Point de vue sur les recherches françaises en économie du travail - article ; n°1 ; vol.29, pg 120-140
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Revue économique - Année 1978 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 120-140
Dans leur quasi-totalité, les recherches françaises récentes convergent sur un paradigme qui les éloigne assez largement des voies en honneur dans d'autres pays. Les systèmes et mouvements d'emploi — y compris le chômage — y voient en effet leur explication recherchée dans les comportements des entre­prises, qu'ils s'expriment aux niveaux micro ou macroéconomiques : la main-d'œuvre, active ou potentielle, s'y adapte ou y réagit. Dès lors, la théorisation des comportements individuels devient un objet mineur, en même temps que la volonté de « remonter » aux déterminants de la demande de travail conduit à des confrontations, parfois rudes et encore inégales, avec les macroéconomistes. Cette unité de vues frappante entre spécialistes de la discipline apparaît au total favorable à une avancée rapide et ordonnée de la connaissance. Le point de vue développé est étayé par la référence aux travaux récents de plusieurs dizaines d'équipes de recherche.
The point of view developed here is backed up by references to the recent work of several dozen research teams.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Bernard Mériaux
Point de vue sur les recherches françaises en économie du
travail
In: Revue économique. Volume 29, n°1, 1978. pp. 120-140.
Résumé
Dans leur quasi-totalité, les recherches françaises récentes convergent sur un paradigme qui les éloigne assez largement des
voies en honneur dans d'autres pays. Les systèmes et mouvements d'emploi — y compris le chômage — y voient en effet leur
explication recherchée dans les comportements des entre-prises, qu'ils s'expriment aux niveaux micro ou macroéconomiques : la
main-d'œuvre, active ou potentielle, s'y adapte ou y réagit. Dès lors, la théorisation des comportements individuels devient un
objet mineur, en même temps que la volonté de « remonter » aux déterminants de la demande de travail conduit à des
confrontations, parfois rudes et encore inégales, avec les macroéconomistes. Cette unité de vues frappante entre spécialistes de
la discipline apparaît au total favorable à une avancée rapide et ordonnée de la connaissance. Le point de vue développé est
étayé par la référence aux travaux récents de plusieurs dizaines d'équipes de recherche.
Abstract
The point of view developed here is backed up by references to the recent work of several dozen research teams.
Citer ce document / Cite this document :
Mériaux Bernard. Point de vue sur les recherches françaises en économie du travail. In: Revue économique. Volume 29, n°1,
1978. pp. 120-140.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1978_num_29_1_408374DE VUE POINT
SUR LES RECHERCHES FRANÇAISES
EN ÉCONOMIE DU TRAVAIL*
Dans son introduction aux « Recherches en économie du travail » \
Jacques Mairesse rapporte quelle fortune a rencontré, au
cours d'un colloque français d'économistes du travail, l'apo
logue dit des pigeons de la place Saint-Marc. Le marché du travail,
défini comme « un ensemble de travailleurs et de postes sur lesquels
s'applique un système de fonctionnement qui détermine la forme de
l'allocation des uns aux autres » 2, est assimilé dans cet apologue à
l'ensemble des pigeons et des points où sont distribués les grains sur
la place Saint-Marc à Venise. Le fonctionnement du marché est
évidemment représenté par les règles de comportement des pigeons et
de distribution des grains.
Que cette analogie ait rencontré un tel succès peut être instructif
pour qui veut caractériser la recherche française en matière d'économie
de l'emploi3. Tout d'abord, s'agissant de la place généralement recon
nue aux économistes du travail3 : ceux-ci ne sont-ils pas voués à la
* II aurait été très lourd, et peu utile pour les lecteurs, de donner les
références de toutes les recherches achevées ou en cours qui ont nourri les
lignes de cet article. Le parti a donc été pris de renvoyer dans le texte, non à
telle recherche particulière, ^ mais à l'organisme ou aux organismes qui ont
produit sur le terrain évoqué. Ces références sont indiquées par lettres italiques
entre crochets, qui renvoient à l'Annexe en fin d'article.
^ L'auteur prie les chercheurs de bien vouloir excuser les nombreuses omissions
qu'ils n'auront pas manqué, à juste titre, de relever.
1. « Recherches en économie du travail », Annales de VINSEE n° 16-17 1974.
2. Idem., p. 243.
3. Economie de l'emploi ou économie du travail ? Dans le cas français, les
termes nous paraissent — hélas — presque équivalents. Les travaux portant
sur la formation des revenus du travail sont en effet rares, et le plus souvent
déconnectés de l'analyse de l'emploi proprement dit (cf. infra).
120
Revue économique — N° !, janvier 1978. Bernard Mériaux
description et à l'explication de ce qui se passe place Saint-Marc, après
mise à disposition des grains? Pour eux, les variations des quantités
ou des qualités distribuées sont des phénomènes qui relèvent de
quelque Deus ex machina, en l'espèce la boîte noire des modèles;
un genre plus noble d'économistes a pour fonction et pour privilège
de les expliquer. Ces variations sont en tout état de cause des sous-
produits de phénomènes plus amples ; alors, les arrangements qui se
réalisent sur îa place Saint-Marc constituent un très joli sujet d'études
subordonné, dont les spécialistes sont tenus dans la haute estime qui
n'honore pas moins les bons connaisseurs de l'économie médiévale
moluquoise.
H. est patent toutefois que se forment de temps à autre des coali
tions de pigeons qui refusent d'attendre patiemment l'heure de la dis
tribution, voire prétendent s'en approprier le contrôle. Savoir pourquoi
et comment se forment de telles coalitions perturbatrices devient alors
un objectif reconnu ; la sociologie des pigeons acquiert droit de cité :
ce n'est pas pour autant qu'elle est intégrée dans l'analyse économique.
En tout état de cause, l'observation minutieuse des mouvements
doit précéder ou accompagner la saisie des règles de comportement
auxquelles s'intéressent les spécialistes en question. Comme les acteurs
et les mouvements sont très nombreux, leur observation est onéreuse ;
s'agissant d'un domaine après tout secondaire, saisie des données et
recherche vont au même pas anémié.
Mais les spécialistes se révoltent. Si les règles de répartition des
grains ne les regardent qu'au niveau d'arrangements du second ordre,
ils n'ont plus que le comportement des pigeons à observer et inter
préter. Mais comment pourraient-ils croire alors — sauf myopie de
spécialiste — que c'est ce comportement qui permettra d'expliquer
l'état de santé de la gent ailée ou son développement quantitatif?
Certes, quelques pigeons se laissent apprivoiser et s'assurent ainsi des
ressources permanentes de grains ; d'autres, moins chanceux ou moins
avisés, doivent voleter sans répit pour s'assurer une maigre pitance,
et connaissent des périodes de famine. Mais, à nouveau, qui distribue
les grains, et en fonction de quel critère ?
Caricature, certes, mais peut-être évocatrice de la situation connue
jusqu'à la fin des années soixante. Alors que, dans le domaine de
l'emploi plus encore que dans d'autres, les progrès de la saisie stati
stique et la meilleure compréhension des phénomènes vont de pair
— l'une alimentant les autres et inversement — les moyens affectés
121 Revue économique
étaient dans leur ensemble dérisoires 4. Cette faiblesse était cohérente
avec le statut subordonné assigné à la discipline. Certes la sociologie
du travail prenait une place grandissante et reconnue ; niais l'économie
de l'emploi stricto sensu souffrait peut-être plus de l'ombre portée
qu'elle ne profitait des retombées de l'intérêt porté à cette discipline.
Surtout sans doute, la déconnection entre les préoccupations des macro
économistes et celles des économistes du travail était quasi totale : de
l'emploi et du chômage, les uns et les autres parlaient, mais on avait
peine à imaginer que c'était le même objet qui les occupait 5.
Il nous semble que la situation a commencé à évoluer durant les
dernières années, sous la pression des faits. Pour reprendre l'analogie
des pigeons, les macroéconomistes ont dû constater que dans la période
où ils arrivaient à fournir à peu près la quantité de grains jugée néces
saire a priori pour la nourriture de tous les pigeons recensés — voire
plus que cette quantité — un nombre croissant de pigeons ne parve
nait pas à se nourrir (bien que la ration moyenne diminuât !) ; de sur
croît, les règles de distribution de cette pénurie insolite conduisaient
à des résultats fort injustes. Et, à un moment où l'abondance a priori
prenait fin, toutes les espèces d'économistes ont dû reconnaître que,
s'il y avait pénurie globale de grains, on avait beau rechercher les
arrangements optimaux à partir des comportements observés et inter
prétés — voire infléchis par hypothèse ou par calcul — l'espoir de
nourrir tous les pigeons sans rationnement était nul.
Ainsi, une fois visible le chômage de croissance, les macroéco

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