Pour une topique du corps ou l image-corps en (tous) ses lieux - article ; n°49 ; vol.15, pg 77-94
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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 49 - Pages 77-94
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marc Porée
Pour une topique du corps ou l'image-corps en (tous) ses lieux
In: Romantisme, 1985, n°49. pp. 77-94.
Citer ce document / Cite this document :
Porée Marc. Pour une topique du corps ou l'image-corps en (tous) ses lieux. In: Romantisme, 1985, n°49. pp. 77-94.
doi : 10.3406/roman.1985.4733
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_49_4733Marc POREE
Pour une topique du corps
ou Г image-corps en (tous) ses lieux
« Sa tête sombre comme la mort, en son Cerveau renferme un reflet
Tout perverti de l'Eden ; l'Egypte sur le Gihon, aux nombreuses langues
Et aux nombreuses bouches, [...]
Son large Sein reflète Moab & Ammon sur la rivière
Pison, appelée depuis Arnon :[...]
Au-dessus de sa tête, de hautes ailes arrondies, noires, pleines d'yeux,
Se dressent, rattachées aux Épaules & aux Os des Bras par des tendons de fer :
Ses Reins renferment Babylone sur l'Euphrate splendide
Et Rome en douce Hespérie :[...]
Mais au centre d'un Estomac dévorant, Jérusalem
Cachée au sein du Chérubin qui la recouvre, comme dans un Tabernacle
De triple facture, figure allégorique de l'illusion & et de la peine : »
William Blake
Jérusalem, Chapitre 4, Planche 89, 14-45.
Autant les images sont nombreuses qui désignent le corps, autant
leur banalité est extrême. Le nombre, tout d'abord. Rarement, en effet,
les romantiques ont nommé le corps en tant que tel, l'usage étant sur
tout de multiplier les appellations de substitution, d'en parler par péri
phrases ou métaphores interposées — comme si le corps, plus ou moins
frappé d'interdit, ne parvenait à échapper à l'occultation totale qu'au
travers de ces images-écran, permettant de tenir à distance une réalité
corporelle considérée comme innommable. La banalité, ensuite. Sans
jamais être de véritables clichés, les images du corps sont, dans l'ensemb
le, passablement convenues, à première lecture du moins. Se situant
dans la mouvance de l'idéalisme, reprenant, sans innovation marquante,
l'héritage des courants de pensée dualiste, pour qui le corps est ce «mal
allogène» dont parle Jankélévitch, elles finissent par le considérer sous
son seul et unique aspect de matière. Tantôt argile ou poussière, textile
ou coquille1, le corps décline les images, stéréotypées, d'une comprom
ission avec le monde de la matière, vécue comme source d'aliénation
et de souillure. De ces images-là, l'imagination poétique s'est, pour ainsi
dire, absentée, dans la mesure où, en lieu et place d'une authentique
création d'images, on assiste plutôt à la reproduction d'un système de
dénotations, renvoyant toutes à une réalité corporelle univoque et signi-
(1) Pour seul exemple, nous citerons ici le « Human Vegetable » tel que le voit
Blake et qu'il a souvent représenté sous les traits de personnages dont les membres
se font tronc et la chevelure feuillage. Venu au monde dans un berceau « of the
grass that withereth away », l'homme (et son corps avec lui) n'est autre que le h
ideux produit d'un travestissement de la vision divine : « cherchant à végétaliser la
Divine Vision En une Végétation et une Corruption corporelle et éternellement
caduque ». (Jérusalem, Chapitre 4, Planche 90, 41-2). Marc Porée IS
fiée de manière quasi programmatique. Prisonnière de ce carcan formel,
l'image, alors, ne « décrit » ni n'« éclaire » plus, à force de réfléchir i
nlassablement les mêmes referents, les mêmes valeurs (le corps, c'est l'en
nemi).
De plus, elle perd ainsi une bonne part de ce qui constitue sa voca
tion propre, et qui est, selon la définition qu'en donne Roger Caillois2
« apport, surprise et confrontation ». Autant le « plaisir poétique » qui
se dégage de la surprenante « confrontation de deux termes à la fois
lointains et analogues » est grand, autant ce même plaisir est nul, lors
que, de la trop prévisible répétition du même, naissent la monotonie et
l'ennui. Pour un peu, donc, on serait porté à croire que les romantiques
n'ont pas vraiment cherché à apporter du nouveau sur le corps, qu'ils se
sont contentés d'équivalences imaginaires toutes faites et données une
fois pour toutes.
On aurait tort, cependant, de croire que le corps n'a pas engagé, en
profondeur, leur imaginaire. Un corps auquel il arrive de s'appréhender
comme espace, de s'imaginer comme lieu ; mais aussi un lieu qui se rêve corps, voilà qui renouvelle singulièrement l'univers des formes
et des images. Une image à même de rendre aux mots leur sens le plus
pur, c'est-à-dire en l'occurrence le plus spatial, voilà qui fonde une topi
que corporelle, condition signe qua non d'une authentique poétique du
corps. Et c'est de ces images-là qu'il sera question ici. Reprenant, mais
en l'amplifiant, un processus de dépassement de la matière, elles travail
lent, de surcroît, à déborder le corps en le faisant participer, selon des
modalités propres à chaque poète, à ce qu'il faut bien appeler l'esprit
du lieu.
C'est dire qu'il ne faudra pas s'attendre à nous voir remonter aux
sources organiques de l'image-corps. Non que le sujet ne s'y prête pas.
Un exemple développé par Susan Sontag suffira à faire la démonstrat
ion, sinon d'un véritable rapport de cause à effet, du moins de l'exi
stence d'images indéniablement « symptomatiques », pour parler com
me Bachelard3. On sait à quel point la tuberculose fut un mal romant
ique, voire même le mal romantique par excellence. Mais sait-on égal
ement combien, en plus de rendre les corps transparents et donc, par
voie de conséquence, de les spiritualiser, la tuberculose a concrétisé, de
la manière la plus immédiate possible, le passage (au sens d'accès, de
déplacement) du corps inférieur et donc vulgaire à un autre corps, qui
serait, par définition, un corps supérieur et, de ce fait, absolument digne
d'intérêt. Si l'on veut bien admettre avec Susan Sontag4 , qu'une maladie
des poumons est, métaphoriquement parlant, une maladie de l'âme, for
ce est alors de constater que la tuberculose n'a pas peu contribué à hy
pos tasier l'image du corps, dans le sens clairement affirmé d'une nouvell
e répartition des valeurs au sein d'un espace (d'une succession d'espa
ces, plutôt) imaginaire(s), rejoignant, sans tout à fait la recouper, la di
vision de l'homme en son corps et en son âme. Avant de tout rendre
compte par une évidente volonté de sublimation, mais aussi d'euphémi-
sation, il conviendrait peut-être de s'interroger sur une non moins évi-
(2) Roger Caillois, La Poétique de St John Perse, Gallimard, 1954.
(3) Gaston Bachelard, La de l'Espace, P.U.F., 1972, p. 203.
(4) Susan Sontag, Illness as Metaphor, Farroux, Strauss and Giroux, 1978, p. 18. une topique du corps 79 Pour
dente disposition à imaginer le corps comme un réseau métaphorique
de lieux, dont la hiérarchisation verticale (inférieur/supérieur) répond
rait à une nouvelle donne de l'imaginaire, désormais porté à tirer le
meilleur parti des possibilités de valorisation offertes par la topique,
qu'elle soit topophile ou topophobe.
Disons cependant, pour justifier le parti suivi, qu'il nous a paru plus
intéressant de préférer à ce qui serait la manifestation d'une pathologie
romantique plus ou moins caractérisée, l'expression d'une « poétique de
l'espace » (« poétique absolue » disait Bachelard5 , pour signifier à quel
point elle était en mesure de s'affranchir « des raisons et des causes »)
dans ses rapports médiatisés et réciproques au corps. Cette poétique, ou
disons plutôt cette topique, sera avant tout binaire, dans la mesure où
elle mettra d'abord en scène des lieux doublement contraires (ainsi pas-
sera-t-on en revue les petits et les grands lieux, avant de parler des lieux
clos appelés à devenir des lieux ouverts). Mais son caractère structurel-
lement duel, ou dualiste, se trouvera surtout confirmé par la réversibili
té des images, qui, sans être aucunement systématique ou indifférenciée,
n'en appor

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