The Project Gutenberg EBook of Mémoires du duc de Rovigo, pour servir à l'histoire de l'empereur Napoléon, by Duc de Rovigo
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Title: Mémoires du duc de Rovigo, pour servir à l'histoire de l'empereur Napoléon Tome II
Author: Duc de Rovigo
Release Date: March 24, 2007 [EBook #20895]
Language: French
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MÉMOIRES DU DUC DE ROVIGO, POUR SERVIR À L'HISTOIRE
DE L'EMPEREUR NAPOLÉON.
TOME DEUXIÈME.
PARIS,
A. BOSSANGE, RUE CASSETTE, N° 22.
MAME ET DELAUNAY-VALLÉE, RUE GUÉNÉGAUD, N° 25.
1828.
CHAPITRE PREMIER.
Camp de Boulogne.—Discipliné.—Travaux des troupes.—M. de la
Bouillerie.
Pendant que la marine déployait cette activité, l'armée achevait, de se compléter. Les régimens, composés aux deux tiers de
conscrits, quittèrent leurs garnisons et allèrent former des camps d'instruction qui s'étendaient d'Utrecht à l'embouchure de la
Somme. Celui d'Utrecht était commandé par le général Marmont, qui avait été remplacé à l'inspection générale de l'artillerie par le
général Songis. Il s'étendait jusqu'à Flessingue, et avait le n° 2, parce que le corps du Hanovre, qui était alors commandé par le
général Bernadotte, avait pris le n° 1.
Le 3e aux ordres du général Davout, avait son centre à Ostende, et s'étendait jusqu'à Dunkerque inclusivement.
Le général Soult commandait le 4e qui était établi à Boulogne, et s'étendait depuis Gravelines jusqu'à la gauche de Boulogne.
Le 5e, commandé par le général Ney, comprenait Montreuil et Étaples. Il prit plus tard le n° 6, parce qu'on forma un nouveau corps à
Boulogne, auquel on donna le n° 5. Il fut placé sous le commandement du général Lannes, qui revenait du Portugal, où il était
ambassadeur.
Une réserve composée de douze bataillons de grenadiers réunis se rassembla à Arras, sous les ordres du général Junot, qui quitta le
gouvernement de Paris pour prendre le commandement de cette division.
Tous les régimens de dragons qui étaient en France furent réunis en divisions de quatre régimens chacune. Elles furent cantonnées
depuis l'embouchure de l'Escaut jusque sur les bords de l'Oise et ceux de l'Aisne.
Les chasseurs et hussards furent réunis à Saint-Omer et Ardres.Les troupes ainsi réparties, on les occupa, on les disciplina à la manière des Romains. Chaque heure avait son emploi; le soldat ne
quittait le fusil que pour prendre la pioche, et la pioche que pour reprendre le fusil.
Les ponts et chaussées avaient d'immenses travaux à faire. Les troupes les exécutèrent tous. Elles creusèrent le port de Boulogne,
elles construisirent une jetée, jetèrent un pont de hallage, établirent une écluse de chasse; enfin elles ouvrirent un bassin pour
recevoir les bâtimens de la flottille. Elles firent plus: le port de Vimereux était tout entier à créer; le sol où il devait s'ouvrir était élevé
de quinze pieds au-dessus des plus hautes eaux. Elles mirent la main à l'œuvre, et en moins d'un an, elles avaient creusé, revêtu en
maçonnerie un bassin capable de contenir deux cents bâtimens de la flottille. Il avait son écluse de chasse pour le nettoyer, son canal
et ses jetées pour sortir.
À Ambleteuse, il fallut reprendre en entier les travaux qui avaient été ébauchés sous Louis XVI. Le lit de la rivière était tellement
obstrué, que les eaux n'avaient pu s'écouler, et avaient couvert plusieurs milliers d'acres de terre en pleine culture. Cette submersion
avait non seulement réduit une foule de familles à la misère, elle était encore devenue la source de miasmes dangereux qui
obligeaient les habitans des villages voisins de s'éloigner tous les ans à l'époque de la canicule.
On leur rendit d'abord l'écoulement qu'elles avaient perdu; on reprit, on acheva les travaux qui avaient déjà été ébauchés; on
construisit une écluse de chasse. La rivière, en rentrant dans son lit, restitua à la culture les terres qu'elle avait submergées, et au
pays la salubrité qu'elle en avait bannie.
Cela fait, on passa au port d'Ambleteuse. On le creusa, on construisit sa jetée, on éleva son chenal. Tout fut promptement achevé.
Les soldats qui exécutaient ces diverses constructions s'y portaient avec ardeur. Ils étaient payés: le travail avait répandu de l'aisance
parmi eux, ils ne le quittaient que lorsqu'ils y étaient contraints par la marée; ils prenaient alors les armes, et se rendaient à la
manœuvre.
Il en était de même à Boulogne; la troupe passait du travail à l'exercice, de l'exercice au travail. La pioche, le fusil ne sortaient pas de
ses mains. Aussi vit-on s'élever comme par enchantement tous les établissemens maritimes d'un grand port. On forma des magasins,
on assembla des munitions, on réunit des matériaux de toutes espèces. Jamais tête humaine n'embrassa conception aussi vaste, et
surtout n'en fit marcher simultanément les différentes parties avec autant d'activité, d'ensemble et de précision.
On creusait les ports, on construisait les bâtimens, on fondait l'artillerie, on filait les cordages, on taillait les voiles, on confectionnait le
biscuit et on instruisait l'armée tout à la fois. Ces divers soins, semblaient dépasser les forces humaines, et cependant le premier
consul trouvait encore le temps de s'occuper des affaires de France et d'Italie. Ce qu'il déploya d'activité ne peut se comprendre
quand on n'en a pas été témoin. Il avait fait louer près de Boulogne le petit château appelé le Pont-de-Brique, qui se trouve sur la
route de Paris. Il y arrivait d'ordinaire au moment où les corps s'y attendaient le moins, montait aussitôt à cheval, parcourait les
camps, et était déjà rentré à Saint-Cloud, qu'on le croyait encore au milieu des troupes.
J'ai fait plusieurs de ces voyages dans ses voitures. Il partait ordinairement le soir, déjeunait à la maison de poste de Chantilly,
soupait à Abbeville, et arrivait le lendemain de très bonne heure au Pont-de-Brique. Un instant après, il était à cheval, et n'en
descendait le plus souvent qu'à la nuit. Il ne rentrait pas qu'il n'eût vu le dernier soldat, le dernier atelier. Il descendait dans les
bassins, et s'assurait lui-même de la profondeur à laquelle on était parvenu depuis son dernier voyage.
Il ramenait ordinairement pour dîner avec lui, à sept ou huit heures du soir, l'amiral Bruix, le général Soult, l'ingénieur Sganzin, qui
dirigeait les travaux des ponts et chaussées, le général Faultrier, qui commandait le matériel de l'artillerie, enfin l'ordonnateur chargé
des vivres; de sorte qu'avant de se coucher, il savait l'état de ses affaires mieux que s'il avait lu des volumes de rapports.
Les constructions n'étaient pas moins actives dans l'intérieur que sur la côte. Les chaloupes étaient confectionnées, abandonnées au
courant des rivières, et affluaient à Bayonne, à Bordeaux, à Rochefort, à Nantes, dans tous les ports de Bretagne. Elles étaient
gréées, armées, montées même