Notes sur quelques recherches de linguistique - article ; n°1 ; vol.11, pg 457-467
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Description

L'année psychologique - Année 1904 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 457-467
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1904
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

A. Meillet
Notes sur quelques recherches de linguistique
In: L'année psychologique. 1904 vol. 11. pp. 457-467.
Citer ce document / Cite this document :
Meillet A. Notes sur quelques recherches de linguistique. In: L'année psychologique. 1904 vol. 11. pp. 457-467.
doi : 10.3406/psy.1904.3684
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1904_num_11_1_3684VII
NOTE SUR QUELQUES RECHERCHES
DE LINGUISTIQUE
Au cours du xixe siècle, les recherches de linguistique ont pris
de plus en plus le caractère de travaux historiques; on s'est
préoccupé avant tout de marquer en quoi un état donné d'une langue
est la continuation d'un état antérieur de cette même langue, et en
quoi il y a eu innovation. Le véritable programme de la grande
école née de 1870 à 1875, qui domine actuellement toutes les études
linguistiques, est un livre de M. H. Paul intitulé Principes de V his
toire du langage (Principien der Sprachgeschichte), dont Fauteur dit
expressément que la seule manière scientifique de considérer le
langage est la manière historique.
La linguistique a tendu ainsi à se confiner dans l'étude des faits
que présente le développement historique des langues. Peu à peu,
l'ancienne grammaire générale, qui était essentiellement fondée sur
la logique formelle, a été éliminée de toutes les parties de la
science. Les lois posées ont été purement des formules qui définis
saient en quelles conditions tel ou tel élément linguistique a été
transformé ou maintenu dans un lieu donné, durant une période
de temps donnée, c'est-à-dire, en un certain sens au moins, des
lois empiriques comme toutes celles que formule l'histoire pro
prement dite. Il y a eu là un moment nécessaire dans le dévelop
pement de la linguistique : il fallait que la science prît contact avec
les faits, les suivît en tous leurs détours et qu'elle éliminât les
considérations vagues et les théories imaginaires. Et, comme cette
étude historique est loin d'être achevée même pour les langues qui
ont ét4 l'objet des recherches les plus approfondies, il importe
qu'elle soit poursuivie.
Mais une science ne saurait se confiner sans dommage dans un
demi-empirisme tel que la pure recherche historique. Et, au
moment même où le triomphe de l'école née vers 1875 était prat
iquement complet, vers la fin du siècle dernier, de nouvelles ten
dances se sont fait jour, et de plusieurs côtés à la fois. On s'est
efforcé de déterminer les conditions psychiques générales auxquelles
est soumis le langage.
On est allé immédiatement à l'excès en affirmant que la linguis
tique était au fond une partie de la psychologie, et que les lois
psychiques devaient à elles seules fournir l'explication des faits
linguistiques; c'est sur cette idée que reposent notamment
certaines publications américaines récentes : le livre de M. OErtel, 458 REVUES GÉNÉRALES
The scientific study of language, et celui de M. Morris sur la syntaxe
latine, paru dans la même collection que le livre de M. OErtel.
Poser une pareille doctrine, c'est ne pas voir que les faits linguis
tiques tiennent à des causes extrêmement complexes, les unes
anatomiques et physiologiques, les autres psychologiques, d'autres
historiques, et surtout à la structure sociale; il serait aisé de le
montrer; mais ce n'est pas ici le lieu de le faire, et au surplus, il
est trop facile de s'en rendre compte d'une manière générale pour
qu'il soit nécessaire d'y insister longuement.
Mais, si la psychologie ne donne pas la clé de tous les faits
linguistiques, elle contribue du moins beaucoup à les éclaircir, et
l'on travaille activement à poser et à résoudre les problèmes qui se
présentent à cet égard.
Du ccjté des psychologues, l'impulsion principale est venue
de M. Wundt qui, dans le premier volume de sa Völkerpsychologie,
paru en 1900, intitulé Die Sprache (une deuxième édition se publie
actuellement), a appliqué les résultats de la psychologie à la plu
part des problèmes généraux de la linguistique, tandis que
M. 0. Dittrich, l'un de ses élèves, publiait divers articles sur des
questions connexes. Cet ouvrage, et par son importance propre et
à cause du nom de son auteur, a attiré immédiatement l'attention
des linguistes. M. Delbriick y a répondu par une critique courtoise :
Grundfragen der Sprachforschung (Strasbourg, 1901), qui a provoqué
à son tour une réponse de M. Wundt : Sprachgeschichte und Sprach
psychologie (Leipzig, 1901); M. Sütterlin l'a discuté en détail (Das
Wesen der sprachlichen Gebilde, Heidelberg, 1902) ; M. J. Rozwa-
dowski a examiné de près les théories de M. Wundt sur la sémant
ique dans un article développé de la neuvième année de la revue
polonaise Eos (1903) et a proposé une théorie personnelle, toute
différente de celle de l'illustre philosophe allemand, dans un
ouvrage récent : Wortbildung und Wortbedeutung (Heidelberg, 1904);
enfin, dans les Izvêstija de la section de langue et littérature russes
de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, vol. IX, t. II,
p. 177-256, M. Kudrjavskij a publié un article (en russe) intitulé
Psychologie et linguistique, où il examine les vues de M. Wundt. On
le voit, les linguistes ont déjà amplement discuté les idées émises
dans la Sprache, et il est inutile de reprendre ici des discussions
qui, portant sur des problèmes trop vastes et trop généraux, auraient
un caractère plus philosophique que proprement scientifique. Il
importerait maintenant d'examiner dans le détail les questions
soulevées par M. Wundt; c'est ce qu'ont déjà fait quelques-uns des
linguistes de Leipzig : M. Brugmann, dans son étude lieber das Wesen
der sogenannten Wortzusammensetzung. Eine sprach-psychologische
Studie [Berichte d.phil. hist. Cl. d, Sachs. Ges. d. Wiss., 1900, p. 359 et
suiv.), et, plus récemment, M. Hirt dans un article, assez aven
tureux et hypothétique, Ueber den Ursprung der Verbalflexion im
Indogermanischen (Indogermanische Forschungen, XVII, 36 et suiv.).
L'objet du présent travail n'est pas de résumer ni de poursuivre
les discussions que provoque le livre de M. Wundt; bien moins MEILLET. — QUELQUES RECHERCHES DE LINGUISTIQUE 459 A.
encore d'aborder les problèmes posés par les diverses formes
d'aphasies, mais de résumer et d'indiquer un certain nombre de
recherches entreprises et d'idées émises par des linguistes profes
sionnels et qui, tout en paraissant avoir un intérêt pour la connais
sance des faits psychiques, risquent d'échapper en grande partie
aux psychologues. On écartera les recherches de sémantique parce
qu'elles obligeraient à entrer dans des considérations sociologiques
trop étendues. L'énumération qui suit montrera néanmoins que, dès
avant l'apparition du livre de M. Wundt et les polémiques qu'il a
suscitées, plusieurs linguistes avaient envisagé les conditions psy
chiques des faits qu'ils étudient.
I
Le langage articulé et la compréhension du langage articulé émis
par d'autres personnes supposent l'existence en chacun des individus
d'un groupe social donné d'un système très complexe de souvenirs
inconscients, d'habitudes de mouvements et d'associations de ces sou
venirs avec les représentations et les idées. Tout mot entendu ou
lu demeure dans l'esprit de chaque sujet parlant et contribue par
la suite à la formation, au maintien ou à la transformation des sys
tèmes d'associations par le moyen desquels il comprendra les
autres ou formera lui-même des phrases. C'est ce qui a permis à
M. V. Henry de dire, dans ses Antinomies linguistiques (Paris, 1896),
que l'enfant qui apprend à parler a, en un certain sens, plus de
mots que d'idées : à vrai dire, l'enfant a plus de mots obscurément
connus que d'idées claires; mais ses mots et ses représentations
sont presque également obscurs.
Un exemple singulièrement remarquable de la persistance des
impressions linguistiques et du fait qu'elles peuvent être repro
duites a été fourni par l'observation qu'a communiquée M. Flournoy
dans son livre Des hides à la planète Mars et que M. V. Henry a mise
à profit dans une

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