Résumé thèse A. Kocher
4 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
4 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Universités de Neuchâtel et de Strasbourg Facultés de théologie protestante Annick Kocher « Vivre sous le regard de Dieu : une redécouverte théologique du regard » Thèse de doctorat préparée en cotutelle, sous la direction des Professeurs Félix Moser (théologie pratique) et Gilbert Vincent (philosophie de la religion) La Bible présente pléthore de regards que Dieu pose sur le monde et l’humanité. Regard omnivoyant auquel rien n’est appelé à demeurer soustrait, le regard divin manifeste l’un des modes de la relation que Dieu instaure avec sa Création et ses créatures. Les expressions qui en font mention (cf. Gn 6,12 ; Jr 16,17 ; Pr 15,3 ; Sir 23,19 ; 39,19) soutiennent l’idée que les êtres humains vivent « sous le regard de Dieu », dans leur existence aussi bien personnelle que collective. L’affirmation d’un regard divin posé en permanence sur le monde et l’humanité s’avère-t-elle plutôt réconfortante ou aliénante ? Comment les expressions bibliques qui lui sont relatives peuvent-elles être comprises aujourd’hui ? Dans ma thèse, je soutiens l’idée que ce questionnement ouvre un mode de réflexion qui introduit un lien renouvelé à la réalité visible et aux autres. Si l’on interroge nos contemporains, force est de reconnaître qu’actuellement, nous avons davantage tendance à saisir l’omnivoyance divine de manière négative, dans le sillage du « panoptisme » de Michel Foucault, c'est-à-dire comme un regard qui limite voire entrave la liberté ...

Informations

Publié par
Nombre de lectures 106
Langue Français

Extrait

Universités de Neuchâtel et de Strasbourg Facultés de théologie protestante Annick Kocher
 Vivre sous le regard de Dieu : une redécouverte théologique du regard »
Thèse de doctorat préparée en cotutelle, sous la direction des Professeurs Félix Moser (théologie pratique) et Gilbert Vincent (philosophie de la religion)
La Bible présente pléthore de regards que Dieu pose sur le monde et lhumanité. Regard omnivoyant auquel rien nest appelé à demeurer soustrait, le regard divin manifeste lun des modes de la relation que Dieu instaure avec sa Création et ses créatures. Les expressions qui en font mention (cf. Gn 6,12 ; Jr 16,17 ; Pr 15,3 ; Sir 23,19 ; 39,19) soutiennent lidée que les êtres humains vivent sous le regard de Dieu», dans leur existence aussi bien personnelle que collective.
Laffirmation dun regard divin posé en permanence sur le monde et lhumanité savère-t-elle plutôt réconfortante ou aliénante? Comment les expressions bibliques qui lui sont relatives peuvent-elles être comprises aujourdhui? Dans ma thèse, je soutiens lidée que ce questionnement ouvre un mode de réflexion qui introduit un lien renouvelé à la réalité visible et aux autres.
Si lon interroge nos contemporains, force est de reconnaître quactuellement, nous avons davantage tendance à saisir lomnivoyance divine de manière négative, dans le sillage du  panoptisme »de MichelFoucault, c'est-à-dire comme un regard qui limite voire entrave la liberté individuelle. Cette saisie négative du regard divin trouve une illustration frappante dans les travaux du philosophe Jean-Paul Sartre. Parce que lanalyse sartrienne annonce la manière dont nous abordons ces questions dans notre société médiatique, la première partie de la thèse lui est consacrée.
De par ses postulats philosophiques, Sartre perçoit le  regard de Dieu » comme une version hyperbolique du regard que les êtres humains échangent entre eux. Relevant que tout  voir » implique un  être-vu », Sartre souligne lexpérience négative à laquelle renvoie le fait dêtre regardé. Le regard de lautre vole ma liberté et aliène mon être. Il me laisse pour seule alternative soit daccepter dêtre enchaîné à son regard et, ce faisant, dêtre destitué de ma liberté (et donc, de mon être); soit de refuser cette aliénation en posant, à mon tour, mon regard sur lautre, et en exerçant à son encontre la même domination que celle dont jai été lobjet. Considérées sous cet angle, les relations humaines mènent au conflit (le  conflit des consciences »),chacun luttant pour sauvegarder son individualité et pour éviter de perdre sa liberté.
Le regard divin savère plus pernicieux que le regard humain : correspondant au  regard » du souverain, de lexigence, de lobligation ou encore de la masse anonyme, il ne laisse aucune  1
possibilité, à celui qui se sent observé, de considérer à son tour lauteur de son aliénation. Lêtre prétendument regardé ne possède donc dautre choix que daccepter cette aliénation (qui correspond, pour Sartre, à une figure de la mauvaise foi) ou de se débarrasser le plus vite possible de cette présence gênante et superfétatoire, afin de recouvrer lusage de sa liberté et son exercice responsable.
Cette présentation de Sartre offre une clé pour entrer dans la compréhension moderne de lindividu, selon laquelle ce dernier, livré à lui-même dans lexistence, na besoin ni de Dieu ni des autres pour se réaliser, et jouir de sa liberté. Son analyse du regard, toutefois, laisse insatisfait, et ce, sur plusieurs points. Indépendamment de ses présupposés et de ses postulats philosophiques, elle ne permet pas, en particulier, de sortir dune conception duelle du regard, compréhension qui conduit nécessairement au conflit : pour sexercer librement, mon regard saffronte nécessairement à celui des autres quil met en péril, et vice-versa. Ce faisant, son analyse ne permet pas de sortir du schéma qui oppose le  voir » à l être-vu » (et qui repose sur la distinction ontologique de lêtreet duparaître).
Si la compréhension de Sartre nous rejoint dans notre époque, elle savère également très négative. Dautres visions, plus nuancées, permettent de saisir différemment limpact du  regardde Dieu» sur la vie des individus. Le Réformateur Jean Calvin, lun des rares théologiens réformés qui aborde cette question dans son œuvre, en parle en effet dune tout autre manière. Calvin ne nie pas la dimension menaçante que peut recouvrir le regard de Dieu » ;sa conception a peut-être même contribué à nourrir des pensées comme celle de Sartre. Toutefois, Calvin met également en avant une dimension bienveillante et libératrice, de telle sorte que laspect négatif que peut revêtir le  regard de Dieu» ne prenne jamais le pas sur sa dimension positive. Bien que les pensées de Sartre et de Calvin relèvent dépoques très distinctes, lune comme lautre alimente la réflexion que je mène quant à une compréhension actuelle du regard de Dieu». En effet, contrairement à Sartre, Calvin introduit une rupture entre le regard de Dieu» et le regard humain: en aucune façon, le  regardde Dieu» ne constitue le prolongement ou une version hyperbolique du regard échangé dans les relations humaines. Au contraire, laffirmation du  regard de Dieu » rompt toute logique propre au monde visible ou au mode visuel humain. Il se donne à saisir comme un Invisible qui gouverne le visible.
Dans sonInstitution de la religion chrétienne, JeanCalvin appréhende la thématique du regard divin en lien avec celle de la Providence. Du latinpro-viderevoir en (quisignifie  avant »,  prévoir » ou  pourvoir »), la Providence défend lidée que le monde est soutenu et dirigé par une présence divine agissante. De même que tout repose entre les mains de Dieu, son regard »embrasse la Création tout entière. Rien ne lui échappe; nul événement, quil soit passé, présent ou futur. Sarticulant aux doctrines de la Création dune part et de la Prédestination dautre part, la Providence repose sur la capacité omnivoyante de Dieu : par le  regard »quil pose sur sa Création et ses créatures, Dieu pourvoit aux besoins de toute chose, en même temps quil conduit chaque existence particulière selon la destinée quil lui a assignée, dans sa préscience éternelle. Dans le cadre de la doctrine de la Providence, le  regardde Dieu» témoigne de la bonté et de la sollicitude divines; il veille au bon fonctionnement de la Création ; il accompagne et guide le genre humain quil veut  mener à salut ».
Dans cette perspective, et en lien avec la doctrine de la Sanctification – comme en témoignent notamment lesSermons sur Job–, le regard divin peut aussi se révéler effrayant : voyant tout, Dieu tient des registres» en vue du jour du Jugement, qui fera venir chacun à conte».
2
Dans ce cadre, le  regard de Dieu » revêt un aspect inquiétant, voire menaçant : il enjoint les êtres humains dadopter un comportement vertueux.
e En homme du XVIsiècle, Calvin présente une image de Dieu ambivalente, qui perdurera e dans lhistoire de la réception de ses écrits. Nombre de liturgies francophones, datant du XIX e jusquau milieu du XXsiècles, portent la trace de cette articulation entre, dun côté, la bonté et la miséricorde divines qui se rattachent au  regard de Dieu » et, de lautre, la menace que ce dernier semble comporter et qui est destinée à encourager les auditeurs à changer de comportement.
Face à cette ambivalence qui semble caractériser le regard divin, comment appréhender cette e question, à laube du XXIsiècle ?
e Sous limpulsion des sciences humaines et des sciences du langage, la théologie du XXsiècle a été amenée à remettre en avant la dimension triadique qui caractérise la relation à Dieu, et à revaloriser la dimension du signe qui est impliquée dans toute relation à Dieu. A partir dune réflexion sur les médiations qui interviennent dans notre rapport au monde et aux autres, javance lidée, dans la troisième et dernière partie, que le regard de Dieu» ne peut se comprendre quà partir de cette conception triadique de la relation à Dieu, et de la notion de signe.
Après avoir défini ce que lon doit entendre sous les termes de signe »(à partir des réflexions de Saint-Augustin, Charles Sanders Peirce et Umberto Eco) et de médiation symbolique »,jesquisse de quelle manière le signe »nous invite à faire droit à la dialectique du visible et de linvisible, lorsquelle se formule en lien avec la thématique du regard divin. Pour ce faire, je mintéresse à lun des lieux dans lesquels le  regard de Dieu » est encore non seulement évoqué, mais invoqué, à savoir le culte. Létude de la cène, par linstitution déléments appelés à signifier autre chose que ce quils offrent à la vue, me permet de montrer comment nous sommes invités à saisir le  regard de Dieu » : non comme un regard posé  au-dessus de nous », mais comme un regard exercé  parmi nous ». La voie suggérée par les travaux de Maurice Merleau-Ponty sur le visible et linvisible, ainsi que les réflexions de Calvin sur la cène, me permettent davancer lidée que le  regard de Dieu » se donne à percevoir et à comprendre comme une expérience dapprofondissement du visible par linvisible. Lexpérience de la transcendance dans limmanence, que nous invite à faire la cène, me permet de proposer un renouvellement du regard : refusant de se laisser fasciner par ce quil voit – lévidence –, le regard se rend désormais attentif à ce qui lui échappe, à savoir linvisible. Appelé à se concrétiser parmi nous», le regard de Dieu», en quelque sorte, vient au monde »,pour reprendre une expression du théologien Eberhard Jüngel. Cette venue au monde » introduit une nouvelle manière dappréhender le  regard de Dieu ». Elle ouvre des perspectives de théologie systématique, en ce qui concerne la compréhension même de la relation à Dieu – appelée à être saisie à partir de la notion de signe –, mais aussi de théologie pratique, en ce qui concerne sa mise en scène cultuelle, notamment dans la cène. Elle comprend également des prolongements philosophiques qui permettent à lindividu déchapper à la schizophrénie existentielle moderne, induite par la société du spectacle : entre le désir dêtre vu à tout prix et déchapper au regard de lautre ou, pour le dire autrement, entre un exhibitionnisme et un panoptisme à outrance, souvre une troisième voie qui permet déchapper au clivage de lêtre et du paraître ; cette voie, qui instaure une juste distance avec nous-mêmes, avec les autres et avec Dieu, instaure une manière dêtre que je développe à partir de la notion de pudeur.  3
A lencontre dune tendance actuelle qui définit le regard à partir de limmédiateté, de lubiquité, de la transparence et de la toute-puissance, la prise en compte de linvisible comme approfondissement du visible, quintroduit la perspective du regard de Dieu», nous invite en effet à lutter contre le phénomène de  survisibilité » ou de  surexhibition » auquel nous assistons aujourdhui, dans notre société médiatique. Elle nous enjoint de renouer avec notre incarnation, avec notre attache corporelle et sensible avec le monde. Ce faisant, elle nous amène à développer un regard  voyant », c'est-à-dire un regard qui célèbre  lénigme de la vision »,emblématique de celle dun Dieu qui, sil échappe à notre vue, nen sous-tend pas moins cette vision. Linvisible ne demande pas à rester dans sa quiète demeure, mais ne prend la dimension de contrefort du visible que lorsquil se trouve en interrelation avec lui, que lorsque, appelé par le visible, il le rend possible. Alors lui-même partage quelque chose de cette visibilité, jusquà en devenir presque  visible ». Publications effectuées au cours de la thèse Annick Kocher,  La croisée du visible et de linvisible chez Merleau-Ponty : ouverture pour la liturgie »,Bulletin du Centre dÉtudes58/3, Genève, Centre Protestant dÉtudes, mai 2006. Annick Kocher, La pudeur: une attitude spirituelle? »in :: revueLa Chair et le Souffle internationale de théologie et de spiritualité, vol. 4, n°2, Québec, éd. Bellarmin, septembre 2009 , pp. 77-89.
4
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents