Les usages du temps : cumuls d activités et rythmes de vie
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les usages du temps : cumuls d'activités et rythmes de vie

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Avoir des ressources culturelles élevées et habiter dans des grandes villes favorisent un cumul d'activités. Les hommes et les femmes les mieux dotés cumulent ainsi les activités professionnelles, sportives, culturelles et associatives en réduisant le temps consacré aux activités dites « passives » (sommeil et télévision). À l'inverse, les moins bien dotés culturellement, les inactifs et les ruraux ont des activités moins variées. Ils tendent, en particulier, à accroître le temps consacré aux activités d'intérieur (sommeil, télévision, bricolage pour les hommes, production domestique et tâches ménagères pour les femmes) et à restreindre le nombre et la durée des activités extérieures (sorties culturelles, sport, visites à des amis, etc.). Ces différences entre ceux qui cumulent les activités et sont tournés vers l'extérieur et ceux qui en ont moins et sont centrés sur la maison se retrouvent dans les couples. Un double effet d'homogamie des modes de vie et de socialisation conjugale différencie les couples de « gros travailleurs » de ceux qui sont plus investis dans les loisirs, intérieurs (notamment la télévision) ou extérieurs. La division sexuée du travail, professionnel et domestique, et des activités intérieures et extérieures perdure toutefois : dans les couples, hommes et femmes se ressemblent dans leur usage des temps sauf dans un domaine, celui du travail domestique : l'asymétrie entre homme et femme reste ici la règle même si elle est atténuée dans les couples, aujourd'hui les plus nombreux, où les deux conjoints travaillent.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 46
Langue Français

Extrait


EMPLOI DU TEMPS
Les usages du temps :
cumuls d’activités
et rythmes de vie
Alain Degenne, Marie-Odile Lebeaux et Catherine Marry*
Avoir des ressources culturelles élevées et habiter dans des grandes villes favorisent un
cumul d’activités. Les hommes et les femmes les mieux dotés cumulent ainsi les activités
professionnelles, sportives, culturelles et associatives en réduisant le temps consacré aux
activités dites « passives » (sommeil et télévision). À l’inverse, les moins bien dotés
culturellement, les inactifs et les ruraux ont des activités moins variées. Ils tendent, en
particulier, à accroître le temps consacré aux activités d’intérieur (sommeil, télévision,
bricolage pour les hommes, production domestique et tâches ménagères pour les
femmes) et à restreindre le nombre et la durée des activités extérieures (sorties
culturelles, sport, visites à des amis, etc.).
Ces différences entre ceux qui cumulent les activités et sont tournés vers l’extérieur et
ceux qui en ont moins et sont centrés sur la maison se retrouvent dans les couples. Un
double effet d’homogamie des modes de vie et de socialisation conjugale différencie les
couples de « gros travailleurs » de ceux qui sont plus investis dans les loisirs, intérieurs
(notamment la télévision) ou extérieurs. La division sexuée du travail, professionnel et
domestique, et des activités intérieures et extérieures perdure toutefois : dans les
couples, hommes et femmes se ressemblent dans leur usage des temps sauf dans un
domaine, celui du travail domestique : l’asymétrie entre homme et femme reste ici la
règle même si elle est atténuée dans les couples, aujourd’hui les plus nombreux, où les
deux conjoints travaillent.
* Alain Degenne, Marie-Odile Lebeaux et Catherine Marry appartiennent au Lasmas CNRS.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 352-353, 2002 81
u-delà de la comparaison des temps que utilisé comme indicateur de socialisation. Il est
chaque individu consacre à ses différentes cependant difficile de faire la part entreA
activités, se pose aussi celle des rythmes ou de l’influence du milieu d’appartenance, postulée
la pratique plus ou moins intensive des différen- ici, et celle du milieu d’origine.
tes activités de la vie quotidienne. Dans une
journée, tout le monde dispose de 24 heures, un
Des comportements influencés arbitrage s’impose donc. D’autres ressources
par le milieu socialque le temps interviennent également. Ceux qui
ont plus de ressources financières ont, par
Dans un article récent, Gronau et Hamermeshexemple, plus de possibilités de voyager ou
(2001) développent un modèle d’utilisation dud’aller à des spectacles coûteux. Le niveau
temps en termes de maximisation d’une fonc-d’instruction influence aussi la nature des acti-
tion d’utilité. Ils considèrent que chaque activitévités. La production domestique ne permet pas
apporte une certaine satisfaction à celui qui laaux plus démunis, comme on aurait pu le pen-
pratique. Mais si chaque activité a une certaineser, de compenser leurs faibles ressources. Elle
utilité, elle a également un coût en temps et enprofite surtout aux couches moyennes éduquées
efforts, voire en argent. L’individu composeà qui elle permet d’améliorer leur consomma-
donc sa journée ou sa semaine en maximisanttion et leur niveau de vie (Degenne, Grimler,
l’utilité globale de son temps et de son argent.Lebeaux et Lemel, 1997). Il y a à cela des rai-
sons économiques : produire soi-même néces-
Ces auteurs montrent qu’un niveau d’instructionsite un minimum d’équipement et dans certains
élevé rend les personnes plus efficaces dansdomaines comme la couture, la décoration, la
leurs activités et que cette efficacité leur permetcuisine, il revient moins cher de trouver sur le
même d’en avoir plus en diminuant aussi le coûtmarché des produits bas de gamme que de les
de démarrage des activités. Ils observent égale-produire soi-même. Mais une autre hypothèse
ment que, dans différents pays (Australie, Israël,peut être avancée : celle d’une influence cultu-
Pays-Bas, États-Unis), le niveau d’éducation estrelle différenciée suivant le milieu social. Les
corrélé avec une plus grande variété des activi-individus se conformeraient dans leurs usages
tés. En ajoutant un gain d’utilité, l’instructiondu temps à ce qui se pratique dans leur milieu
augmente le nombre des activités pratiquées.d’appartenance. Certes, la limitation des res-
sources joue un rôle, mais des individus qui
appartiennent au même milieu social vont avoir Toutefois, une hypothèse forte sous-tend leur
tendance à se comporter de manière semblable. modèle : une plus grande variété implique une
La pression sociale du milieu entraîne une cer- plus forte utilité. Ce présupposé ne va pas de soi.
taine conformité de comportement. Les con- Ici on suppose plus simplement que les modes
traintes temporelles liées au milieu de travail – de vie des différents groupes sociaux fonction-
l’exercice d’un travail indépendant ou dans le nent comme des cultures qui influencent large-
secteur privé plutôt que dans le public par exem- ment les comportements des individus qui y
ple – influent aussi sur les arbitrages des indivi- appartiennent. Une hypothèse de conformité des
dus et des couples en termes de rythmes et comportements dans le couple est également
d’activités. Cette approche comportementale faite. En effet, deux personnes qui vivent
complète utilement une analyse purement éco- ensemble appartiennent, en général, à la même
nomique de l’usage du temps. couche sociale, participent de la même culture
et adoptent vraisemblablement des comporte-
ments semblables.
Le cumul des activités
Une hypothèse de cumulativité des activitésdes individus
Ce sont toujours les mêmes que l’on voit courir,
ans cet article, on prend en compte, d’une travailler tard, aller au théâtre, conduire lesDpart, le milieu social d’origine car le cadre enfants à de multiples activités éducatives, voya-
de vie dans lequel les personnes sont élevées ger, etc. Comment trouvent-ils le temps de tout
continue d’influencer leurs pratiques, et, d’autre faire ? Dorment-ils moins ? Font-ils les choses
part, le milieu dans lequel elles vivent plus vite ? Est-ce une question d’organisation, de
aujourd’hui. Dans l’enquête Emploi du temps, niveau d’éducation ou de revenus ? On parle ici
en l’absence d’information sur le milieu d’ori- de cumulativité pour désigner un modèle de
gine des enquêtés, le niveau d’instruction est comportement qui consiste à ajouter des activités
82 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 352-353, 2002
nouvelles à celles que l’on a déjà plutôt qu’à tiques et les hommes les tâches professionnelles.
choisir et procéder à une substitution. Au contraire, Delphy (1992) pense que l’homme
exploite son épouse dans l’entreprise
L’enquête Emploi du temps permet de prendre « ménage » dont il est le petit patron. Kaufmann
en compte une grande variété d’activités hors (1994) et de Singly (2000) considèrent que le
travail et, en dehors de celles déjà citées, on ne couple est une scène où se joue au quotidien une
dispose pas d’études synthétiques. Il existe pièce dans laquelle les rôles et les identités se
cependant des travaux qui portent sur certains définissent et se remanient dans les affronte-
domaines de la vie quotidienne comme les ments mais aussi dans le don à l’autre pour tenter
sports, les pratiques culturelles ou les échanges d’être « libres ensemble ». Les deux premières
de sociabilité et qui montrent une tendance à la thèses devraient conduire à observer une spécia-
cumulativité. Concernant la sociabilité un résul- lisation sexuée systématique des conjoints. La
tat bien connu et constamment confirmé est que troisième est plus ouverte et reste compatible
les relations sociales sont cumulatives. Il n’y a avec l’hypothèse d’une influence culturelle du
pas une sociabilité des couches aisées et une milieu social. Elle décrit des tensions au sein de

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents