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ED EPIC 485 Les Doctoriales 2008 [publications] L’enjeu du modèle d’intégration engagé en France dans la transmission de la langue d’origine KIM Min-Sung Université Lyon 2 – Institut de psychologie 5, Avenue Pierre Mendès-France - 69676 BRON Cedex min-sung.kim@univ-lyon2.fr ED EPIC 485 Les Doctoriales 2008 [publications] Résumé La langue n’est pas seulement un moyen de communication. Elle est fondamentale dans le cadre de la formation intrapsychique et de la construction de l’intersubjectivité (Cheng, 2002 ; Greenstein, 2003). De cette manière, on considère que la langue d’origine du migrant, tout comme celle du pays d’accueil, constitue un élément essentiel pour l’intégration dans la société nouvelle de façon « intégrative » du sujet. Accompli par des rencontres avec des couples mères-enfants, ce travail tente de démontrer que le fait de transmettre la langue d’origine donne accès à la construction d’une « identité interculturelle » chez les migrants ainsi que chez leurs enfants. Parmi les paramètres repérés dans la transmission de la langue d’origine, nous mettons l’accent sur le modèle d’intégration appliqué aux pays d’accueil. Mots Clés Modèle d’intégration, transmission, langue d’origine, identité interculturelle, immigration 1. Introduction L’objet de cette communication est né d’une réflexion menée sur le rapport entre la langue et l’identité culturelle (Clanet, 1993 ; Vinsonneau, 1989) des personnes qui se trouvent entre deux ou ...

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ED EPIC 485
Les Doctoriales 2008
[publications]
L’enjeu du modèle d’intégration engagé en
France dans la transmission de la langue
d’origine
KIM Min-Sung
Université Lyon 2 – Institut de psychologie
5, Avenue Pierre Mendès-France - 69676 BRON Cedex
min-sung.kim@univ-lyon2.fr
ED EPIC 485
Les Doctoriales 2008
[publications]
Résumé
La langue n’est pas seulement un moyen de communication. Elle est fondamentale dans
le cadre de la formation intrapsychique et de la construction de l’intersubjectivité (Cheng,
2002 ; Greenstein, 2003). De cette manière, on considère que la langue d’origine du
migrant, tout comme celle du pays d’accueil, constitue un élément essentiel pour l’intégration
dans la société nouvelle de façon « intégrative » du sujet. Accompli par des rencontres avec
des couples mères-enfants, ce travail tente de démontrer que le fait de transmettre la langue
d’origine donne accès à la construction d’une « identité interculturelle » chez les migrants
ainsi que chez leurs enfants. Parmi les paramètres repérés dans la transmission de la
langue d’origine, nous mettons l’accent sur le modèle d’intégration appliqué aux pays
d’accueil.
Mots Clés
Modèle d’intégration, transmission, langue d’origine, identité interculturelle, immigration
1. Introduction
L’objet de cette communication est né d’une réflexion menée sur le rapport entre la
langue et l’identité culturelle (Clanet, 1993 ; Vinsonneau, 1989) des personnes qui se
trouvent entre deux ou plusieurs cultures du fait d’un mouvement migratoire. La question de
la langue est primordiale lorsque l’on aborde la question de l’intégration des migrants à la
société d’accueil. La pratique d’une langue offre à ces personnes venues d’ailleurs une
meilleure adaptation à la nouvelle société. Par rapport à cette fonction sociale et
communicationnelle, l’aspect identitaire de la langue, qui comprend un processus à la fois
intrapsychique et intersubjective, n’est pas suffisamment réfléchi ou est souvent mis en
arrière plan. L’objectif premier de cette communication est d’offrir une vision plus large sur le
monde des migrants et leur intégration. Dans cette optique, nous proposons une réflexion
sur le rapport possible entre la politique d’intégration engagée en France qui s’est construite
autour du processus d’assimilation et le questionnement identitaire des migrants par le biais
de la langue. C’est précisément en étudiant la transmission de la langue d’origine que l’on
tentera d’analyser la politique d’intégration ressentie chez les migrants principalement en
France, mais aussi dans une perspective comparative avec le Canada.
2. Construction de la recherche
La présente communication fait partie d’un projet en cours dont les objectifs peuvent être
cernés en trois champs de la psychologie tels qu’ils sont définis d’après Guerraoui et
Troadec (2000).
Le premier est relatif à la psychologie interculturelle. Selon les auteurs cités, c’est le
domaine dans lequel on étudie les processus psychiques des individus qui se réorganisent
aux contacts des cultures différentes (ethniques, nationales, régionales, générationnelles, de
genre, etc) (p.26). L’étude sur des personnes qui se trouvent dans une situation de migration
s’inscrit pleinement dans cette discipline. Les migrants se confrontant à la présence de deux
codes culturels différents et de deux langues différentes vivent dans une quête de leur
identité nouvelle. La présente étude s’intéresse en effet aux processus identitaires des
migrants et cherche plus particulièrement à donner certains éléments de réponses quant à la
problématique des stratégies identitaires notamment en rapport avec les langues pratiquées.
Nous essaierons de comprendre essentiellement les voies par lesquelles des personnes
migrantes peuvent passer afin de s’offrir une nouvelle identité culturelle, celle qui se
positionnerait dans l’ « inter » des cultures.
2.1. Contexte
Certains contextes actuels ont fait naître le soubassement des réflexions de ce travail.
Dans toutes sociétés actuelles, on constate de plus en plus de contacts entre les cultures
du fait de mouvements migratoires. Dans ces rencontres culturelles (ici plus précisément la
rencontre entre la culture d’accueil et la culture d’origine), il existe différents processus
d’intégration non seulement dans le temps, mais aussi dans l’espace. Autrement dit, on peut
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constater différentes étapes dans l’intégration des migrants qui évoluent au fil du temps et
aussi différents processus selon les pays dans lesquels ils s’intègrent.
Parmi ces processus d’intégration, on peut évoquer en premier lieu celui d’acculturation.
En France, la première étape de l’acculturation des migrants est d’abord mise en évidence
par la maitrise de la langue française. A l’intérieur des documents officiels établis pour la
politique de l’immigration et l’intégration, la question de maitriser la langue du pays est
mentionnée de manière récurrente.
Or, le processus d’acculturation demandé aux migrants de façon extrême (ce qui est le
cas pour la France) est fortement lié aux processus d’assimilation et de déculturation. Dans
une étude antérieurement réalisée, nous avons effectivement constaté une tendance à la
déculturation chez certains sujets migrants voulant s’intégrer à la société d’accueil. En effet,
les personnes migrantes sont souvent poussées à négliger, à oublier ou encore à dénier leur
culture et leur langue, même à leur insu.
Il est vrai que le fait de maitriser la langue du pays d’accueil est très important pour la
communication quotidienne, la scolarisation, l’insertion socioprofessionnelle, etc. Nous
n’avons aucune intention de nous opposer à cette réalité. Il faudrait d’ailleurs mettre
davantage de formation en FLE à la disposition des migrants et leur faciliter l’accès aux
institutions concernées. Ceci est une autre problématique importante à part entière à
explorer sur le plan linguistique, socioprofessionnel et politique, que nous ne développerons
pas ici.
Réexaminons l’exigence linguistique pour l’intégration en France. « Pour s’intégrer, il faut
certainement parler la langue du pays ». Il s’agit bien de la maîtrise de la langue du pays
d’accueil. Ce n’est pas la pratique de la langue d’origine au sein de la famille qui est mise en
question. Cependant, bien souvent, parallèlement à l’acquisition de la langue française, la
demande d’écarter la langue d’origine apparait. Cette demande ne vient pas seulement de
l’extérieur de la famille mais aussi de l’intérieur de la famille. Certaines familles migrantes
fortement « motivées » pour apprendre la langue du pays d’accueil, pensent préférable
d’éviter
au
maximum
la
pratique
de
leur
langue
d’origine,
évitement
pouvant
malheureusement conduire à l’abandon.
Des
discours
politiques
montrent
bien
cet
aspect
assimilationniste
voire
«
déculturationniste » et inquiètent les parents migrants quant à l’avenir de leurs enfants. On
se souvient de ce fameux rapport de Benisti qui « prédit » la délinquance des enfants
migrants par le fait de pratiquer la langue d’origine dans la famille, notamment avec leur
mère. Selon ce rapport, l’enfant qui parle la langue d’origine des parents dans la famille a
des risques d’être en échec scolaire et d’avoir des comportements délinquants plus tard.
Quel raccourci ! On apprend néanmoins que ce rapport a été construit sans aucune base
scientifique ni l’avis des spécialistes.
La loi Borloo est aussi un exemple à citer. Etablie dans le but de la cohésion sociale, elle
souligne la maitrise suffisante de la langue française comme condition nécessaire pour
l’intégration à la société française. Qu’appelle-t-on une maîtrise suffisante?
Pareillement, nous pouvons mentionner une documentation du Haut Conseil à
l’Intégration dans laquelle la perte de la transmission de la langue d’origine dans le cadre
intrafamilial est considérée comme preuve de l’intégration. Mais de quelle intégration parle-t-
on ?
C’est ainsi en analysant les contextes d’assimilation français que nous nous sommes
intéressée à la problématique identitaire des populations migrantes. Malgré le fait que la
langue constitue un élément primordial pour l’adaptation des migrants à la société d’accueil,
l’imposition de la langue française par ce genre de politique d’intégration ne favorise pas le
maintien de la langue d’origine chez ces sujets, ce qui ne facilite pas à avoir les repères
identitaires relatifs à leur culture d’origine.
2.2. Problématisation
Ces contextes assimilationnistes ont été relevés dans mon travail de recherche antérieur
dont les résultats sont les suivants. Premièrement, il existe un rapport très étroit entre la
bilingualité (Hamers & Blanc, 1983) et l’identité culturelle chez les jeunes adultes bilingues
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français/coréen. Deuxièmement, la construction d’une identité interculturelle n’est possible
que lorsque le sujet a acquis la bilingualité équilibrée (ibid). Dernièrement, pour acquérir la
bilingualité équilibrée, il est important de mettre en valeur les deux langues et cultures en
présence. Or, pour les personnes chez qui la bilingualité ne se présente pas comme
équilibrée, ce n’est pas la maitrise de la langue du pays d’accueil qui pose problème mais au
contraire, c’est la langue du pays d’origine qui leur est omise. C’est ainsi en constatant la
négligence de la langue d’origine que la question sur la non-transmission de celle-ci m’est
survenue. La langue d’origine (que l’on appelle aussi langue maternelle) n’est pas une
langue comme une autre. Elle est une langue primaire par laquelle les sentiments premiers
et les affects traversent au plus profond degré. C’est une langue à travers laquelle les
individus sont construits. Est-il possible de séparer cette langue du coeur – mais aussi du
corps - de la vie d’un migrant ? Si dans une famille migrante, la langue d’origine ne trouve
pas de place, que devient la relation entre les parents et le bébé, au niveau des affectes et
de la communication. Nous ne parlerons même pas de ceux qui ne maitrisent pas aisément
la langue du pays d’accueil, et qui font les efforts de parler uniquement dans cette langue à
l’enfant. Suffirait-il alors de parfaire son français ? La réponse est « malheureusement »
négative. Car, pour ce qui touche la relation avec l’enfant pendant la période périnatale et la
petite enfance, et notamment entre la mère et l’enfant, la langue d’origine de la mère affecte
ce lien bien plus que n’importe quelle autre langue. Parce que la langue d’origine de la mère
est la langue de son enfance et une langue qui la lie à sa propre mère, celle qui est peut-être
restée dans son pays. Cette langue ne devrait pas porter de nostalgie ou de culpabilité. Une
mère devrait parler tout naturellement à son bébé dans la langue qui lui « parle » le plus,
une langue qui la porte le plus, enfin une langue qui lui permet de devenir une mère. Nous
l’appelons « langue-mère ». Winnicott (1992) l’expliquera avec le terme « mère ordinaire
normalement dévouée ». En effet, l’important est que la mère parle avec son enfant dans la
langue avec laquelle elle se sent le plus à l’aise et qu’elle assume pleinement son choix.
Le problème est là. Pour certaines populations féminines, la langue du pays d’accueil est
préférablement choisie pour parler à son enfant en se souciant du contexte du pays, malgré
leur volonté ou leur envie de transmettre leur langue. Les raisons de la non-transmission
sont diverses : certaines ne trouvent pas l’utilité de parler leur langue d’origine dans le pays
où ils vivent. Il existe aussi la peur d’un éventuel trouble linguistique chez l’enfant en le
mettant dans un contexte bilingue. Elles ne veulent pas que leurs enfants vivent le sentiment
de discrimination qu’elles ont vécu, par rapport à la maitrise de la langue. Si c’est le cas d’un
mariage mixte, le choix de la non-transmission de la langue d’origine de la femme peut être
dû au fait que le mari qui ne maitriserait pas cette langue puisse se sentir potentiellement
exclu de la relation triadique.
Or, le choix d’une langue n’est pas nécessaire. Pourquoi ne pas parler les deux langues
en même temps ? Nous savons maintenant que les spécialistes du bilinguisme peuvent y
argumenter très positivement avec conviction.
Prenons un autre cas de figure. Si la mère parle sans aucun problème d’expression au
niveau affectif, émotionnel et sentimental et si elle assume son choix de ne pas transmettre
sa langue d’origine, cette mère ordinaire peut vivre un dévouement tout à fait « normal ».
En revanche, même dans ce cas, on ne résout pas le questionnement identitaire de
l’enfant qui peut surgir par rapport à l’apparence physique. La recherche sur soi à
l’adolescence est l’affaire de tous mais si l’enfant vit une différence perçue par le corps
apparent, la problématique de l’adolescence peut être doublement complexe. Le corps
exprime la différence mais l’enfant ne parle pas la langue différente. D’où l’importance de
souligner l’aspect corporel dans la rencontre avec autrui. C’est d’abord le regard sur l’aspect
physique qu’une identité de chacun est assignée par autrui, même si cette identité n’est pas
assumée par soi. On voit d’ailleurs souvent qu’à ce moment-là, nombreux adolescents
souhaitent apprendre ou réapprendre la langue d’origine des parents.
Dans tous les cas, l’absence de la langue d’origine celle d’un ou des parents (surtout si
c’est celle de la mère) devrait manifester des conséquences sur le plan psychique de
l’enfant. Sans vraiment parler d’une pathologie psychologique ou d’une souffrance
psychique, il est possible que les enfants possèdent des questionnements profonds sur leur
identité culturelle qui peuvent les mettre dans un mal-être à un moment ou un autre de leur
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vie, et notamment autour de l’adolescence. En effet, ne serait-il pas intéressant de
considérer la problématique langagière pour comprendre certaines difficultés des
adolescents ? A notre avis, il est fortement possible de trouver l’origine du malaise identitaire
par l’absence d’une langue.
Alors si la langue-mère n’est pas transmise de façon assumée de la part de la mère,
quelles conséquences peut-on observer chez les enfants ? Et les mères ne sentiraient-elles
pas un manque ou une absence d’appui ou encore un sentiment de culpabilité ?
3. Etude de cas
3.1. Hypothèses
Afin de connaître ce que vivent les enfants et les mères par la non-transmission de la
langue-mère, nous avons décidé de rencontrer des sujets sur le terrain avec les hypothèses
suivantes : 1) la non-transmission de la langue-mère constitue un signe de carence
psychique chez l’enfant. 2) Le fait de ne pas transmettre la langue-mère à l’enfant provoque
chez la mère un sentiment de culpabilité ou de manque.
3.2. Méthodologie
Trois femmes coréennes devenues mères en France ainsi que leurs enfants dont l’âge
se situe entre 11 et 13 ans ont été rencontrés.
Nous avons utilisé deux méthodes différentes pour les enfants. Il s’agit d’abord du dessin
d’une personne qui est une méthode projective (Anzieu & Chabert, 1961), ensuite de la
méthode « Qui suis-je ? » (L’Ecuyer, 1994). Dans un premier temps, l’enfant dessine la
personne qu’il voudra, mais qui sera projeté normalement comme l’enfant lui-même (Kaës,
1984 ; Roussillon, 1997). Le dessin est analysé plus tard par sa forme et son contenu. Après
avoir dessiné une personne, on lui pose une série de questions sur son dessin qui révèle
l’identité et la personnalité de la personne. Ainsi, l’analyse de contenu et l’analyse formelle
du dessin permettent de connaître l’état psychologique général de l’enfant, l’estime de soi et
la stabilité. Une fois terminé avec le questionnaire sur le dessin, on demande à l’enfant
d’écrire des réponses à la question « qui suis-je ? » en coréen et en français, si c’était
possible. La langue coréenne a été demandée premièrement pour connaître leur
compétence linguistique à l’écrit en coréen et deuxièmement pour observer les différences
des réponses selon la langue pratiquée. A partir des réponses données, il nous était
possible de catégoriser selon le modèle expérientiel-développemental du concept de soi
avec les trois niveaux d’organisation - structures, sous-structures et catégories afin
d’examiner leur stratégie identitaire.
Quant aux mères, nous avons procédé à un entretien non dirigé avec les thèmes
suivants : le projet de l’installation en France, le projet ou non de l’enfant, le vécu et le
sentiment autour de la naissance du premier enfant, le questionnement sur la langue, et sur
la transmission de la langue maternelle, l’angoisse d’un éventuel trouble du langage de
l’enfant en transmettant la langue d’origine, le sentiment de culpabilité par rapport à la non-
transmission de la culture et la langue d’origine, la relation et la communication entre les
enfants.
3.3. Analyses des résultats et interprétation
Les analyses formelles et les analyses de contenu montrent que les dessins des enfants
qui ne parlent pas la langue-mère ont une faible estime et une instabilité de soi. En
revanche, le dessin réalisé par une fille parlant les deux langues a montré une stabilité
relative et une conception de soi plus large et plus flexible que d’autres personnes.
A la question « qui suis-je ? », les réponses des enfants ne parlant pas la langue-mère se
limitent souvent au soi matériel et au soi personnel. Les enfants que nous avons rencontrés
ne présentent pas de troubles psychologiques spécifiques. En revanche, l’absence de la
langue-mère amène ces enfants à la recherche de leur origine, qui peut leur faire éprouver
le sentiment de non-appartenance ou le malaise identitaire. Pour l’enfant qui parle la langue-
mère, c’est plutôt le soi adaptatif qui est mis en évidence. Ainsi, le cas de la transmission de
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la langue-mère témoigne la possibilité de se concevoir un Moi interculturel (Derivois, Kim &
Issartel, 2007).
En ce qui concerne les mères, il est effectivement possible de repérer le sentiment de
culpabilité chez celles qui n’ont pas transmis leur langue d’origine à l’enfant. Comme les
enfants, les mères sont également affectées par la non-transmission de cette langue. Elles
regrettent de ne pas l’avoir transmise à leurs enfants et espèrent leur faire acquérir celle-ci à
un moment de leur vie.
En revanche, celle qui a transmis sa langue d’origine à sa fille éprouve la fierté de ses
efforts pour la transmission. Selon elle, il est important de transmettre la langue d’origine à
ses enfants parce qu’elle transmet une partie d’elle à travers la langue. Pourtant il n’est pas
toujours facile de la pratiquer avec les enfants surtout quand ils commencent à avoir des
relations avec des paires. Elle pense qu’il ne faut pas se décourager mais continuer à faire
des efforts pour que l’enfant n’oublie pas son origine et son identité multiple.
A présent, une question essentielle se pose pour comprendre les mères qui n’ont pas
transmis la langue d’origine malgré leur volonté : quelles sont les raisons déterminantes de
la non-transmission ? Est-ce vraiment une question de motivation ? Ou d’inutilité ?
3.4. Paramètres favorisant la transmission
Dans les entretiens avec les mères, plusieurs paramètres jouant de manière favorable ou
non pour la transmission de la langue d’origine ont été saisis. Sur le plan individuel, nous
avons repéré des facteurs tels que la motivation personnelle, le rôle du père, l’avis des
spécialistes, la relation que la mère entretient avec sa propre mère et le contact avec la
communauté, etc. En parallèle à ces paramètres individuels, il existe aussi des facteurs
d’ordre groupal comme le nombre des sujets transplantés, l’intérêt des indigènes, le rapport
à la domination des deux cultures en contact, l’histoire de l’immigration, le degré
d’assimilation demandé par le pays d’accueil, etc.
C’est donc sur le dernier facteur que notre recherche doctorale va pendre son ampleur.
Dans la recherche présentée, le cas de la France en tant que pays d’accueil reflète
seulement le modèle assimilationniste. Selon les modèles d’intégration, les migrants
vivraient-ils les différences quant à la transmission de la langue d’origine ? Le modèle
canadien, par exemple, qui se veut « pluraliste » et « interculturel » favorise-t-il la
transmission de la langue d’origine ? Ou bien, les migrants sentent-ils toujours une menace
de déculturation ?
4. Projet en cours
4.1. Etude comparative
La région québécoise au Canada est reconnue pour sa revendication de la langue
française (cf. loi 101). Bien que le modèle d’intégration ne soit pas identique entre la France
et le Québec, l’importance de la langue française est constatable dans ces deux sociétés. Il
serait donc intéressant d’observer et de comparer la place de la langue d’origine des
migrants dans des contextes distincts et de connaître les sentiments d’intégration par
rapport aux langues pratiquées.
4.2. Méthodes
Les parents et l’enfant répondent à une série de questions sur la dynamique langagière
dans la famille et avec leur entourage. Concernant le cas du Québec, nous ne nous limitons
pas à la langue française mais nous incluons aussi la langue anglaise fréquemment utilisée.
Les enfants effectuent d’abord une auto-évaluation de leur bilingualité par des
réalisations des scènes avec des poupées en coréen et en français. Ceci nous permettra de
connaître leurs compétences linguistiques en deux langues ainsi que l’aspect culturel des
langues concernées. Ensuite, nous procédons au dessin d’une personne, qui sera présentée
comme projection du soi. Enfin le test « qui suis-je » est prévue de manière non dirigée.
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Avec les parents, un entretien non dirigé est prévu par des thèmes construits autour de la
circonstance migratoire, l’éducation de l’enfant, la pratique des langues, le sentiment
d’intégration, etc.
4.3. Discussion
Lorsque nous avons étudié la langue-mère, ce sont particulièrement aux mères que nous
nous sommes intéressés. Pour cette recherche en cours, le terme « langue-mère » dépasse
la dimension identitaire que nous souhaitons approfondir. Car, lorsque l’on réfléchit sur la
question d’identité qui se construit avec/par le regard d’autrui (Lorreyte, 1985), ce n’est pas
seulement la langue de la mère qui est en question. Mais il s’agit de la langue qui fait surgir
les différences aux enfants des migrants de par leur apparence physique. Un enfant d’une
communauté minoritaire ayant un trait physique distinct est souvent amené au
questionnement sur son origine et sur la langue qu’il pratique… Pour les enfants dits de la
deuxième génération de l’immigration, leur pays de naissance est celui dans lequel ils vivent
et leur langue principalement pratiquée est la langue d’ici. Dans le cas de ces enfants, il
faudrait préciser la langue d’origine comme « la langue d’origine des parents ». Ainsi, c’est
dans l’optique de comprendre cette langue collée à l’image renvoyée par autrui qui engendre
des problématiques identitaires chez les populations migrantes et les enfants de la
deuxième génération, que nous la nommons la « langue-corps ».
Ce terme reflète le fait qu’un sujet construit son identité en interaction avec ce qui
l’entoure et avec l’image que l’autre lui renvoie (Camilleri et al, 1990 ; Chauchat & Durand-
Delvigne, 1999). La langue-corps est une langue parlée par le corps d’un enfant issu d’un ou
des parents migrants dits d’une culture lointaine sans même que l’enfant prononce un mot.
Cela montre que l’assignation d’une identité se joue d’abord par le regard et par le préjugé.
En effet, ce vouloir de se différencier de l’autre que l’on ne connaît pas vient d’une question
beaucoup plus fondamentale que ce qu’il paraît. Ne serait-il pas nécessaire de comprendre
cette problématique d’altérité d’ordre idéologique et épistémologique ? De la même manière,
les modèles d’intégration de certains pays ne devraient-ils pas être compris d’abord à
travers de l’idée d’un « universalisme » qui induit la hiérarchisation des cultures en contact ?
5. References
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Camilleri, C., Kastersztein, J., Lipiansky, E. M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Léonetti., I.,
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L’Ecuyer, R. (1994). Le développement du concept de soi, de l’enfance à la vieillesse.
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Guerraoui, Z., Troadec, B. (2000). Psychologie interculturelle, Paris : Armand Colin.
Hamers, J. & Blanc, M. (1983). Bilingualité et bilinguisme, Bruxelles : Pierre Mardaga.
Kaës, R. (1984). Contes et divans. Médiation du conte dans la vie psychique. Paris : Dunod.
Lorreyte, B. (1985). Identité et altérité, in Interculturel en éducation et en sciences humaines
2, colloque national Toulouse : fol.
ED EPIC 485
Les Doctoriales 2008
[publications]
Roussillon, R. (1997). Activité « Projective » et symbolisation, in P. Roman (sous la dir.),
Projection et symbolisation chez l’enfant, Lyon : PUL.
Vinsonneau, G. (2002). L’identité culturelle, Paris : Armand colin.
Winnicott, D. W. (1992). Le bébé et sa mère, Paris, Editions Payot & Rivages (pour la
traduction française)
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