai-
bénévole ? La réponse à cette question ne va pas sons internationales en matière de comporte-
de soi. Les représentations du bénévolat sont ment bénévole. Ce risque existe plus nettement
marquées du sceau de l’hétérogénéité : elles lorsque l’exercice est mené entre pays ayant des
portent l’empreinte des idiosyncrasies nationa- niveaux de développement très différents, puis-
les, des appartenances sociales et culturelles, que l’importance relative de la participation
des affiliations idéologiques. Les difficultés de informelle tend à être d’autant plus grande que
repérage qu’engendre cette variabilité des per- le pays est économiquement moins développé
ceptions spontanées pourraient être atténuées (Davis Smith, 1999). Mais même dans un cadre
par l’effort des chercheurs en sciences sociales a priori moins hétérogène, ignorer ces services
pour dégager une définition commune de ce informels peut avoir des conséquences fâcheu-
comportement. Mais à ce niveau également, ses. Reed et Selbee (2000) soulignent ainsi,
c’est la diversité qui prévaut. s’agissant du Canada, que les types de contribu-
tion diffèrent d’une région à l’autre. Ils consta-
Cnaan, Handy et Wadsworth (1996), à partir de tent notamment qu’au Québec, les individus ont
l’analyse de plusieurs définitions tirées d’études une plus forte tendance à rendre service de
américaines, distinguent quatre dimensions manière informelle, mais affichent moins
constitutives de cette hétérogénéité. L’une d’attrait pour le bénévolat encadré. Ne retenir
d’entre elles paraît plus particulièrement inté- que ce dernier entraîne donc une sous-estima-
ressante lorsqu’il s’agit d’éclairer l’importance tion de l’inclination des habitants de la « Belle
prise par les activités bénévoles en France (1). Province » à donner de leur temps. Notant que
Elle concerne le contexte dans lequel les per- les différences régionales se trouvent être subs-
sonnes agissent. Pour les uns, le bénévolat doit tantiellement atténuées si sont agrégés les béné-
être circonscrit aux activités volontaires et non volats formel et informel, ces auteurs concluent
rémunérées qui se déroulent au sein d’une orga- que l’étude des contributions volontaires ne
nisation. Pour d’autres, son champ doit être peut être réalisée « de façon appropriée que par
étendu à ce que les Anglo-Saxons appellent des mesures du bénévolat et de l’aide encadrés
informal volunteering, c’est-à-dire le bénévolat et informels, chacun de ces éléments n’étant pas
informel, que Blanchet (1990, p. 8) appelle éga- suffisant en soi » (Reed et Selbee, p. 8).
lement « bénévolat spontané » et que les Cana-
diens francophones nomment parfois « bénévo-
Bien que l’inscription de ces activités informel-lat non encadré » (Duchesne, 1989).
les dans le champ de la participation bénévole
ne fasse nulle part consensus, elle paraît soule-
Une partie du bénévolat est réalisée ver en France plus de réticences qu’ailleurs.
L’image prévalente du bénévolat y est sujette àen dehors des associations
une double restriction : il n’est d’engagement
bénévole que dans le cadre d’organisations, etPar bénévolat informel, il faut entendre les dons
celles-ci sont généralement réduites aux seulesde temps réalisés à l’extérieur de la sphère
associations. Simonet (1998, p. 58) traduit biendomestique et en dehors de toute appartenance
organisationnelle. Le champ de ces aides paraît
assez vaste. Y sont inclus les services qui sont
1. Les trois autres dimensions sont relatives au caractère volon-rendus à d’autres ménages comme par exemple
taire de l’acte, à l’existence et à la nature d’un éventuel retour et,
faire les courses pour son voisin âgé qui a des enfin, à la nature des bénéficiaires de l’activité bénévole.
4 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 368, 2003ce réductionnisme lorsqu’elle souligne que dans Bénévolat informel et services à la famille :
notre pays « il y a […] une adéquation entre la des contours à préciser
pratique et la structure au sens où nous ne trou-
vons pas d’associations sans bénévoles et peu
Appréhender l’ampleur du bénévolat informelde bénévolat en dehors de la structure
suppose cependant qu’en soient précisées lesassociative ». Dans la définition qu’il avançait
frontières. Le bénévolat est une activité nonen 1974, le Centre d’études et d’information sur
contrainte,

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