Représentation : le mot, l idée, la chose - article ; n°6 ; vol.46, pg 1219-1234
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Représentation : le mot, l'idée, la chose - article ; n°6 ; vol.46, pg 1219-1234

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1991 - Volume 46 - Numéro 6 - Pages 1219-1234
Representation : the word, the thought, the thing.
The paper analyzes the implications of the mannikins (representations) which were displayed in the funerals of French and English kings since the 14th and 15th centuries. These mannikins can be connected to much longer historical series showing how in different cultural contexts images could act as mediators with the beyond In medieval Europe the status of images closely connected on one hand to the condemna tion of idolatry on the other to the veneration of relics was deeply affected by the cru cial role attributed more and more to the eucharist. The disenchantement of the images triggered by this process was precondition of the deep changes which emerged in the 13th and 14th centuries both in painting and sculpture.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 47
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Carlo Ginzburg
Représentation : le mot, l'idée, la chose
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 46e année, N. 6, 1991. pp. 1219-1234.
Abstract
Representation : the word, the thought, the thing.
The paper analyzes the implications of the mannikins ("representations") which were displayed in the funerals of French and
English kings since the 14th and 15th centuries. These mannikins can be connected to much longer historical series showing
how in different cultural contexts images could act as mediators with the beyond In medieval Europe the status of images closely
connected on one hand to the condemna tion of idolatry on the other to the veneration of relics was deeply affected by the cru
cial role attributed more and more to the eucharist. The disenchantement of the images triggered by this process was
precondition of the deep changes which emerged in the 13th and 14th centuries both in painting and sculpture.
Citer ce document / Cite this document :
Ginzburg Carlo. Représentation : le mot, l'idée, la chose. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 46e année, N. 6,
1991. pp. 1219-1234.
doi : 10.3406/ahess.1991.279008
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1991_num_46_6_279008PRATIQUES
DE LA REPRESENTATION
REPRESENTATION LE MOT I/IDEE LA CHOSE
CARLO GINZBURG
Depuis le début des années quatre-vingt représentation est devenu
dans le domaine des sciences humaines un véritable mot clé on dirait
presque un mot la mode On pense Représentations la revue lancée en 1983
par un groupe historien de philosophes et de littéraires de université de
Berkeley ou dans un contexte européen article de Roger Charrier paru
dans les Annales année dernière sous le titre allusif Le monde comme
représentation On pourrait aisément multiplier les exemples Cette fascina
tion est quelque peu surprenante représentation étant un mot vénérable
qui fait partie de notre outillage intellectuel depuis des siècles Mais tout récem
ment il acquis paraît-il des résonances nouvelles Je voudrais les analyser
une fa on indirecte La stratégie que ai adoptée un but précis détruire la
trompeuse familiarité que nous avons avec des mots tel que représentation
qui font partie de notre langage quotidien ampleur et la complexité du sujet
excuseront espère le caractère un peu schématique de mon propos Il se rat
tache un projet de recherche auquel je travaille depuis quelque temps Je vais
en donner quelques jalons
La stratégie de dépaysement que je viens évoquer commence par les voca
bulaires Dans article que ai déjà mentionné Chartier utilisé le Diction
naire de Furetière pour montrer importance tout fait centrale de la notion de
représentation dans les sociétés Ancien Régime Le but de auteur pro
poser une nouvelle définition histoire culturelle ou une histoire des prati
ques culturelles était différent du mien Il lui est arrivé toutefois de formuler
dans son texte une fa on très nette quelques-uns des problèmes que je veux
aborder hui Je vais citer un passage tiré de article de Chartier même
il est un peu long
Dans les définitions anciennes par exemple celle du Dictionnaire uni
versel de Furetière dans son édition de 1727) les entrées du mot représen
tation attestent deux familles de sens apparemment contradictoires un
côté la représentation donne voir une absence ce qui suppose une distinction
nette entre ce qui représente et ce qui est représenté de autre la représenta
tion est exhibition une présence la présentation publique une chose ou
1219
Annales ESC novembre-décembre 1991 no pp 1219-1234 PRATIQUES DE LA REPR SENTATION
une personne Dans la première acception la représentation est instrument connaissance médiate qui fait voir un objet absent en lui substituant une
image capable de le remettre en mémoire et de la peindre tel il est
De ces images certaines sont toutes matérielles substituant au corps absent un
objet qui lui ressemble ou non ainsi les mannequins de cire de bois ou de cuir
qui étaient placés au-dessus du cercueil royal pendant les funérailles des souve
rains fran ais et anglais Quand on va voir les princes morts dans leur lit de
parade on en voit que la représentation effigie ou plus générale
ment et plus anciennement la litière funèbre vide et recouverte un drap mor
tuaire qui représente le défunt Représentation se dit aussi église un
faux cercueil de bois couvert un voile de deuil autour duquel on allume des
cierges on fait un service pour un mort autres images jouent sur
un registre différent celui de la relation symbolique qui pour Furetière est
la représentation de quelque chose de moral par les images ou les propriétés
des choses naturelles ... Le lion est le symbole de la valeur la boule celui de
inconstance le pélican celui de amour matériel Un rapport déchiffrable
est donc postulé entre le signe visible et le réfèrent signifié ce qui ne veut pas
dire bien sûr il est nécessairement déchiffré tel il devrait être1
Ouvrons maintenant le Petit Robert article représentation est divisé
en deux rubriques la première commence par action de mettre devant les
yeux ou devant esprit de un définition suivie par une liste de signifi
cations particulières comme par exemple le fait de rendre sensible un objet
absent ou un concept au moyen une image une figure un signe etc
la seconde commence par le fait de remplacer un) agir sa place
dans exercice un droit définition suivie par action de représenter
étranger le fait de représenter le peuple la nation dans exercice du
pouvoir le fait de passer des contrats pour le compte une maison de
commerce Les deux rubriques ont en gros quelque chose en commun
idée de substitution de remplacement qui évoque absence Mais élément
évocateur ou mimétique se rattachant la présence ou au moins une certaine
présence) qui est central dans la première catégorie est absent dans la seconde
Si on compare article du Dictionnaire Universel de Furetière et celui du Petit
Robert on remarque tout de suite il dans ce dernier des présences
nouvelles tout fait prévisibles les représentants du peuple et de la nation
par exemple et des absences comme par exemple la référence aux
représentations utilisées dans les funérailles royales en Angleterre et en
France Ces dernières objets souvent fragiles dont très peu parfois très
restaurés sont parvenus nous seront le point de départ de mon
exposé2
Furetière observait que dans ce contexte le mot représentation pouvait
désigner soit un mannequin soit un cercueil vide On sait que usage du manne
quin royal remonte en Angleterre 1327 mort Edouard II et en France
1422 mort de Charles VI)3 usage du cercueil vide est déjà attesté en 1291
lorsque comme nous apprend un document conservé aux archives de Barce
lone les Sarrasins qui habitaient la ville aragonaise de Daroca lancèrent une
attaque contre les Juifs qui exhibaient une bière representationem en tant
que représentation du roi Alphonse III qui venait de mourir4 On doit souli-
1220 GINZBURG LE MOT ID LA CHOSE
gner pourtant que le mot représentation était pas utilisé seulement pour
les obsèques des rois un document de 1225 nous montre une femme payant
pour avoir lignée et representaci de son mary après la mort icellui
Suivant les suggestions de son maître Ernst Kantorowicz dont il été le dis
ciple le plus proche historien américain Ralph Giesey retrouvé en France
opposition théorisée par les juristes anglais aux xvie et xvne siècles entre Thé
two bodies les deux corps du roi6 En étudiant une fa on minutieuse
les rites liés la mort du roi et avènement de son successeur Giesey montré
dans un beau livre paru en anglais Genève en 1960 et traduit en fran ais
vingt-sept ans après sous le titre Le Roi ne meurt jamais le rôle de plus en plus
important joué en France pendant les périodes interrègne par effigie du
souverain décédé Depuis la fin du xve siècle les funérailles royales font appa
raître une séparation très nette entre le roi mort et son effigie selon la
remarque de Giesey le corps allait au tombeau et effigie était portée en
triomphe Cette séparation qui devait se prolonger la mort
Henri IV aurait exprimé aux yeux des contemporains la distinction mise en
valeur par Kantorowicz dans son grand livre entre le corps périssable du roi en
tant individu et le corps éternel en tant que lié une institution publique
dignitas)
Revenons pour

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents