Mer et terre. Esquisse de géographie politique - article ; n°1 ; vol.4, pg 10-22
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1949 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 10-22
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1949
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Gottmann
Mer et terre. Esquisse de géographie politique
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 4e année, N. 1, 1949. pp. 10-22.
Citer ce document / Cite this document :
Gottmann Jean. Mer et terre. Esquisse de géographie politique. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 4e année, N. 1,
1949. pp. 10-22.
doi : 10.3406/ahess.1949.1685
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1949_num_4_1_1685.
,
MER ET TERRE
ESQUISSE DE GÉOGRAPHIE POLITIQUE
. и
Le rôle de la mer dans l'histoire a fait couler beaucoup d'encre.
D'éminents géographes s'attachèrent, aux environs.de 1900, à le définir
par principe. JEn France, Vidal de la Blache s'y intéressa et Camille Val-
laux consacra à ces problèmes des pages intéressantes1, cependant que
l'Écossais Sir Haif ord Mackinder étudiait la grandeur et les faiblesses de
la puissance britannique, liée à la mer — et qu'en Allemagne Frédéric
Ratzel travaillait dans le même sens2 : la première puissance maritime
d'alors et la grande puissance militaire qui rêvait de domination univers
elle devaient en bonne logique se préoccuper activement de la question.
L'école de la GeopoUtik de Haushofer a repris plus récemment les idées
de Mackinder et de Ratzel pour les mettre au service du grand dessein
hitlérien. Mais ce qui restait encore du monde de 1900 s'est écroulé. avec
la débâcle allemande et l'effondrement japonais. Il est temps de repren
dre le tableau brossé lors des débuts de la géographie moderne et de
refaire le point.
1. Les géographes français ont attaché diane l'ensemble peu d'attention aux
questions maritimes. Pourtant Vidal de la Blache y revint à plusieurs reprises
&oit dans son Tableau Géographique . de ,la France, soit dans les Principes de
Géographie Humaine ; Camille Vallaux acoorda plus d'importance au facteur
maritime dans plusieurs de ses ouvrages et encore dans la Géographie de l'Histoire
qu'il publia en collaboration avec Jean Brunhes. Ce dernier a plusieurs fois com
paré la mer et le désert dans sa Géographie Humaine : le fait que l'homme ne
peut guère s'établir à titre sédentaire ni sur l'une ni dans l'autre, ne saurait .
effacer des différences considérables dîmes avant tout' à la qualité des techniques de
transport ; nous ne disposons encore d'aucune! méthode de traversée du désert qui
soit comparable aux ' avantages présentés depuis longtemps par la navigation
maritime. Un milieu désertique accroît plutôt la continentalité.
a. Sir Halford J. Macundbr a laissé deux ouvrages capitaux : Britain and the Bri
tish Seas (1902) et Democratic Ideals and Reality ; le second! volume, publié d'abord
en 11919, puis réédité à New York en 1943, reprenait dans un chapitre la théorie
ďu « Heartland » présentée d'abord en 1904 devant la Royal Geographical Society
à Londres, dans une communication - intitulée « The Geographical Pivot of His
tory ». Les travaux de Friedrich Ratzel qui concernent la mer sont' sa Politischo
Géographie (1897) et sa brochure Dos Meer als Quelle der Vôlkergrosse (1900). Gee
travaux ont donc précédé ceux die Mackinder qui formula cependant un système
plue original et plus complet sur le problème. Il est probable que tous dieux
lurent influencée par les travaux que les (historiens et stratèges des Amirautés pu
bliaient alors, en particulier par les deux lihrnes de l'amiral américain A. T. Mahan,
The Influence of Sea Power upon History, Í660-Í783 (publié à Boston en Г890) et influence of the French Revolution and Empire, 1793-Í8Í2
(Boston, 189a}. ,
щшт
MER ET TERRE1 11
Simples, claires/ les idées de Mackinder et de Ratzel sont devenues
monnaie courante. Elles, se fondaient sur le fait que les hommes avaient
préféré la voie d'eau à la voie de terre pour effectuer leurs transports
depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours. Un simple coup
«l'œil sur un planisphère montre que l'écrasante majorité des hommes
et des ressources qu'ils utilisent se concentre à la périphérie des conti
nents. L'intérieur des terres massives est moins peuplé, moins exploité,
souvent désert. D'où cette conclusion que la mer était le grand facteur
de richesse, de civilisation, de puissance. Qui possédait la maîtrise des
mers contrôlait les rivages — et donc les régions vitales du monde. En
.géographie politique, Mackinder définissait l'ensemble de continents du
Vieux-Monde comme une île (The Wortd Island) dominée de la mer. L'in
térieur des grandes masses continentales, Heartland, était le domaine de
la pauvreté et de la barbarie. Défendant les intérêts de la nation qui
régnait sur les mers, il ne craignait qu'une possibilité : celle de voir
5 'étendre sur une région maritime une grande nation basée sur l'inté
rieur d'un continent ; la combinaison permettrait à cette Puissance d'at
taquer sur nier les Puissances uniquement maritimes et celles-ci seraient
•continental." incapables, avec leurs forces navales, de -frapper au cœur un organisme
L'Europe orientale apparut ainsi à Mackinder comme le
pivot essentiel de la lutte pour la . prépondérance universelle. Que l'All
emagne établisse sa domination sur les vastes espaces russes ou qu'asser-
vissant l'Allemagne la Russie continentale parvienne aux rives de la Mer
du Nord : le vieux système serait ruiné, ,1a suprématie maritime britan
nique tenue en échec. Ainsfi naquit la phrase célèbre : « Commander à
l'Europe orientale, c'est commander au monde » ; enseignée par
Haushofer à Hitler, on la vit répétée à satiété par la presse américaine,
■après 1941.
Que l'on veuille bien maintenant s'arracher à l'emprise de cette
ébauche brillante, inspirée par la carte politique et économique du temps ,
de Bismarck, et se pencher un instant sur un planisphère plus) moderne,
fût-il vieux de quinze ans. Quelles sont les plus grandes puissances du
monde ? Deux géants, immenses) par leur territoire,/ la masse de leur
population uniformisée, l'ampleur de leurs ressources sur place, l'élan
de leur développement industriel, deux pays continentaux, massifs, acces
sibles par mer aur une partie seulement de leu* périphérie : la plus
grosse concentration industrielle du monde n'est plus dans une région
maritime, mais entre les Appalaches et les Grands Lacs nord-américains,
son centre de gravité ste trouvant à un millier de kilomètres de la mer.
Continentaux par leur position, ces pays le sont encore par leurs concep
tions économiques. L'Europe évalue traditionnellement la richesse et la
force d'un^pays par l'importance de son commerce extérieur ; eux s'inté
ressent avant tout à leur marché intérieur, dont l'immense consommat
ion réduit à la portion congrue le rôle des débouchés d'outre-mer.
Paul Valéry l'avait bien senti en parlant de l'Europe, « petit cap du
continent asiatique »~. Les masses continentales ont pris, de nos jours, ui*
poids qu'on ne leur connaissait plus dans le monde, au moins depuis là
Renaissance. L'essor de la navigation aérienne, qui survole mers et terres
avec une facilité presque égale, la multiplication des routes et des auto- Í2 ANNALES
mobiles sur les continents concourent à remettre en question la prédo
minance des transporte par mer. Un réseau de canaux et de fleuves, dont
la navigabilité a été améliorée, permet à -Moscou, hier encore symbole de
l'isolement continental, de se proclamer « port de cinq mers ». Les pro.
grès techniques ont- créé ainsi des conditions nouvelles :. l'intérieur des
continents ne paraît plus aussi désavantagé par rapport à la périphérie
maritime ; la facilité accrue des communications a brisé les isolements.
Préoccupations stratégiques et considérations commerciales ont pris,
au cours du dernier demi-siècle, des aspects nouveaux. Les régions vitales
des principaux États ont tendance à s'enfoncer dans l'intérieur des terres,
où elles peuvent profiter éventuellement d'une défense en profondeur.
En 194З, Mackinder publiait, dans la revue Foreign Affairs1, u

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