Quel régime politique pour la Chine ? - article ; n°1 ; vol.45, pg 9-17

Jean Philippebéja

Description

Perspectives chinoises - Année 1998 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 9-17
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: PERSPECTIVES_CHINOISES
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 57
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Philippe Béja
Quel régime politique pour la Chine ?
In: Perspectives chinoises. N°45, 1998. pp. 9-17.
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Béja Jean-Philippe. Quel régime politique pour la Chine ?. In: Perspectives chinoises. N°45, 1998. pp. 9-17.
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JEAN PHILIPPE BÉJA
Depuis le renversement de la « Bande des nir les rapports entre l'Etat et la société au niveau du vil
Quatre » et surtout depuis le retour de Deng lage, de la ville moyenne ou des grandes villes dans les
s" Xiaoping au pouvoir en juillet 1977, la Chine diverses parties du pays. Si les spécialistes affrontent
s'est lancée dans un processus de réforme qui, au bout de sur la question de savoir si la Chine éclatera ou non, si
vingt ans, a fini par transformer profondément son rég elle se démocratisera ou non. bien peu sont en mesure de
ime politique. Le système maoïste a bel et bien disparu, caractériser le régime qui y règne aujourd'hui. Nous ne
et il est difficile de caractériser un régime qui n'est plus prétendons pas combler cette lacune, mais il nous semble
totalitaire, tout en n'étant pas non plus un régime autori important de tenter, à partir des quelques éléments d'en
taire classique. Aujourd'hui, même certains documents quêtes réalisées par des chercheurs tant chinois qu'étran
officiels osent s'attaquer à la sacro-sainte infaillibilité du gers, quelques hypothèses sur le type de rapports poli
marxisme-léninisme. Ainsi, récemment, un journal tiques qui se sont établis entre le Parti communiste chi
publié par l'Ecole centrale du Parti affirmait que nois (PCC) et l'immense population qu'il gouverne.
« contrairement à la prophétie de Marx, le capitalisme
La marche vers l'autonomie sociale (1978-1989) n'avait pas péri mais montrait une "vitalité extraordinair
e", puisque seul un petit nombre de pays au monde pra L'analyse en terme de séparation entre société civile et
tique encore le socialisme et est aux prises avec des Etat était tout à fait légitime dans les années 80, mais elle
réformes. » (1) est devenue insuffisante dans les années 90.
La plupart des analystes s'en tirent en disant que le Dans un premier temps, il a été indispensable aux
régime politique chinois est en transition, mais nul ne forces apparues dans la société, mais aussi à celles qui
saurait dire à quoi aboutira ce processus. sont nées dans l'économie désétatisée — surtout les
L'évolution des vingt dernières années a montré que le nouveaux entrepreneurs issus de l'intelligentsia ou de la
système variait selon les régions, mais il faut reconnaître bureaucratie — de marquer leur différence par rapport
que l'on manque de travaux de terrain permettant de au Parti en organisant toutes sortes d'associations en
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dehors de celles qui structuraient la société. C'est la de plus en plus réceptifs aux pots-de-vin offerts par les
« entrepreneurs ». Dans la Chine qui entame le processus période où se noue l'alliance entre les intellectuels qui
cherchent à échapper à l'emprise du Parti en créant de réforme, en effet, la relaxation des contrôles, notam
salons, comités de rédaction plus ou moins autonomes, ment sur l'économie dépend largement du bon vouloir des
associations savantes comme celle des jeunes écono cadres. Aussi les candidats entrepreneurs, dans les cam
pagnes comme dans les villes, ont-ils besoin de leur aide mistes en délicatesse avec les associations officielles (2),
et les entrepreneurs, aussi obscure que puisse être cette pour se procurer des matières premières ou pour obtenir
catégorie à l'époque. L'archétype de ces apôtres de la les autorisations indispensables à la création d'une comp
naissance d'une classe moyenne est Wan Runnan, fon agnie. Les cadres ont le choix entre deux stratégies :
dateur de la plus importante entreprise « privée » des l'une consiste à permettre aux membres de leur famille de
années 80, la compagnie informatique Stone. Lui-même se lancer dans le commerce, l'autre à accepter les la
donne l'exemple en recrutant des intellectuels, finançant rgesses des candidats. Dans les deux cas, la discipline de
le centre de recherches dirigé par Cao Siyuan qui ne fer requise par le léninisme, condition essentielle de l'ef
trouvait aucun lieu pour mener des études sur la faillite ficacité du système, subit une érosion sérieuse.
des entreprises car ce sujet était tabou (3). Donc, la société emprunte deux voies pour s'émanci
Les diverses catégories sociales qui se cristallisent au per de la tutelle du Parti. D'une part celle que l'on pourr
fur et à mesure de l'approfondissement des réformes ait caractériser de « voie polonaise » : par la création
sont conscientes de l'existence d'une communauté d'in d'associations semi-autonomes dans tous les domaines
térêts qui les pousse à affirmer leur identité par rapport d'activité elle élargit l'espace de liberté qui lui a été
aux organisations traditionnelles qui structuraient la consenti lorsque le Parti a décidé de renouveler sa légit
société sous le maoïsme jusqu'au lancement de la poli imité en se faisant un peu moins insupportable à la popul
tique de réforme. Les réformateurs du Parti, qui cher ation. D'autre part, la « voie chinoise », qui fait appel à
des comportements plus « traditionnels » des fonctionchent à se débarrasser des forces conservatrices au sein
de l'appareil, encouragent du reste ce mouvement de naires : par la prévarication pratiquée par les acteurs de
création de nouvelles organisations au sein du système. l'économie non-étatique (notamment à la suite de la
Il s'agit d'une période où, selon des modalités qui res décollectivisation dans les campagnes), la société
tent à définir, et sans que l'on aboutisse jamais à une rup s'émancipe encore un peu plus. Il ne s'agit pas d'une
ture claire, la « société » s'émancipe de la tutelle du démocratisation, mais d'un processus de libération vis-à-
Parti. Il y a évidemment une continuité entre les deux, vis du contrôle rigide exercé jusqu'alors par l'appareil,
mais les forces vives sont conscientes de la nécessité de condition indispensable de cette dernière.
l'émancipation. La fraction réformatrice de l'appareil les En même temps, depuis le début des années 80, sous
soutient, convaincue qu'elle doit laisser une certaine l'influence de dirigeants réformateurs qui croient vra
autonomie à la société pour permettre à la Chine de pro iment à la nécessité de moderniser le système pour modern
gresser. C'est la période où Zhao Ziyang insiste sur la iser la Chine, le pouvoir central cherche à créer une
nécessité d'ouvrir les voies du dialogue entre la société administration compétente capable de mettre en place des
et le Parti et affirme qu'il faut opérer une séparation de règles plus rationnelles, ce qu'elle qualifie de « légalité »
l'Etat et du PCC (4). ifazhï). On cherche à rajeunir l'organisation en rempla
Cette orientation culmine avec le mouvement pour la çant les anciens cadres du Parti par des fonctionnaires qui
seraient promus en fonction de leur compétence plutôt démocratie de 1 989, qui aboutit à la défaite de la fraction
réformatrice. que de leur ancienneté ou de leur fidélité politique. De
nouvelles générations d'administrateurs sont formées
Le développement de la corruption tant au pays qu'à l'étranger. De nombreuses institutions
et l'érosion du contrôle du Parti d'Etat, des organismes nouveaux créés par des dirigeants
Tout au long des années 80, on a assisté en même temps à au sein du gouvernement comme le Comité d'Etat pour la
une lente dégénérescence de l'appareil du Parti, notam réforme du système (Tigaiwei), des centres de recherches
comme celui sur la réforme du système (Tigaisuo), et ment dans les campagnes. Lors de chaque congrès, les
délégués se plaignent de l'affaiblissement des cellules autres think tanks politiques sont peuplés d