Revue d esthétique - article ; n°1 ; vol.12, pg 407-423
18 pages
Français

Revue d'esthétique - article ; n°1 ; vol.12, pg 407-423

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
18 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

L'année psychologique - Année 1905 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 407-423
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1905
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

P. Souriau
Revue d'esthétique
In: L'année psychologique. 1905 vol. 12. pp. 407-423.
Citer ce document / Cite this document :
Souriau P. Revue d'esthétique. In: L'année psychologique. 1905 vol. 12. pp. 407-423.
doi : 10.3406/psy.1905.3723
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1905_num_12_1_3723V
REVUE D'ESTHÉTIQUE
Cette première revue comprendra une récapitulation des œuvres
les plus significatives parues au cours des quatre dernières années.
L'esthétique est seulement en voie de se constituer comme
science; ce qui le prouve bien, c'est qu'elle en est encore à dis
cuter ses méthodes. Doit-elle recourir exclusivement à l'observa
tion interne, ou aux méthodes objectives?
Ces discussions sont à l'ordre du jour. Dans un certain nombre
de travaux récents, cette préoccupation de méthode prime toutes
les autres. Elle est en effet d'un intérêt majeur. Mais je ne crois
pas qu'il soit possible de déterminer ainsi d'une manière générale
quelle est la méthode qui convient le mieux à l'esthétique. Le
champ à explorer est vaste. Les problèmes à résoudre sont d'ordre
très divers. Il est possible, et l'on n'y a pas assez songé, ce me
semble, qu'à des questions différentes conviennent des procédés
d'investigation particuliers.
Nous essaierons donc de sérier les problèmes, en insistant sur la
méthode suivie, dans les travaux les plus récents, pour résoudre
chacun d'eux. Il se peut que quelques-uns des cadres que nous
aurons ainsi déterminés d'avance restent vides, faute d'une étude
sérieuse que nous puissions y faire rentrer. Mais cela même serait
instructif : ce serait une indication pour des recherches futures.
Une première division s'impose. Il convient d'étudier à part les
phénomènes psychiques que détermine en nous la contemplation
des beautés de la nature ou de l'art, et ceux qui constituent l'acti
vité artistique. Le point de vue est tout différent. Les énergies psy
chiques mises en jeu ne sont pas les mêmes. Il y a là matière a
deux enquêtes distinctes.
LE SENTIMENT DU BEAU
Description. — II s'agit tout d'abord de savoir ce qui se passe en
nous, en présence des belles choses. Ceci est œuvre de psychologie
purement descriptive. C'est le cas ou jamais de recourir à l'obser
vation intérieure. Les pensées ou les émotions que la beauté nous
inspire étant des faits tout intimes et de pure conscience, ne peu
vent évidemment être connus dans leur réalité que par intro
spection.
Mais les résultats de cette observation subjective ont-ils une 408 REVUES GÉNÉRALES
valeur scientifique? Fourniront-ils à la psychologie des documents
dans lesquels on puisse avoir confiance? D'innombrables écrivains
nous ont décrit leurs émotions devant les grands spectacles de la
nature ou les chefs-d'œuvre de l'art. Tout cela est perdu pour la
psychologie. Dans ces descriptions on peut toujours soupçonner de
l'affectation et de l'emphase littéraire. Bien rares seront les écri
vains qui, devant un chef-d'œuvre consacré, oseront avouer, comme
M. Barrés l'Acropole, une déception. Les psychologues n'ont
pas échappé à ce travers. Leurs témoignages restent toujours
quelque peu suspects. Aussi quelques esthéticiens conseilleront-ils
de ne tenir aucun compte de ce genre d'observations.
C'est ce que recommande L. Bray *. « II est d'usage de convier le
lecteur à se placer en imagination devant quelque belle production
de la nature et à analyser les impressions que ce spectacle ne peut
manquer de faire naître en son esprit. Il va sans dire que l'auteur
se réserve prudemment la haute direction de ce travail d'investi
gation. Nous ne pouvons nous résoudre à prendre au sérieux
pareille dérision de la méthode expérimentale. Le désaccord pro
fond où elle a conduit les soi-disant observateurs est la condamnat
ion sans appel du procédé : il est inadmissible que l'observation
impartiale et vraiment scientifique mène ceux qui y recourent à
des divergences aussi radicales. Nous ne voulons point médire de
l'observation interne; mais il faut avouer que, en matière d'esthé
tique, ses résultats nous enlèvent toute confiance. Dans notre ana
lyse expérimentale du beau, nous aurons exclusivement recours à externe » (p. 82). Pour déterminer aussi objectivement
que possible les véritables éléments du sentiment esthétique, il fau
drait donc l'étudier dans son évolution, chez l'enfant, dans les races
inférieures ou peu civilisées, plus bas même, dans la vie animale.
Nous l'obtiendrions ainsi dans ses formes réellement élémentaires;
et cette régression vers ses origines équivaudrait à une véritable
analyse. Cette méthode conduit l'auteur aux résultats suivants. Le
sentiment du beau a son origine dans le besoin et le plaisir de se
distinguer. Ce besoin de distinction, qui est sa forme primitive, se
retrouvera au fond de toutes les manifestations esthétiques de
l'humanité; il expliquera le goût prononcé du primitif pour les
objets brillants, les couleurs vives, les ornements qui attirent vi
olemment le regard; il persistera jusque dans l'activité artistique la
plus développée, qui tend toujours à l'originalité, à la distinction.
« L'étude de la production artistique nous ramène donc à notre
point de départ : le sentiment du beau dans l'art, comme ailleurs,
est, en dernière analyse, le plaisir qui naît de la perception d'une
distinction, et chez l'artiste, et dans son œuvre » (p. 281).
Cette méthode, actuellement très en faveur, et qui consiste à
remonter aux origines, serait excellente si les origines pouvaient
être bien connues, et s'il nous était plus facile d'entrer dans l'état
1. Lucien Bray, Du beau. Essai sur l'origine et l'évolution du sentiment
esthétique. Paris, Alcan, 1902. SOURIAU. — REVUE D'ESTHÉTIQUE 409 P.
d'âme des êtres primitifs que dans celui des civilisés nos contemp
orains. Tout en reconnaissant l'intérêt de ces études d'esthétique
comparée, je ne compterais donc pas beaucoup sur elles pour faire
avancer la psychologie esthétique. Il ne faut pas se laisser fasciner
par ce mot à'objectif que l'on finit par regarder comme synonyme
de rigueur scientifique et de certitude. A ce compte, il faudrait dire
que la connaissance la plus objective que nous puissions acquérir,
c'est précisément celle des faits subjectifs. Pour le cas particulier
des sentiments, et plus spécialement encore des sentiments esthé
tiques, qui sont parmi les plus intimes et les plus profonds de tous,
la méthode d'introspection est tout indiquée. Il serait par trop
étrange d'exclure de l'esthétique un procédé d'observation sans
lequel on ne soupçonnerait même pas que le sentiment du beau
existe.
Le mieux, au contraire, est d'y recourir franchement, en inst
ituant à ce sujet un programme d'observations purement indivi
duelles, comme le propose Vernon Lee, dans ses Essais d'esthétique
empirique l. L'auteur prend les émotions esthétiques dans leur
complexité naturelle, telles qu'elles se produisent devant l'œuvre
d'art, et cherche seulement à se rendre compte de ce qui se passe
en lui. Effort pour entrer dans l'œuvre d'art2. Remarques intéres
santes sur la tendance à mimer intérieurement le geste et l'att
itude des statues, qui se produit surtout devant les œuvres
de qualité inférieure (p. 5:j). L'action de l'art n'est pas hypnotique,
mono-idéistique, mais synthétique au plus haut degré (p. 139). La
contemplation esthétique ne restreint pas nos activités, mais les met
en harmonie avec la chose vue ou. entendue (p. 138). — Ces obser
vations méthodiques sont d'excellent exemple. Le sens de la pro
bité expérimentale s'est développé. Quand il sera bien entendu
qu'il s'agit d'observations précises, faites pour fournir des docu
ments à la science, et présentées sans aucun apprêt littéraire,
nous pourrons compter sur la bonne foi des observateurs, qui
d'ailleurs se contrôleront l'un par l'autre. Quant au trouble résultant
du fait même de s'observer, il doit

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents