Repenser les inégalités à l université. Des inégalités sociales aux inégalités locales dans trois disciplines universitaires - article ; n°1 ; vol.38, pg 67-97
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Repenser les inégalités à l'université. Des inégalités sociales aux inégalités locales dans trois disciplines universitaires - article ; n°1 ; vol.38, pg 67-97

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Sociétés contemporaines - Année 2000 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 67-97
Rethinking the Question of Inequality at Universities From social inequality to local inequality in three university’s curricula
The purpose of this article is a reflection about the conditions of high school achievement through an empirical survey conducted on more than seven thousand students, who were first year students in 1992 and have been followed for four years, in different subjects as law, geography and sciences. We observed that the inequality in achievement depends more on the university than on the social origins of the students. The possibility of success concerning similar second-year students (considering age, sex, social origin and type of A-Level) can double according to the university. Consequently it becomes necessary to rethink the question of inequality at university: not in terms of reproduction but dispersion, not through a system but considering the actors whose action is in keeping with determining local contexts. The question, now, is to know how to organize the national mission of the university in France (such as distribution of diploma, training…) and its concrete realizations
RÉSUMÉ 1: Cet article propose une réflexion sur les conditions de la réussite universitaire à partir d’une enquête empirique portant sur le parcours de plus de 7 000 étudiants entrés en 1992 en première année, et suivis pendant quatre ans, en droit, géographie et sciences de la matière. Il apparaît que les inégalités dans l’accès aux diplômes dépendent bien plus étroitement du lieu de formation que de l’origine sociale des étudiants. Les chances d’accès au DEUG peuvent ainsi varier du simple au double selon le lieu d’étude pour des étudiants semblables (selon l’âge, le sexe, l’origine sociale et la série du Baccalauréat). Il devient alors nécessaire de repenser la question des inégalités à l’Université: non plus en termes de reproduction, mais de dispersion; non plus en termes de système, mais d’acteurs dont l’action s’inscrit au sein de contextes locaux déterminants. La question devient alors de savoir comment articuler les missions nationales de l’Université (distribution de diplômes, formation, etc.) et leur réalisation concrète dans ces différents espaces locaux.
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
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Langue Français

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      E L O U Z I S F E O R G E S G      
REPENSER LES INEGALITES A L’UNIVERSITE DES INEGALITES SOCIALES AUX INEGALITES LOCALES DANS TROIS DISCIPLINES UNIVERSITAIRES
RÉSUMÉ1: Cet article propose une réflexion sur les conditions de la réussite universitaire à partir d’une enquête empirique portant sur le parcours de plus de 7 000 étudiants entrés en 1992 en première année, et suivis pendant quatre ans, en droit, géographie et sciences de la matière. Il apparaît que les inégalités dans l’accès aux diplômes dépendent bien plus étroite-ment du lieu de formation que de l’origine sociale des étudiants. Les chances d’accès au DEUG peuvent ainsi varier du simple au double selon le lieu d’étude pour des étudiants sem-blables (selon l’âge, le sexe, l’origine sociale et la série du Baccalauréat). Il devient alors nécessaire de repenser la question des inégalités à l’Université : non plus en termes de re-production, mais de dispersion ; non plus en termes de système, mais d’acteurs dont l’action s’inscrit au sein de contextes locaux déterminants. La question devient alors de savoir com-ment articuler les missions nationales de l’Université (distribution de diplômes, formation, etc.) et leur réalisation concrète dans ces différents espaces locaux.  La question des inégalités dans l’enseignement traverse l’ensemble des ré-flexions sociologiques sur l’école de ces quarante dernières années. Dans une société démocratique, le système d’enseignement ne peut apparaître juste et équitable que s’il tend à réaliser l’égalité de tous devant les diplômes et les études. La sociologie « critique  de l’éducation, qui se développe à partir de la fin des années 1950 en France, se propose de mettre au jour et d’expliquer cet écart entre une égalité « proclamée  et de profondes inégalités réelles entre les élèves2. La sociologie critique a pensé les inégalités dans l’enseignement principalement en termes d’origine sociale : l’accès aux diplômes et aux formations supérieures est étroitement dépendant du milieu social d’origine. Contrairement au courant de la sociologie américaine des inégalités, représenté entre autres par Ch. Jencks3 aux  1.Cet article est issu d’une recherche collective de l’équipe du L.A.P.S.A.C, financée par le Commis-sariat Général du Plan. G. Felouzis (dir.), F. Abadie, J. Andrieu,Les nouvelles inégalités à l’Université. Parcours étudiants et organisation des études dans trois disciplines universitaires, Lapsac, Université Victor Segalen Bordeaux II, Commissariat Général du Plan, 1998. 2.et J-C Passeron (1963, 1970) etNous pensons plus particulièrement ici aux travaux de P. Bourdieu de C. Baudelot et R. Establet (1971). 3.Cf. en particulier Jencks, 1979. Sociétés Contemporaines (2000) n° 38 (p. 67-98)   
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G E O R G E S F E L O U Z I S                États-Unis et repris par R. Boudon4et M. Cherkaoui5en France, la sociologie criti-que a privilégié des analyses en termes d’inégalités entre groupes sociaux plus qu’en termes d’inégalités entre individus. Même si, comme le remarque Ch. Jencks, « la comparaison du degré d’inégalité entre les groupes et les individus fait apparaître une inégalité beaucoup moins forte entre les groupes 6, la réflexion portait essen-tiellement sur la dimension sociale des inégalités et l’échec massif d’une grande par-tie des élèves de milieu ouvrier et employé, dans l’enseignement primaire et se-condaire, mais aussi dans l’enseignement supérieur et l’Université. En France, les années 1960 ont vu l’émergence des premiers essais critiques sur l’enseignement supérieur. Ils abordaient principalement la question de la faible pro-portion d’étudiants de milieu populaire, montrant l’importance des inégalités cultu-relles à l’Université, constitutives des inégalités sociales. Dans la France desTrente Glorieuses en situation de plein emploi, la question se pose avec d’autant plus de force que l’accès à l’Université est aussi un moyen privilégié d’accès aux positions de cadres et à des salaires relativement élevés (Baudelot, Establet, 2000). Jusqu’au début des années 1980, alors même que les effectifs universitaires ont considérable-ment augmenté et que le plein emploi n’est plus à l’ordre du jour, la question des inégalités sociales reste pertinente, mais l’on se questionne aussi sur la relation entre les diplômes et l’emploi. L’Université permet-elle encore un accès aux emplois de cadres ? Dans quelles conditions et pour quel type d’étudiants ? Ces questions restent aujourd’hui à l’ordre du jour, comme le montrent les tra-vaux du CEREQ (cf. par exemple Martinelli, 1994). Mais, parallèlement, émergent à partir des années 1990 des réflexions qui s’ancrent dans la « nouvelle donne  de l’Université, qui tend à scolariser une plus large part des jeunes d’une génération et s’ouvre largement aux classes moyennes (Euriat, Thelot, 1995). Contrairement aux Grandes écoles, l’Université n’est plus aujourd’hui exclusivement le lieu de forma-tion de l’élite sociale et scolaire. Elle accueille aussi la plus grande part des bache-liers d’une génération7. Dans ce contexte, les questions sociologiques se déplacent, et il devient nécessaire de « comprendre les étudiants  pour comprendre les inégali-tés. En d’autres termes, l’Université est aussi pensée du point de vue des capacités d’adaptation et d’apprentissage du « métier d’étudiant  (Coulon, 1998), des straté-gies de formation (Felouzis, Sembel, 1997), de l’expérience des études (Dubet, 1994), et du point de vue des modes de vie propre au « monde étudiant  (Galland, 1995). Cette évolution n’est pas uniquement le résultat d’une transformation de la socio-logie, plus centrée sur les acteurs et leurs logiques que sur les systèmes et les institu-tions. Elle reflète aussi un changement au sein de l’Université dont le recrutement social s’élargit. Alors qu’en 1960, un fils de cadre supérieur avait 28 fois plus de chances d’accéder à l’Université qu’un fils d’ouvrier, il n’en a, en 1990, que sept fois plus (Euriat, Thelot, 1995). Les inégalités d’accès à l’Université persistent donc,  4.Cf. en particulier R. Boudon, 1979. 5.M. Cherkaoui, 1979. 6.Ch. Jencks,Op cit, p. 30. 7. ?,Que deviennent les bacheliers après leur bac d’information du Ministère de l’éducation Note nationale, n°98.05, mars 1998.
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          ' U N I V E R S I T E A L N E G A L I T E S I L E S R E P E N S E R mais tendent à s’amenuiser, et l’on peut affirmer que jamais l’Université n’a été au-tant démocratique qu’aujourd’hui, du point de vue de son recrutement social. La tendance à la démocratisation universitaire comme la persistance des inégali-tés peuvent s’expliquer par la sélection scolaire qui s’exerce dans l’enseignement secondaire. En effet, les inégalités ne commencent pas à l’Université. Le collège et le lycée jouent le rôle de véritables « filtres  qui orientent les élèves dans des filiè-res dont certaines ne permettent pas l’accès au Baccalauréat, et donc aux études su-périeures. Progressivement, par le jeu des procédures de sélection et d’orientation, les inégalités sociales ont tendance à se muer en inégalités scolaires8. De ce fait, on peut se demander si l’origine sociale en elle-même constitue encore, à ce niveau de formation, un facteur déterminant de la réussite universitaire. Il est probable que les caractéristiques scolaires des étudiants jouent un rôle plus important, et permettent une prédictibilité relative de la réussite ou de l’échec à l’Université. Comme l’ont montré les travaux de R. Mare (1981) aux États-Unis, et de M. Duru-Bellat (par exemple Duru-Bellat, 1995) en France, l’influence de l’origine sociale sur la réussite tend à baisser lorsqu’on avance dans les cursus de formation. De ce point de vue, on peut penser que l’Université, arrivant au terme d’un processus de sélection qui commence très tôt dans la vie scolaire des élèves, n’opère pas de discrimination so-ciale directe. Dès lors que certaines catégories d’étudiants sont « sur-sélectionnées , il est probable que l’origine sociale n’est plus en elle-même un facteur explicatif de la réussite. En est-on quitte, pour autant, des inégalités d’accès aux diplômes universitaires ? La réponse que nous apporterons sera ici négative, et ceci pour deux raisons essentielles : 1. Il faut considérer, pour réfléchir sur les inégalités, l’ensemble des formations de l’enseignement supérieur9. Cela relativise largement l’idée de démocratisation. Le « système ouvert  de l’Université se démocratise alors que le système « fermé  (classes préparatoires, grandes écoles essentiellement) garde, et même accentue, sa nature élitiste et socialement inégalitaire. Il s’agit en fait d’un véritable système dual, institutionnalisé par la coexistence d’institutions hiérarchisées et formant des « sous-systèmes  le plus souvent étanches entre eux. Cette dualité prend ses racines dans l’histoire même de notre système d’enseignement. Comme le note J.-M. Ber-thelot, la démocratisation a très nettement transformé la relation entre les grandes écoles et l’Université. En effet, « à la hiérarchie traditionnelle opposant les filières longues (grandes écoles et universités) aux filières courtes (école spéciales et filières techniques) se substitue de façon généralisée une hiérarchie nouvelle opposant les filières fermées (longues et courtes) aux filières ouvertes  (J.-M. Berthelot, 1993, p. 129). Cette dualité tend à instaurer une très grande étanchéité entre ces forma-tions. Les passages d’un secteur à l’autre sont rares, même si dans certaines discipli-nes ils peuvent être plus fréquents que dans d’autres. Quoi qu’il en soit, dans les grandes écoles et leurs préparations aux concours d’entrée, « l’épreuve scolaire  devient rapidement une « consécration sociale , pour reprendre l’expression de  8.Les résultats du panel 1989 confirment le poids décisif de l’origine sociale, notamment dans les orientations en cycle professionnel ou général.Repères et références statistiques des enseignements et de la formation 1997, principalement p. 89. 9.Comme le fait notamment P. Bourdieu dansLa Noblesse d’État, Paris, Éditions du seuil, 1989.
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G E O R G E S F E L O U Z I S                P. Bourdieu (1981), alors que cette consécration se réalise bien moins directement aujourd’hui dans les études universitaires. 2. Nous serions quittes des inégalités à l’Université si nous pouvions faire l’hypothèse que la réussite des étudiants dépend prioritairement de leurs ressources scolaires, et exclusivement de celles-ci. C’est-à-dire si l’Université pouvait être pré-sentée comme un système assez « unifié  et « rationnel  pour offrir les mêmes chances à tous, quel que soit le lieu d’étude. Cela reviendrait à montrer que les diffé-rentes unités de formation offrent, au sein d’une même discipline, des conditions si-milaires d’étude, et des critères d’excellence et de sélection identiques. C’est ce dernier point que nous nous proposons d’étudier plus particulièrement dans cet article. Jusqu’à la fin des années 1970, la sociologie de l’école partait d’un postulat central : celui de la cohérence interne des institutions universitaires, censées remplir des fonctions latentes de manière uniforme, par l’intermédiaire de membres (ou d’agents) à la fois produits et producteurs de ces fonctions. Dans cette perspective, il suffisait d’étudier, comme l’ont fait P. Bourdieu et J.-C. Passeron, les étudiants de la faculté de Lettres de la Sorbonne pour avoir une image complète de l’ensemble des mécanismes universitaires. Nous ferons, dans cet article, l’hypothèse inverse. Il semble en effet que cette conception de l’Université ne corresponde plus à la réalité d’aujourd’hui.C’est donc l’idée de dispersion plutôt que celle d’unité que nous retien-drons pour comprendre la nature et le fonctionnement de l’université française. Repenser les inégalités revient donc à repenser l’Université elle-même, dans sa nature comme dans son fonctionnement, dans ses principes d’unité (ouverture à tous les bacheliers, diplômes nationaux, etc.) comme de dispersion (spécificités discipli-naires et locales). Ainsi, sans négliger la question des inégalités sociales à l’Université, nous pro-posons de redéfinir la problématique des inégalités en y intégrant une réflexion sur le lien entre le niveau local (les différents sites universitaires) et le niveau national, comme la sociologie de l’École a pu le faire à propos des « effets d’établissements  dans l’enseignement secondaire10Le système universitaire français ne peut être. qualifié de démocratique que s’il garantit des chances d’accès aux diplômes égales pour tous. La question doit donc être considérée aussi du point de vue du site univer-sitaire et de ses effets sur les parcours étudiants. Un éventuel effet du lieu d’étude sur ces parcours montrerait que la nature du lien entre le niveau national (attribution par les universités de diplômes nationaux, faible autonomie des universités, etc.) et les spécificités locales est un facteur d’inégalité sociologiquement et socialement tout aussi pertinent que l’origine sociale. Les résultats que nous présentons sont issus d’un suivi de cohortes d’étudiants en-trés en 1992 en première année dans trois disciplines (droit, géographie et sciences de la matière) dans trois villes universitaires du Sud de la France11. Les neuf cohortes re-groupent plus de 7 000 étudiants suivis rétrospectivement pendant quatre années, du- 10.Cf. Duru-Bellat, A. Mingat, « Le déroulement de la scolarité au collège : le contexte “fait des diffé-rences” ,Revue française de sociologie, XXIX, p. 649-666. Et O. Cousin,L’efficacité des collè-ges. Sociologie de l’effet établissement, Paris, Puf, 1998. 11.Pour des raisons évidentes d’anonymat, nous désignerons chacune de ces villes par les pseudony-mes suivants : Marsbourg, Bassinville, Venuscité.
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          R L E P E N S E R I E S A L N E G A L I T E S ' U N I V E R S I T E rée théorique des études jusqu’à la fin du second cycle. Les informations disponibles, dont on trouvera la description et les conditions de recueil en annexe méthodologique, permettent d’analyser, de manière précise, les conditions de la réussite universitaire, dans leurs dimensions sociale, scolaire et locale. La première question que nous pose-rons sera celle de la méritocratie à l’Université : au sein de chaque discipline, comment s’exerce la sélection, selon quels critères ? La deuxième concerne plus particulière-ment les effets de sites : le lieu d’étude constitue-t-il un élément de définition des chances de réussite ? En d’autres termes, à l’Université, existe-t-il des inégalités liées au lieu d’étude et à la définition locale des critères d’excellence ? De manière plus empirique, ces questions reviennent à démêler, au sein des fac-teurs de réussite universitaire, ce qui relève des caractéristiques personnelles des étudiants, et ce qui relève du « contexte  des études, mesuré ici par le site et la dis-cipline. Se pose alors la question du modèle statistique le plus apte à rendre compte des effets combinés des différents « niveaux  d’analyse : l’individuel et le contex-tuel. Pour P. Bressoux, P. Coustère et C. Leroy-Audoin (1997, p. 67-96), l’utilisation d’un modèle « multiniveau  s’impose, notamment lorsqu’il s’agit, dans le champ de la sociologie de l’École, de définir ce qui, dans le contexte de la classe, influe le plus sur les acquisitions des élèves : l’âge du maître, sa formation, le niveau général de départ, etc. Dans le cadre de cet article, notre objectif est quelque peu différent. Il ne constitue qu’une première étape de réflexion qui consiste à établir l’existence d’un effet propre du site sur la réussite universitaire des étudiants, objectif pour lequel les modèles de régression classiques restent valides. En effet, comparant l’utilisation des modèles « ordinaires  et des modèles « multiniveau , les auteurs nommés plus haut arrivent à la conclusion « qu’en ce qui concerne les effets des variables globa-les, les estimations (des modèles ordinaires) ne sont jamais déraisonnables sur la question de l’efficacité moyenne  (op. cité, p. 89). Dans cet article, nous utilisons donc l’analyse de régression logistique. 1.DES INEGALITES SOCIALES AUX INEGALITES LOCALES Les conditions de la réussite universitaire peuvent dans un premier temps être abordées selon les variables classiques de la sociologie de l’École. Quel est le poids respectif des variables scolaires (âge et série du bac) et sociales (milieu social d’origine) sur la réussite à l’Université ? L’origine sociale des étudiants est-elle en-core une variable pertinente à ce niveau de formation pour rendre compte de la réus-site et de l’échec à l’Université ? Enfin, nous questionnerons l’influence de la filière dans les modes de sélection des étudiants, et éventuellement le poids des inégalités sociales au sein de chacune d’elles. 1. 1.FIGURES DE LA MERITOCRATIE UNIVERSITAIRE Les modalités de la sélection universitaire peuvent s’apprécier de deux manières. D’abord par un indicateur d’accès en licence trois ans après l’entrée en première an-née12. Il s’agit là d’étudiants dont le parcours est « parfait , c’est-à-dire sans redou- 12.Nous avons choisi cet indicateur d’inscription en licence après 3 ans plutôt que l’obtention du DEUG en 2 ans pour des raisons essentiellement techniques. Certaines filières raisonnent en termes d’année, d’autres en termes de diplôme. Il est donc plus fiable de considérer, pour la régression lo-
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G E O R G E S F E L O U Z I S                blement d’une année universitaire.  cet indicateur de réussite, il convient cependant d’ajouter une autre mesure, plus « négative  : les sorties sans diplôme après deux années d’inscription. Le premier indicateur nous informe sur la sélection par les examens : quelles sont les variables les plus explicatives de la réussite et de l’échec ? Pour le deuxième indicateur, il s’agit de rendre compte d’un autre type de sélection : l’abandon des études, qui peut être soit une réorientation vers une autre filière ou une autre université, soit un arrêt définitif des études supérieures13. TABLEAU1 LES CONDITIONS DE LA RÉUSSITE PAR FILIRE ACCES EN LICENCE TROIS ANS APRES LENTREE EN PREMIERE ANNEE (REGRESSION LOGISTIQUE. ODDS-RATIO14)  DROIT GÉOGRAPHIE SCIENCES DE LA MATIÈRE Sexe significatif non significatif très significatif Masculin ref ref ref Féminin 1,2 * 1,2 ns 1,5 ** Age en 1e année très significatif très significatif non significatif 18 ans ref ref ref 19 ans 0,8 ns 0,3 ** 0,8 ns 20 ans 0,4 ** 0,2 ** 0,9 ns 21 ans 0,6 ** 0,1 ** -22 ans 0,2 ** 0 2 ** -, Série du Bac très significatif très significatif très significatif A ref ref -B 1,6 ** 2,8 ** -C 5,2 ** 2,1 ns ref D 1,9 2,5 ** 0,2 ** ** F et G 0,3 ** 1,0 ns - E - 0,5 ** -Autres 0,9 ns 1,5 ns 0,1 ns PCS non significatif non significatif non significatif Cadre ref ref ref Prof interm 0,9 ns 1,0 ns 1,2 ns Art-commerçants 0,9 ns 0,9 ns 0,9 ns Employé 0,8 ns 1,1 ns 1,1 ns Ouvrier 0,8 ns 0,9 ns 1,5 ns Autre 0,7 * 1,4 ns 0,9 ns Significativité : + de 5%= ns ; de 1% à 5% = * ; – de 1%= **  gistique, l’inscription à un diplôme donné plutôt que la réussite à ce diplôme. Ces deux indicateurs mesurent en fait le même phénomène, l’important étant de saisir le poids des variables scolaires et sociales sur la réussite universitaire. 13.Notons que dans le suivi de cohorte que nous avons effectué, tout étudiant ne se réinscrivant pas est considéré comme « perdu . Il est certain que cela peut correspondre soit à un abandon définitif, soit à une réorientation vers une autre filière ou vers une autre université. Sur cette difficulté, voir l’annexe méthodologique. 14.La mention au bac ne figure pas dans les modèles présentés. Certains sites n’ont pas fourni cette information, notamment en droit, et en géographie. Cette variable sera introduite dans le modèle lo-gistique pour l’analyse des probabilités de réussite dans le domaine des sciences de la matière.
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          R L E P E N S E R I E S N E G A L I T E S A L ' U N I V E R S I T E L’accès en licence trois ans après l’entrée en première année dépend d’abord des caractéristiques scolaires des étudiants. Comme nous l’envisagions dans la première partie, les caractéristiques sociales en elles-mêmes n’ont plus d’incidence sur la ré-ussite, dès lors que le modèle prend en compte les variables scolaires. La variable « sexe  garde pourtant toute sa pertinence explicative de la réussite universitaire en droit, et surtout en sciences. Dans ces deux filières, les filles ont en effet, toutes cho-ses égales par ailleurs, plus de chances que les garçons d’accéder en licence en trois ans. Cette prééminence féminine est en accord avec ce que l’on observe dans l’enseignement secondaire. Des éléments plus précis pourraient éclairer ce phéno-mène, comme le temps de travail investi dans les études ou l’assiduité aux cours et aux T.D, dont on connaît l’influence sur les performances universitaires15. En droit, comme en géographie et en sciences de la matière, le milieu social d’origine ne joue aucun rôle sur le parcours dans l’enseignement supérieur.  ce ni-veau de formation, l’enseignement secondaire a opéré un « filtrage  des élèves, dont le parcours dans l’enseignement supérieur ne dépend plus que des ressources scolaires acquises avant l’entrée à l’Université. C’est ainsi que, toutes choses égales par ailleurs, l’origine sociale n’a aucun poids sur les chances de réussite des étu-diants, quelle que soit la filière. La sélection par les examens se construit donc sur les caractéristiques scolaires et le parcours antérieur dans l’enseignement secondaire. Il donne à voir un système méritocratique dans son fonctionnement. Les trois filières proposent cependant des figures quelque peu différentes de cette méritocratie. Les Odds-ratios présentés au tableau 1 peuvent se lire comme des coeffi-cients multiplicateurs des chances d’accès en licence en trois ans. Ils donnent ainsi une mesure de l’ampleur des différences de réussite entre les étudiants selon leurs caracté-ristiques. C’est ainsi qu’en droit, discipline dans laquelle la sélectivité est particulière-ment élevée, la série du bac et l’âge ont un poids très important sur la réussite des étu-diants : comparativement à un bachelier de la série « A , un bachelier « C  a 5,2 fois plus de chances d’accéder en licence après 3 ans. Ce coefficient est encore de 1,9 pour un bac « D  et de 1,6 pour un bac « B . De même, un étudiant entré en première an-née à 22 ans a cinq fois moins de chances d’accéder en licence qu’un étudiant âgé de 18 ans. Le parcours scolaire dans le secondaire est donc très fortement prédictif de la réussite dans cette discipline. En géographie, l’âge bien plus que la série du bac permet de prédire la réussite, alors qu’en sciences de la matière c’est d’abord la possession d’un bac « C  qui constitue l’élément le plus favorable. La sélection universitaire ne se construit donc pas sur les mêmes critères dans chaque filière. Chacune propose une figure différente de la méritocratie, en sélec-tionnant prioritairement soit sur des spécificités disciplinaires (le bac « C  en scien-ces), soit sur l’excellence académique (forte influence de l’âge en géographie), soit enfin en combinant les deux comme en droit. La géographie apparaît par exemple comme la filière la plus « généraliste  de cette étude, dans la mesure où les bache-liers techniques « F  et « G  ont les mêmes probabilités de réussite que les bache-
 15.différentes formes d’investissement dans les études sur la réussiteM. Duru montre l’effet de ces des étudiants. Cf. M. Duru, « Des tentatives de prédiction aux écueils de la prévention en matière d’échec en 1ère année d’université ,art. cit. 
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G E O R G E S F E L O U Z I S                liers « A . En droit et en sciences16, leurs chances de réussite restent très nettement marginales. Le tableau 1 ne nous informe que sur la sélection des étudiants par les épreuves d’examens. Il existe cependant d’autres formes de sélection, qui s’opèrent par la voie des abandons dans les premières années d’Université. Il ne suffit donc pas de comparer les étudiants qui réussissent à ceux qui échouent pour comprendre l’ensemble des parcours étudiants. Car en cas d’échec, deux choix sont possibles : se réinscrire ou abandonner. Si la réussite aux examens répond à des critères scolaires et méritocratiques, il n’est pas certain que les abandons (ou les réorientations) obéis-sent aux mêmes principes. Les modalités « d’affiliation  que décrit A. Coulon (1998), et les stratégies mises en œuvre par les étudiants postulent, au titre des res-sources, une connaissance approfondie des « implicites  universitaires qui n’est pas indépendante du milieu social d’origine. TABLEAU2 LES CONDITIONS DE L’ABANDON PAR FILIRE SORTIES SANS DIPLOME DEUX ANS APRES LENTREE EN PREMIERE ANNEE (REGRESSION LOGISTIQUE. ODDS-RATIO)  DROIT GÉOGRAPHIE SCIENCES DE LA MATIÈRE Sexe significatif non significatif significatif Masculin ref ref ref Féminin 0,85 * 1,1 ns 0,8 * Age en 1e année très significatif très significatif très significatif 18 ans ref ref ref 19 ans 1,5 1,8 * 0,9 ns ** 20 ans 2,3 ** 3,1 ** 1,5 ** 21 ans 2,1 ** 1,7 ns -22 ans 3,3 ** 6,2 ** -Série du Bac très significatif très significatif très significatif A ref ref -B 0,7 ** 0,4 ** -C 0,5 ** 0,8 ns ref D 0,6 ** 0,6 ns 1,2 ns F et G 3,5 ** 2,5 * -E - - 1,7 ** Autres 1,4 * 0,7 ns 4,9 * PCS très significatif non significatif très significatif Cadre ref ref ref Prof interm 1,5 ** 1,0 ns 0,8 ns Art-commerçants 1,2 ns 1,3 ns 0,7 * Employé 1,2 ns 1,0 ns 0,5 ** Ouvrier 1,7 ** 1,9 ns 0,6 * Autre 1,4 ** 1,0 ns 0,7 ns Significativité : + de 5%= ns ; de 1% à 5% = * ; – de 1%= **
 16.Les bacheliers « F  et « G  sont, pour cette filière, classés dans la catégorie « Autres .
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          L E P E N S E R I E S A L N E G A L I T E S ' U N I V E R S I T E R Les principes qui régissent les sorties sans diplôme ne s’organisent pas de façon identique selon la discipline. En droit, l’origine sociale reste une variable significa-tive, toutes choses égales par ailleurs, pour rendre compte des abandons. En d’autres mots, le fait d’être de milieu ouvrier multiplie, à lui seul, les probabilités de sortie sans diplôme par 1,7 par rapport aux étudiants de milieu cadre, et pour les étudiants de milieu intermédiaire les probabilités de sortie sans diplôme sont multipliées par 1,5. Autant dire qu’en droit, les inégalités sociales sont particulièrement marquées, au profit des enfants de cadres. Elles n’agissent pas par l’intermédiaire des examens, mais plutôt par le découragement. Après deux années de droit sans succès, les en-fants de cadres supérieurs tendent à persévérer, et se réinscrivent une troisième an-née. Les enfants de professions intermédiaires et d’ouvriers tendent plutôt à se ré-orienter. Les premiers ont encore une chance d’obtenir leur DEUG de droit, les se-conds n’en ont plus aucune. On peut reprendre, pour rendre compte de ce phéno-mène, les analyses de Burton R. Clark (1960) sur les « fonctions de refroidisse-ment , qui font participer les étudiants au processus de leur propre exclusion des études. En droit, ce « refroidissement  intervient à plusieurs niveaux. Il s’exprime d’abord par la très grande sévérité des évaluations, mais pas seulement par celles-ci. Les observations menées dans les facultés de droit, et les entretiens d’étudiants, nous ont appris que les réunions de rentrée sont l’occasion de discours insistants sur le nombre important d’échecs, les taux de réussite très faibles, et les difficultés qui at-tendent les étudiants, tant au niveau de la quantité de travail à fournir que de la maî-trise de « la méthode juridique . Les plus enclins à accepter et à intérioriser ces dis-cours sont probablement ceux qui ont une moins bonne connaissance du système universitaire et de ses implicites. Savoir résister à ce type de sollicitations négatives fait partie du « métier d’étudiant17. Or, les nouveaux arrivants, dont les parents n’ont pas fréquenté les bancs de l’Université, tendent plus souvent que les autres à prendre ces discours pour argent comptant, dans une sorte d’anticipation de l’échec. Les techniques de refroidissement agissent donc de manière différentielle selon l’origine sociale, en décourageant les étudiants des milieux les plus modestes. Ils constituent un moyen, le plus inégalitaire de tous, de « gérer les flux  en favorisant l’auto-élimination des plus enclins à croire que les études supérieures ne sont pas faites pour eux. En sciences, les sorties sans diplôme dépendent aussi de l’origine sociale. Mais cette similitude avec la filière juridique n’est qu’apparente. Les sorties sans diplôme sont en effet plus fréquentes pour les étudiants de milieu cadre : les enfants d’employés et d’ouvriers ont des probabilités de sorties sans diplôme deux fois moins importantes. Ces deux disciplines n’ont pas le même statut, et surtout n’ont pas la même place dans l’ensemble des formations du supérieur. L’Université a le monopole des études juridiques, s’inscrire et réussir dans cette filière universitaire est le seul moyen de devenir juriste de profession. Les formations universitaires de sciences sont, tout au contraire, soumises à une très forte concurrence de la part des formations du « secteur fermé , c’est-à-dire recrutant sur dossier ou sur concours ses étudiants : classes préparatoires, IUT, Écoles d’ingénieurs, etc. Comme nous
 17.La maîtrise des implicites universitaires est en effet déterminante dans la réussite. A. Coulon,Le métier d’étudiant,op. cit. 1998.
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G E O R G E S F E L O U Z I S                avons pu le montrer par ailleurs18, l’inscription en première année de sciences peut ainsi être une stratégie d’attente pour intégrer par la suite ces formations : ce que font plus fréquemment les enfants de cadres et de professions intermédiaires. En géographie, seules les variables scolaires expliquent les sorties sans diplôme. En définitive, les inégalités sociales n’existent pas dans toutes les filières. Elles se manifestent surtout en droit, la plus professionnelle et la plus sélective des disci-plines de cette étude. Ce n’est pourtant pas par les examens, et le « capital culturel  en tant que tel, que ces inégalités se construisent. C’est, de manière plus masquée encore, par les abandons. Les étudiantsa prioriles moins familiarisés avec le monde universitaire produisent leur élimination en anticipant un échec futur. 1. 2.DE PROFONDES INEGALITES SELON LE LIEU D’ETUDE Nous n’avons abordé jusqu’ici les inégalités que d’un point de vue « classique , en posant la question du poids respectif des caractéristiques scolaires et sociales dans l’accès aux diplômes. Il apparaît que les inégalités sociales, lorsqu’elles exis-tent, se construisent non pas sur les épreuves d’examen en tant que telles, mais plu-tôt par le découragement des étudiants, les abandons ou les réorientations. Il s’agit là plus particulièrement d’une sélection que l’on pourrait qualifier de « négative . Elle ne s’exerce pas en fonction des compétences intellectuelles ou des performances, mais sur la conviction – socialement construite – de l’impossibilité de réussir. Il nous faut pourtant dépasser ce questionnement en termes d’inégalités sociales, pour considérer les inégalités liées au site universitaire, c’est-à-dire au contexte pé-dagogique défini par le lieu d’inscription. Au regard de la sélectivité différentielle associée à chaque filière, les effets liés au lieu d’étude ne peuvent se mesurer qu’au sein de chacune d’entre elles. Les parcours étudiants dépendent-ils, toutes choses égales par ailleurs, du lieu d’étude ? Le fonctionnement méritocratique de la sélec-tion par l’examen que nous avons observé résiste-t-il aux spécificités locales ? Le niveau de sélectivité est-il comparable d’un site à l’autre ? En droit et en géographie, l’accès en licence en trois ans dépend étroitement du lieu d’étude. Celui-ci n’a, en revanche, aucun effet en sciences de la matière. Les inégalités dans la réussite universitaire prennent donc ici un sens nouveau. Elles se construisent plus sur des différences locales et disciplinaires que sur des différences sociales. Les figures de la méritocratie universitaire ne s’appliquent pas avec la même intransigeance dans chaque site.
 18.G. Felouzis, N. Sembel, « La construction des projets à l’Université. Le cas de quatre filières de l’université de masse , Formation et emploi, n° 58, 1997, p. 45-59. Pour des éléments plus ré-cents :La rentrée 1999 dans l’enseignement supérieur, Note d’information n° 99.47, Ministère de l’éducation nationale, décembre 1999.
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          N E G A L I T E S I ' U N I V E R S I T E A L E P E N S E R R E S L TABLEAU 3 LA RÉUSSITE DÉPEND DU SITE UNIVERSITAIRE19 ACCES EN LICENCE EN3ANS SELON LA FILIERE,LE SITE ET LES CARACTERISTIQUES DES ETUDIANTS (REGRESSION LOGISTIQUE. ODDS-RATIO)  DROIT GÉOGRAPHIE SCIENCES DE LA MATIÈRE Site universitaire Très significatif Très significatif Non significatif Marsbourg ref ref ref Bassinville 0,3** 0,9 ns 1,1 ns Venuscité 0,3** 4,9 ** 1,1 ns  Sexe Non significatif Non significatif Très significatif Masculin ref ref ref Féminin 1,2 ns 1,2 ns 1,6 **   Age en 1e année Très significatif Très significatif Non significatif 18 ans ref ref ref 19 ans 0,5 ** 0,3 ** 0,8 ns 20 ans 0,2 * 0,2 ** 0,8 ns 21 ans 0,3 ** 0,2 ** -   22 ans 0,1 ** 0 1 ** -, Série du Bac Très significatif Très significatif Très significatif A ref ref B 1,5 ** 2,4 ** ref C 5,4 ** 3,1 * 0,3 ** D 1,8 ** 2,4 * 0,6 * E 0,4 ** 0,7 ns 0,1 * F et G 0,8 ns 2,1 ns Autres Mention Très significatif TB, B, AB - - ref Passable - - 0,9 ns Sans mention - - 0,6 *  PCS Non significatif Non significatif Cadre ref ref -Prof interm 0,9 ns 1,2 ns -Art-commerçants 0,8 ns 0,9 ns -Employé 0,9 ns 1,4 ns -Ouvrier 0,8 ns 1,0 ns -Autre 0,8 ns 1,0 ns -Significativité : + de 5%= ns ; de 1% à 5% = * ; – de 1%= **  En droit, les sites de Venuscité et Bassinville sont particulièrement sélectifs comparativement à Marsbourg. Cela peut se formuler de la manière suivante : les  19.En droit et en géographie, nous ne disposons pas des mentions au bac pour l’ensemble des sites. Cette variable n’est donc pas incluse dans le modèle de régression. En sciences de la matière, l’origine sociale des étudiants fait défaut à Venuscité, cette variable n’est donc pas incluse dans le modèle.
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