- Principes pour une étude psychologique des noirs du Congo Belge - article ; n°1 ; vol.50, pg 521-547
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Description

L'année psychologique - Année 1949 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 521-547
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1949
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A. Ombredane
III. - Principes pour une étude psychologique des noirs du
Congo Belge
In: L'année psychologique. 1949 vol. 50. pp. 521-547.
Citer ce document / Cite this document :
Ombredane A. III. - Principes pour une étude psychologique des noirs du Congo Belge. In: L'année psychologique. 1949 vol.
50. pp. 521-547.
doi : 10.3406/psy.1949.8471
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1949_hos_50_1_8471Ill
PRINCIPES POUR UNE ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE
DES NOIRS DU CONGO BELGE
par le Dr André Ombredane
Université de Bruxelles.
Je voudrais définir ici un certain nombre de principes qui se
dégagent des premières études que je viens de faire sur la psy
chologie des noirs du Congo belge.
1. Lorsqu'on arrive pour la première fois dans un monde comme
le Congo avec la mission indécise d'étudier la psychologie de
ses indigènes, la démarche la plus facile est de commencer par
utiliser la méthode d'enquête auprès de gens qui vivent depuis
un temps notable dans le pays et offrent toutes chances d'être
bien informés. Pendant le délai nécessaire pour régler les condi
tions d'une observation et d'une expérimentation dans des mi
lieux choisis, il est instructif de s'attacher à la détermination
du stéréotype du noir congolais. Comme chacun le sait, on entend
par le portrait standard que le public se fait d'un
membre moyen d'une collectivité déterminée. Le stéréotype se
définit aussi bien par l'opinion de ceux qui font partie du groupe
que par l'opinion de ceux qui sont étrangers au groupe.
Pour l'établissement du stéréotype, il est bon de se référer à une
liste détaillée de thèmes qu'on aura préparée à l'avance. Cette pourrait être présentée aux informateurs sous la forme d'une
série de questions rédigées auxquelles ils seraient priés de répondre
par écrit. Cette technique peut paraître commode, mais elle n'est
pas bonne. La nécessité de répondre par écrit inhibe un grand
nombre d'informateurs, surtout lorsqu'ils ne tiennent pas leur
opinion pour très orthodoxe et que les faits qu'ils pourraient être
conduits à citer leur paraissent d'une divulgation délicate. Il 522 PSYCHOLOGIE APPLIQUEE
vaut mieux procéder par enquête orale, et cela présente l'avan
tage qu'on peut y donner plus d'importance à certains thèmes,
selon la compétence de l'informateur qu'on a devant soi, et qu'on
peut, sur ces thèmes choisis, pousser l'enquête dans un détail
exceptionnel. On peut encore espérer qu'au hasard des propos
échangés se découvrent des aperçus auxquels ni l'enquêteur ni
l'informateur n'auraient pensé au départ.
Cependant il ne faut pas surestimer les résultats de telles
enquêtes ni perdre trop de temps à tenter de les contrôler avec
un scrupule scientifique, car on ne tarde pas à constater que
les opinions des blancs apparemment les plus autorisés présentent
de l'un à l'autre les contradictions les plus nettes, contradictions
dans le detail des jugements portés sur les traits comportemen
taux des noirs, leurs capacités, leurs défauts, leurs vertus, con
tradictions dans l'estimation de la manière dont il faut « traiter »
les noirs.
Ce qui fait la faiblesse d'un grand nombre d'arguments, c'est
d'abord une tendance à généraliser à l'excès à partir d'expé
riences singulières, en assimilant trop facilement tous les noirs
les uns aux autres, en déclarant : « le noir est menteur et pares
seux » ou « le noir n'est ni menteur ni paresseux », ou « les noirs
sont de grands enfants », ou « il faut traiter les noirs comme des
soldats », ou « il faut être dur et juste avec les ». En effet,
« le noir » ou « les noirs » sont des entités pleines de contradictions
qui doivent faire place à des termes où s'inscrivent les limites
entre lesquelles des noirs peuvent être tenus pour indiscernables.
La nécessité de définir clairement les groupes représentatifs d'un
mode de comportement se rencontre ici dès le premier pas. C'est
ensuite une tendance commune à imputer les manifestations
comportementales des noirs à une nature essentielle de leur per
sonne, sans tenir compte des multiples facteurs de situation
dont elles dépendent et dont la variation est à même d'entraîner
une transformation corrélative du comportement. Pour éclairer
ces points, j'emprunterai un exemple à un fonds de documents
que j'ai réunis par voie d'enquête, auprès de blancs et de noirs,
pour déterminer le stéréotype du noir congolais. Le problème est
celui d'un prétendu arrêt de l'intelligence du noir à la puberté.
Pour l'informateur A, magistrat de grade élevé, « le noir,
quand il est jeune, peut être plus éveillé que le blanc, mais quand
il arrive à la puberté, il s'abrutit ».
Pour B, administrateur d'un centre indigène
extra-coutumier, « l'arrêt de l'intelligence à la puberté est une OMBREDANE. ETUDE PSYCHOLOGIQUE DES NOIRS 523 A.
réalité. Cela se voit dans le comportement infantile de l'adulte,
dans son exhibitionnisme. Jusqu'à 8 ou 9 ans, le gamin noir est
au moins aussi malin que le gamin blanc. Vers la puberté, se pro
duit une sclérose due aux excès sexuels. A 35 ans apparaît une
sorte de pondération qu'un garçon de chez nous acquiert à
20 ans. »
Pour l'informateur C, qui a fait de nombreuses enquêtes eth
nographiques, « il s'agit d'un pseudo-arrêt dont la cause princi
pale est la préoccupation sexuelle et les excès qui en découlent.
Là où une éducation appropriée a été introduite (certains inter
nats en font la démonstration), le mal a été largement atténué.
11 n'y a donc là rien qui soit irrémédiablement lié à la nature
même de l'intelligence du noir, mais bien plutôt à des causes
sociales ».
Pour l'informateur D, médecin, « l'arrêt intellectuel à la pu
berté est une notion fausse. L'apparence de cet arrêt est liée au
manque de tutelle après la puberté. Les garçons courent les filles
et le reste et il n'y a personne pour les retenir. Les autres per
sonnes les exploitent. L'instruction qu'on donne n'est pas capable
de remplacer l'éducation familiale manquante ».
Pour l'informateur E, administrateur d'affaires indigènes,
« l'arrêt de l'intelligence à la puberté est un préjugé. Quand il
arrive à la puberté, un gamin éveillé est trop pris par la vie quo
tidienne; on ne s'occupe pas assez de ses intérêts intellectuels en
dehors de son rendement possible dans des besognes matérielles ».
Pour l'informateur F, un noir qui conduit un bateau sur le
fleuve Congo, « l'arrêt de l'intelligence du noir à la puberté est
une apparence liée à des conditions sociales et parfaitement contre
dite par de nombreux faits. C'est de 14 à 17 ans qu'on aurait des
difficultés de cet ordre avec l'enfance noire. Mais après cela, beau
coup veulent continuer leurs études ou même les reprendre seuls.
Certains achètent des livres souvent trop difficiles pour ce qu'ils
savent, surtout s'ils ne sont pas aidés. Après 17 ou 18 ans, les noirs
apprennent mieux que dans l'enfance parce qu'ils veulent ap
prendre. La défaillance intellectuelle apparente de 14 à 17 ans
vient de plusieurs causes. D'abord la préoccupation sexuelle,
mais cela n'est pas aussi physique qu'on le croit et dépend en
grande partie du désir de gagner aussi vite que possible l'argent
de la dot qui permettra le mariage. En outre, beaucoup de pa
rents n'ont pas les moyens d'entretenir les enfants au-delà de
12 ans, sans compter que souvent ce ne sont pas les père et mère
mais des parents plus éloignés chez qui l'enfant vit pour être à PSYCHOLOGIE APPLIQUEE 524
portée d'une école (habitudes claniques). Après 12 ou 13 ans, ces
enfants font sciemment ce qu'il faut pour qu'on les renvoie de
l'école, afin de pouvoir travailler et gagner de l'argent. Il n'est
pas rare que les p

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