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L'enquête auprès des personnes fréquentant les services d'hébergement ou les distributions de repas chauds se concluait par une question au contenu volontairement très vague afin de laisser s'exprimer librement une population qui a rarement la parole. La moitié d'entre eux a saisi cette opportunité pour des raisons très diverses et leurs réponses sont, dans leur ensemble, très hétérogènes, tant pour les thèmes abordés que pour la manière de les formuler. Ainsi, un cinquième d'entre eux parle de l'enquête, généralement pour noter sa qualité mais aussi pour critiquer sa longueur ou la redondance de certaines questions et poser la question de son utilité. Un tiers des enquêtés s'attarde sur leurs difficultés à trouver un logement ou un travail voire les deux, dénonçant le cercle vicieux dans lequel ils sont pris : il faut un travail pour avoir un logement et réciproquement. Un cinquième a profité de cet espace pour s'exprimer sur les lieux d'hébergement soit pour les juger de façon positive dans un processus de réinsertion, soit pour critiquer les conditions de vie qui y règnent. Un individu sur dix s'est exprimé sur les services d'aides plutôt pour les critiquer de façon générale ou en dénonçant directement leurs interlocuteurs comme les assistantes sociales alors que huit enquêtés sur dix se déclarent satisfaits des contacts qu'ils ont eus avec les différents services dans les autres questions de l'enquête. D'autres thèmes sont abordés, mais dans des proportions plus faibles, comme la famille, que ce soit les ascendants et les relations conflictuelles ou la famille nucléaire et la difficulté de la préserver dans ces circonstances, la lourdeur des démarches administratives, la rue ou l'avenir. En filigrane, ces discours, s'ils ouvrent de nouvelles pistes afin d'améliorer les questionnaires à leur adresse, dressent aussi le constat des problèmes persistants pour les sans-papiers, les couples et les familles ainsi que les jeunes.

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Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

PAUVRETÉ
Les usagers ont-ils quelque chose
à ajouter ?
Gaël de Peretti*
L’enquête auprès des personnes fréquentant les services d’hébergement ou les distri-
butions de repas chauds se concluait par une question au contenu volontairement très
vague afi n de laisser s’exprimer librement une population qui a rarement la parole. La
moitié d’entre eux a saisi cette opportunité pour des raisons très diverses et leurs répon-
ses sont, dans leur ensemble, très hétérogènes, tant par les thèmes abordés que pour la
manière de les formuler.
Ainsi, un cinquième d’entre eux parle de l’enquête, généralement pour noter sa qualité
mais aussi pour critiquer sa longueur ou la redondance de certaines questions et poser
la question de son utilité. Un tiers des enquêtés s’attarde sur leurs diffi cultés à trouver
un logement ou un travail voire les deux, dénonçant le cercle vicieux dans lequel ils
sont pris : il faut un travail pour avoir un logement et réciproquement. Un cinquième a
profi té de cet espace pour s’exprimer sur les lieux d’hébergement soit pour les juger de
façon positive dans un processus de réinsertion, soit pour critiquer les conditions de vie
qui y règnent. Un individu sur dix s’est exprimé sur les services d’aides plutôt pour les
critiquer de façon générale ou en dénonçant directement leurs interlocuteurs comme les
assistantes sociales alors que huit enquêtés sur dix se déclarent satisfaits des contacts
qu’ils ont eus avec les différents services dans les autres questions de l’enquête. D’autres
thèmes sont abordés, mais dans des proportions plus faibles, comme la famille, que ce
soit les ascendants et les relations confl ictuelles ou la famille nucléaire et la diffi culté de
la préserver dans ces circonstances, la lourdeur des démarches administratives, la rue ou
l’avenir.
En fi ligrane, ces discours, s’ils ouvrent de nouvelles pistes afi n d’améliorer les question-
naires à leur adresse, dressent aussi le constat des problèmes persistants pour les sans-
papiers, les couples et les familles ainsi que les jeunes.
* Au moment de la rédaction de cet article, Gaël de Peretti appartenait à la division Conditions de vie des ménages de
l’Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 391-392, 2006 151a légitimité d’une enquête statistique d’une modalité « autre ») ou lorsque l’on n’est L auprès des sans-domicile s’est tout de suite pas sûr d’épuiser les réponses pertinentes avec
posée. Si la réponse fut affi rmative, l’une des une question fermée. Enfi n, et c’est la raison
raisons majeures invoquées était la possibilité qui est à l’origine de celle que nous allons trai-
offerte de « parler de soi, [ce qui] même dans ter, elle est particulièrement performante pour
un cadre structuré, permet d’avoir un regard sur recueillir une information spontanée.
soi, d’échapper quelque peu à la tyrannie du
quotidien et de faire reculer le sentiment d’in- Cette pratique s’est développée récemment en
visibilité sociale » (Firdion et al., 1995, p. 46). particulier pour conclure des questionnaires sur
Or, au-delà d’un dénombrement nécessaire des sujets sensibles. Ainsi, l’enquête ESCAPAD
pour « passer du débat sur les chiffres à d’autres (enquête santé et consommation au cours de
débats » (ibid.), l’enquête devait se focaliser sur l’appel de préparation à la défense), essen-
les processus d’entrée et de maintien dans l’ex- tiellement consacrée à la consommation de
clusion (Cnis, 1996). Cette volonté a conduit les produits psychoactifs, s’achève sur la question
suivante : « Si vous avez des remarques à faire concepteurs d’enquête à multiplier les questions
sur le questionnaire ou le sujet, vous pouvez le rétrospectives pour tenter de cerner au mieux
faire ci-dessous. Si vous n’avez pas souhaité ces processus aussi bien dans les domaines du
répondre à certaines questions, pouvez-vous logement, de l’emploi, de la santé que de la
expliquer pourquoi ? » (Beck et al., 2000). famille. La multiplicité de ces questions était
L’analyse de ces réponses a permis des modi-autant d’occasions pour l’enquêté de se remé-
fi cations du questionnaire mais aussi la prise morer des épisodes possiblement diffi ciles ou
en compte d’un souhait souvent exprimé d’un douloureux. Aussi, afi n de « redonner la main »
aux enquêtés en fi n d’enquête, les concepteurs retour d’informations sur cette enquête (Beck et
ont choisi de la conclure par la question ouverte al., 2005). La question étudiée est très proche de
suivante : « Souhaitez-vous ajouter des infor- celle qui concluait l’enquête sur le devenir des
mations que ce questionnaire n’a pas permis de allocataires du RMI : « Souhaitez-vous ajouter,
recueillir ». Cette question fi nale était volontai- en quelques mots, des informations qui vous
rement très large et offrait à l’enquêté un espace paraissent importantes et que notre entretien n’a
de liberté important ce qui assurait le choix pas permis de recueillir, sur votre situation, ou
vos perspectives par rapport au RMI ou à la sor-d’un thème porteur de « sens » pour ce dernier
tie du RMI ». Cette dernière avait d’ailleurs été et donc une réponse fi able et riche d’informa-
exploitée par Lebart (2000) dans une perspective tion (Brugidou, 2001). A contrario, cette liberté
plutôt méthodologique et l’une des conclusions pouvait nuire aux traitements statistiques dès
de son rapport était de « progressivement pro-lors que les sujets abordés étaient très différents
céder à un traitement statistique des questions (Lallich-Boidin, 2001). Or, les champs étudiés
ouvertes, […] ne serait-ce que pour des ques-dans l’enquête sont nombreux : logement, reve-
tions de validation et de qualité de l’information nus, emploi, formation, santé, relations familia-
de base ».les et amicales, enfance, recours aux aides, etc..
Ainsi, plusieurs choix s’offrent à l’enquêté :
Or, la question ouverte concluant l’enquête compléter ou critiquer l’information recueillie
auprès des personnes fréquentant les services par le questionnaire, parler de problèmes géné-
d’hébergement ou les distributions de repas raux concernant les usagers des services d’aide
chauds (dite Sans-domicile 2001) ne doit évi-aux sans-domicile ou parler de son cas person-
demment pas être traitée hors contexte, d’autant nel.
plus qu’elle s’intègre dans une enquête inédite
sur une population dont on connaissait peu de
Une question très ouverte choses. Les spécifi cités de la population étudiée
dans une enquête inédite doivent être prises en compte dès lors qu’elles
peuvent infl uencer le corpus textuel produit
L’introduction d’une question ouverte a trois et analysé. En effet, le questionnaire constitue
raisons principales (Lebart, 2001). Dans cer- « un enjeu inhabituel pour certaines personnes
tains cas, ces questions peuvent être introduites interrogées, qui sont en situation de dépendance
pour réduire le temps d’interview. En effet, la ou de demande vis-à-vis des institutions et de
collecte de certaines informations peut nécessi- la société en général » (Lebart, 2000, p. 72).
ter plusieurs questions fermées, là où une seule Ainsi, avant d’analyser les réponses, il faut être
question ouverte suffi rait. Ensuite, elle est indis- conscient que tous les individus ne comprennent
pensable lorsque l’on souhaite obtenir des com- pas cette question de la même façon et donc ne
pléments d’information (« pourquoi » ou détail répondent pas réellement à la même question.
152 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 391-392, 2006« Supposer que la même question a le même quêteur (Dubéchot et Legros, 1993). En effet,
sens pour des sujets sociaux séparés par les dif- les taux de réponse obtenus par les 315 enquê-
férences de culture associées aux appartenances teurs sont très différe

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