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Réduire le risque systémique sur les marchés de dérivés de gré à gré (OTC)NOUT WELLINKPrésidentComité de Bâle sur le contrôle bancairePrésidentDe Nederlandsche BankL’expérience récente a montré que les turbulences sur les marchés de dérivés de gré à gré pouvaient constituer un facteur d’aggravation de la crise fi nancière. Il s’agit dorénavant pour les responsables politiques de réduire les risques que ces marchés font peser sur le système fi nancier. Favoriser l’accroissement du rôle de la compensation par contrepartie centrale (CCP) constitue en ce sens un pas dans la bonne direction, dans la mesure où le risque de contrepartie se trouvera réduit, et la transparence, améliorée. Cependant, une telle évolution ne peut constituer qu’une réponse partielle, les systèmes de gestion des risques des contreparties centrales n’étant pas nécessairement équipés pour assurer la compensation de tous les types de contrats sur dérivés. En outre, une compensation avec contrepartie centrale tend à concentrer les risques, ce qui peut aggraver le risque systémique. Dès lors, il est essentiel que les CCP disposent de systèmes de gestion des risques robustes. Par ailleurs, le renforcement de l’intégrité et de la transparence du marché de gré à gré mérite également notre attention, car une partie de ces transactions continuera d’être compensée de cette manière. Au regard du caractère international des marchés de dérivés de gré à gré, la coordination entre les autorités ...

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Banque de France • Revue de la stabilité fi
nancière • N° 14 – Produits dérivés – Innovation fi
nancière et stabilité • Juillet 2010 151
Réduire le risque systémique
sur les marchés de dérivés de gré à gré (OTC)
L’expérience récente a montré que les turbulences sur les marchés de dérivés de gré à gré pouvaient
constituer un facteur d’aggravation de la crise fi nancière. Il s’agit dorénavant pour les responsables politiques
de réduire les risques que ces marchés font peser sur le système fi nancier. Favoriser l’accroissement du
rôle de la compensation par contrepartie centrale (CCP) constitue en ce sens un pas dans la bonne
direction, dans la mesure où le risque de contrepartie se trouvera réduit, et la transparence, améliorée.
Cependant, une telle évolution ne peut constituer qu’une réponse partielle, les systèmes de gestion des
risques des contreparties centrales n’étant pas nécessairement équipés pour assurer la compensation
de tous les types de contrats sur dérivés. En outre, une compensation avec contrepartie centrale tend
à concentrer les risques, ce qui peut aggraver le risque systémique. Dès lors, il est essentiel que les CCP
disposent de systèmes de gestion des risques robustes. Par ailleurs, le renforcement de l’intégrité et de la
transparence du marché de gré à gré mérite également notre attention, car une partie de ces transactions
continuera d’être compensée de cette manière. Au regard du caractère international des marchés de
dérivés de gré à gré, la coordination entre les autorités nationales de surveillance et de régulation est
la clé du succès de toute initiative en la matière.
N
OUT
WELLINK
Président
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire
Président
De Nederlandsche Bank
É
TUDES
Nout Wellink : « Réduire le risque systémique sur les marchés de dérivés de gré à gré (OTC) »
152 Banque de France • Revue de la stabilité fi
nancière • N° 14 – Produits dérivés – Innovation fi
nancière et stabilité • Juillet 2010
A
u cours des dernières décennies, nous
avons assisté à l’émergence des marchés de
dérivés de gré à gré (
over-the-counter
– OTC).
Selon les dernières estimations de la BRI
1
, la
valeur notionnelle des contrats OTC en cours a
dépassé le montant colossal de 600 000 milliards
de dollars. Bien que les dérivés aient contribué à
l’innovation fi
nancière et à l’effi
cience des marchés,
les dernières années ont également montré que ces
marchés pouvaient aggraver les crises fi
nancières.
Comme on pouvait s’y attendre, c’est aujourd’hui
un sujet de débats passionnés entre responsables
politiques, intervenants de marché et universitaires
à l’échelle mondiale. Il existe un consensus sur le
fait que les marchés OTC doivent devenir plus sûrs,
plus robustes et plus transparents. À cet égard, un
rôle décisif devrait être attribué aux contreparties
centrales (CCP). Cependant, en dépit du fait que
les CCP peuvent sans aucun doute contribuer à
réduire le risque systémique, elles induisent aussi
un risque éventuel de concentration. Ces risques
peuvent devenir systémiques dès lors qu’une CCP
atteint une taille suffi
sante. Par conséquent, nous
devons nous assurer que ces risques sont réduits de
manière appropriée. En outre, même si une évolution
vers une augmentation de la compensation par
contrepartie centrale représente une avancée dans
la bonne direction, ce n’est qu’une solution partielle
au risque systémique sur les marchés de dérivés OTC,
puisqu’il subsistera toujours, en parallèle, un marché
de gré à gré.
Dès lors, le renforcement de la sécurité
et de la transparence de ce dernier mérite tout autant
d’attention. Les principaux leviers sur lesquels les
responsables politiques peuvent agir sont les exigences
en fonds propres et la transparence qui, étant donné
l’interconnexion des échanges sur dérivés au niveau
international, devraient être harmonisées dans un
cadre réglementaire unique à l’échelle mondiale.
1| L
ES
CONTREPARTIES
CENTRALES
:
UNE
PARTIE
DE
LA
SOLUTION
Les turbulences sur les marchés de dérivés OTC
peuvent avoir une infl
uence défavorable sur la
stabilité financière d’au moins deux manières.
Premièrement, la défaillance d’un opérateur
important pourrait propager des pertes substantielles
aux autres institutions fi
nancières (systémiques).
Deuxièmement, la crainte de la défaillance d’un
opérateur important — qu’elle soit justifi
ée ou non
— pourrait provoquer une désaffection pour son
portefeuille de dérivés, accroissant ainsi la probabilité
de la survenance d’une véritable défaillance. Sous
ces deux aspects, la nature opaque des marchés
de dérivés OTC contribue pour une large part aux
perturbations fi
nancières. Dans ce contexte, les
responsables politiques du monde entier — dont
la banque centrale néerlandaise — ont appelé à
une standardisation croissante des contrats de
dérivés OTC pour susciter une
augmentation de la
compensation par contrepartie centrale. Celle-ci peut
réduire le risque à l’intérieur du système fi
nancier
de plusieurs façons.
U
NE
CCP
RÉDUIT
LE
RISQUE
DE
CONTREPARTIE
Une CCP
prend en charge le risque de contrepartie de
ses membres. Dans le modèle avec CCP, un membre
de la chambre de compensation n’a à traiter qu’avec
une contrepartie à la crédibilité élevée plutôt qu’avec
une multitude de contreparties présentant des profi
ls
de risques divers. D’autre part, sur un marché où la
compensation est bilatérale, les intervenants doivent
évaluer chaque contrepartie. En outre, en cas de
défaillance, le dénouement des positions risque fort
de devenir un processus très long accompagné d’une
période prolongée d’incertitude. Par ailleurs, les
parties concernées devront préserver leurs propres
intérêts, supportant ainsi très vraisemblablement des
frais juridiques et administratifs importants.
En tant que contrepartie centrale pour un certain
nombre d’intervenants de marché, une CCP a la
possibilité de compenser sur une base multilatérale
plutôt que bilatérale. La compensation multilatérale
est effi
cace dans la mesure où elle est capable,
davantage que la compensation bilatérale, de
réduire les expositions globales dans le système.
Néanmoins, une condition préalable à la réalisation
de ces gains en termes d’efficience est que le
nombre d’intervenants de marché optant pour la
compensation centrale soit important par rapport
au
nombre de ceux qui continuent à compenser
en bilatéral (cf., par exemple, Duffi
e et Zhu, 2010
2
).
S’agissant notamment des contrats sur CDS (
credit
1
http://www.bis.org/publ/otc_hy0911.htm
2
Duffi
e (D.) et Zhu (H.) (2010) : “
Does a Central Clearing Counterparty Reduce Counterparty Risk?”
,
Graduate School of Business, Stanford University
É
TUDES
Nout Wellink : « Réduire le risque systémique sur les marchés de dérivés de gré à gré (OTC) »
Banque de France • Revue de la stabilité fi
nancière • N° 14 – Produits dérivés – Innovation fi
nancière et stabilité • Juillet 2010 153
default swap
), une CCP pourrait ne pas toujours
être à même de réduire complètement le risque de
contrepartie, ces marchés se caractérisant en général
par un nombre relativement faible d’opérateurs
détenant des positions relativement importantes, à
la liquidité souvent limitée. En outre, la gestion du
risque devient plus délicate pour les contreparties
centrales lorsque seules certaines classes d’actifs
(par exemple CDS ou
swaps
de taux d’intérêt) sont
traitées à un niveau centralisé, ce qui réduit les
possibilités de compensation.
IMPOSE
DES
EXIGENCES
EN
MATIÈRE
DE
GARANTIES
Sur un marché où la compensation est bilatérale,
les opérateurs sur dérivés peuvent être confrontés à
des pressions commerciales les incitant à renoncer
à exiger des dépôts de garantie. Selon l’ISDA
3
,
23 % des transactions bilatérales ne donnent pas
lieu à garantie, et pour les 77 % restant il n’est pas
clairement établi dans quelle mesure les positions
sont couvertes par une garantie. Une CCP renforce
la sécurité sur les marchés de dérivés non seulement
en exigeant un appel de marge, mais également un
dépôt de garantie et des contributions au fonds de
garantie de la chambre de compensation. Le dépôt
de garantie est versé par les membres de la chambre
de compensation à la CCP pour couvrir d’éventuelles
expositions futures au risque de crédit. De fait, les
membres de la chambre de compensation fournissent
les ressources à utiliser en cas de défaillance de leur
part. C’est séduisant d’un point de vue économique,
à l’instar du principe du « pollueur-payeur ».
La deuxième ligne de défense en cas de défaillance
d’un membre de la chambre de compensation est le
fonds de garantie de la CCP ; une CCP réclame à ses
participants une contribution au fonds de garantie
de la chambre de compensation pour couvrir des
pertes ou des tensions sur la liquidité résultant de la
défaillance de l’un d’entre eux. Ainsi, les pertes non
couvertes par des garanties sont réparties entre les
membres de la chambre de compensation. En outre,
le groupe de travail CSPR-OICV
4
a recommandé
que les systèmes de gestion des risques d’une CCP
soient conçus de façon à résister (à tout moment)
à la défaillance du membre le plus important de la
chambre de compensation.
Néanmoins, les intervenants sur un marché où
la compensation est bilatérale sont également en
mesure de mutualiser la répartition des pertes, par
exemple en utilisant une assurance sous forme de
garantie par un tiers. De cette façon, le coût de ces
garanties est réparti entre les clients. Théoriquement,
ce type d’assurance centralise également l’évaluation
et la réduction du risque. Malheureusement, c’est
une pratique peu répandue sur les marchés où la
compensation est bilatérale.
Enfin, un facteur important de réduction des
risques inhérents à une CCP est qu’elle calcule ses
nouvelles exigences en matière de garanties au
moins sur une base quotidienne, et s’assure que les
garanties sont effectivement apportées.
Ce n’est
pas nécessairement le cas sur un marché où la
compensation est bilatérale. En fait, alors que sur
les marchés avec compensation en bilatéral, 23 %
des risques ne sont actuellement pas couverts par
des garanties, pour les produits compensés de façon
centralisée le risque non couvert est nul du fait des
exigences en termes de dépôt de garantie et appels
de marge et des contributions au fonds de garantie
de la chambre de compensation. En bref, dans un
monde avec compensation centralisée, le risque de
contrepartie peut être réduit de façon plus effi
cace
que dans un monde avec compensation bilatérale.
ET
AMÉLIORE
LA
TRANSPARENCE
La transparence avant et après négociation renforce
l’efficience des marchés et réduit le risque de
marché. Cela est particulièrement appréciable sur
les marchés OTC, qui sont par nature opaques. Les
CCP peuvent améliorer la transparence des prix
pratiqués de gré à gré et permettre d’identifi
er
quelles sont les contreparties qui ont des positions
d’importance systémique. Les CCP peuvent publier
ces
informations sur une base quotidienne. Ce type
d’information est très appréciable pour les autorités
de contrôle macroprudentiel. Il convient de noter
toutefois que le fait qu’une CCP publie effectivement
ces données dépend de ses pratiques en matière de
communication d’informations. Il convient donc
d’imposer des exigences strictes en matière de
communication fi
nancière et d’accès à l’information.
3
ISDA :
International Swaps and Derivatives Association
4
Comité sur les systèmes de paiement et de règlement – Organisation internationale des commissions de valeurs (2004) : « Recommandations pour les contreparties centrales »
É
TUDES
Nout Wellink : « Réduire le risque systémique sur les marchés de dérivés de gré à gré (OTC) »
154 Banque de France • Revue de la stabilité fi
nancière • N° 14 – Produits dérivés – Innovation fi
nancière et stabilité • Juillet 2010
Les dépositaires centraux de données (phénomène
relativement récent qui fonctionne comme un
entrepôt de données pour les contrats OTC) ont été
proposés comme alternative. Malheureusement, ils
ne fournissent actuellement que des informations
sur les valeurs nominales et ne les publient pas
sur une base quotidienne. Par conséquent, jusqu’à
présent les CCP sont en mesure de fournir un degré
de transparence plus élevé.
En résumé, une CCP peut contribuer à la stabilité
fi
nancière et à la standardisation des contrats de
dérivés OTC en réduisant le risque de contrepartie,
en assurant une compensation multilatérale, en
exigeant des dépôts de garantie et des contributions
au fonds de garantie de la chambre de compensation,
et en améliorant la transparence.
2| L
A
COMPENSATION
PAR
CONTREPARTIE
CENTRALE
:
UN
PAS
DANS
LA
BONNE
DIRECTION
MAIS
PAS
LA
PANACÉE
Si les arguments précités militent en faveur d’un rôle
plus important de la compensation par contrepartie
centrale, celle-ci n’est pas pour autant la panacée pour
l’ensemble des produits et des marchés. Le recours
à une CCP est particulièrement intéressant pour les
marchés où se négocient des contrats extrêmement
liquides et standardisés. En effet, le risque de
contrepartie est moins élevé sur les produits liquides
que sur les produits peu liquides, dans la mesure où les
premiers peuvent être liquidés relativement facilement
à la suite d’un événement de crédit. La protection
requise pour couvrir ces risques est susceptible
d’imposer des appels de marges qui rendent la
compensation par contrepartie centrale excessivement
coûteuse pour les intervenants de marché (on peut
cependant s’interroger sur la viabilité économique
de ces produits s’ils s’avèrent trop coûteux pour faire
l’objet d’une compensation par contrepartie centrale).
Par conséquent, la CCP doit traiter uniquement les
contrats pour lesquels les transactions atteignent des
volumes substantiels. Une autre condition nécessaire
à la compensation par contrepartie centrale est la
relative uniformité de la qualité de signature des
participants. Lorsque les marges disponibles et les
actifs du fonds de compensation ne suffi
sent pas à
couvrir les pertes en cas de défaillance, c’est non
seulement le pollueur mais également les survivants
qui fi
nissent par payer la facture.
L
ES
RISQUES
DE
CONCENTRATION
DOIVENT
ÊTRE
RÉDUITS
LE
PLUS
POSSIBLE
Bien qu’elle absorbe et réduise le risque de contrepartie
par le biais de la compensation multilatérale, la CCP
ne l’élimine cependant qu’en partie. De fait, le risque
de contrepartie est concentré au niveau de la CCP.
Dans le cas d’une CCP de grande taille, ce risque
peut devenir systémique. La défaillance d’une CCP
aurait alors pour effet direct de faire subir des pertes
substantielles à ses contreparties, qui peuvent être
des institutions fi
nancières d’importance systémique.
L’effet indirect pourrait être encore plus inquiétant, à
savoir une perte de confi
ance dans la compensation
centralisée d’une manière générale, entraînant une
désaffection vis-à-vis des CCP. Naturellement, il est
fondamental que celles-ci disposent de systèmes de
gestion des risques robustes, compte tenu notamment
des caractéristiques complexes des produits
dérivés OTC en la matière. Il est essentiel, à cet égard,
de prévenir l’arbitrage réglementaire, la concurrence
entre CCP en termes de normes de gestion des
risques étant susceptible de nuire gravement à la
stabilité du système. Dès lors, l’importance d’une
approche cohérente à l’échelle internationale apparaît
clairement (les travaux du Forum des régulateurs
de produits dérivés OTC et les recommandations
CSPR-OICV relatives à la compensation des produits
dérivés OTC sont précieux à cet égard).
En outre, l’ensemble des CCP doit au moins avoir
accès à un minimum d’infrastructures de banque
centrale. Si une CCP se trouve confrontée à une
pénurie temporaire de liquidité, l’accès aux lignes
de liquidité intrajournalières de la banque centrale
pourrait désamorcer le problème, réduisant ainsi le
risque de perturbations fi
nancières inutiles.
É
TUDES
Nout Wellink : « Réduire le risque systémique sur les marchés de dérivés de gré à gré (OTC) »
Banque de France • Revue de la stabilité fi
nancière • N° 14 – Produits dérivés – Innovation fi
nancière et stabilité • Juillet 2010 155
3| L’
ACCROISSEMENT
DE
LA
SÉCURITÉ
ET
DE
LA
TRANSPARENCE
DES
CONTRATS
SUR
PRODUITS
DÉRIVÉS
OTC
FAISANT
L
OBJET
D
UNE
COMPENSATION
BILATÉRALE
Si une part de plus en plus signifi
cative de contrats
sur produits dérivés est appelée à faire l’objet
d’une compensation par contrepartie centrale (en
partie sous l’effet des réformes réglementaires),
ce ne sera pas le cas pour tous. De toute évidence,
il subsistera toujours des contrats qui sont tout
simplement inéligibles à la compensation par
contrepartie centrale. De plus, les intervenants de
marché peuvent, dans certains cas, être incités à
privilégier la compensation bilatérale par rapport
à la compensation
par contrepartie centrale, la
protection offerte par cette dernière impliquant un
coût : les dépôts de garantie et les contributions
obligatoires au fonds de compensation de la CCP.
Ces coûts peuvent être perçus comme une charge
signifi
cative, notamment en période de pénurie de
liquidité. Cependant, même si les autorités nationales
décidaient de rendre obligatoire la compensation par
contrepartie centrale des contrats qui y sont éligibles,
en pratique cela pourrait s’avérer diffi
cile à appliquer.
Après tout, il est extrêmement diffi
cile de déterminer
si un contrat sur produit dérivé n’est pas standardisé
en raison du besoin spécifi
que auquel il répond, ou
parce qu’il sert simplement à contourner l’obligation
de compensation. Si l’exclusion pure et simple des
produits inéligibles à la compensation par contrepartie
centrale peut sembler être la solution, elle comporte
néanmoins d’importants
inconvénients. On ne peut
pas ignorer le fait que les produits dérivés OTC
jouent un rôle non négligeable au sein du système
financier. Outre les possibilités de couverture
qu’ils offrent aux institutions tant fi
nancières que
non fi
nancières et que ne permettent pas toujours les
contrats standardisés, ces produits sont de nature à
encourager l’innovation fi
nancière. Lorsqu’un nouveau
produit est créé, on peut s’attendre à ce que les volumes
traités soient peu importants au départ. S’il se révèle
apporter une vraie valeur ajoutée dans l’éventail de
produits existants, il est très probable qu’il deviendra
plus liquide et pourra fi
nalement être standardisé.
Si on suppose qu’une certaine proportion de contrats
continuera de faire l’objet d’une compensation
bilatérale, il est extrêmement important, outre le
fait d’encourager la compensation par contrepartie
centrale et de créer un cadre de surveillance
réglementaire solide pour les CCP, de renforcer la
sécurité des marchés de dérivés OTC. Le problème
fondamental des marchés ayant un système de
compensation bilatérale est que les pratiques de
gestion des risques doivent prendre en compte non
seulement le risque de contrepartie, mais également
les risques additionnels auxquels le système fi
nancier
est exposé. Ces risques additionnels sont considérés
comme une externalité négative, comparable à la
pollution. S’ils sont entièrement absorbés par le
marché, les résultats en termes de collatéralisation
pourraient être inférieurs à l’optimum social. Si les
décideurs doivent veiller à ne pas intervenir indûment
sur les marchés, l’existence d’externalités (négatives)
est néanmoins une raison valable justifi
ant un certain
degré d’intervention.
R
ENFORCER
LES
EXIGENCES
EN
FONDS
PROPRES
POUR
LES
CONTRATS
FAISANT
L
OBJET
D
UNE
COMPENSATION
BILATÉRALE
Afi
n de favoriser le recours à la compensation par
contrepartie centrale, Bâle II applique une pondération
en fonds propres de 0 % aux positions sur produits
dérivés traitées par une CCP. Le Comité de Bâle sur le
contrôle bancaire formule actuellement des propositions
de renforcement des exigences en fonds propres au titre
des expositions au risque de contrepartie provenant
(entre autres) des activités sur produits dérivés
5
.
Le principe de base est simple : la pondération en
fonds propres appliquée aux produits dérivés faisant
5
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (2009) : «
Strengthening the resilience of the banking sector »
É
TUDES
Nout Wellink : « Réduire le risque systémique sur les marchés de dérivés de gré à gré (OTC) »
156 Banque de France • Revue de la stabilité fi
nancière • N° 14 – Produits dérivés – Innovation fi
nancière et stabilité • Juillet 2010
l’objet d’une compensation bilatérale sera plus élevée
que pour ceux traités par une CCP, ce qui permet de
couvrir, au moins dans une certaine mesure, le risque
supplémentaire auquel la compensation bilatérale
expose le système. Les propositions du Comité
comportent un autre avantage important : en accroissant
le coût de la compensation bilatérale, elles incitent au
recours à une CCP pour la compensation des positions
sur produits dérivés. À l’heure actuelle, les avantages du
recours à une CCP ne compensent pas toujours le coût
induit. Cette situation est susceptible de changer avec
la défi
nition d’exigences en fonds propres relativement
élevées pour les produits dérivés ne faisant pas l’objet
d’une compensation. Toutefois, les exigences en fonds
propres relatives aux contrats OTC ne doivent pas
être excessivement pénalisantes (comme l’indiquent
également la FSA (Financial Services Authority) et le
Trésor britannique dans leur rapport conjoint
6
). Elles
doivent plutôt refl
éter le risque supplémentaire que
ces contrats induisent pour le système. Les mesures
qui vont au-delà sont de nature à nuire à l’effi
cience
des marchés. La condition
sine qua non
du succès de
ces mesures est qu’elles soient mises en oeuvre de
façon cohérente à l’échelle internationale et en temps
opportun.
A
CCROÎTRE
LA
TRANSPARENCE
Le manque de transparence est un des facteurs
essentiels contribuant au risque systémique induit
par les marchés de dérivés OTC. Comme cela a été
mentionné précédemment, un recours plus important
aux dépositaires centraux de données a été suggéré
pour réduire l’opacité de ces marchés. Bien que les
dépositaires centraux soient déjà opérationnels pour
certains types de produits
7
, le champ d’activité,
la qualité et l’accessibilité de ces entités doivent
encore être améliorés
8
. Actuellement, les dépositaires
centraux ne diffusent que le strict minimum
d’informations. Pour remédier véritablement à
l’opacité des marchés OTC, ils doivent transmettre
leurs informations (avant et après négociation) au
moins aux autorités prudentielles compétentes.
La décision de rendre ces données publiques fait
encore l’objet d’un débat animé, dans la mesure où elle
pourrait mettre en cause les stratégies de négociation
pour compte propre. Comme c’est souvent le cas, les
décideurs doivent relever le défi
de trouver un équilibre
entre le renforcement de la sécurité des marchés, d’une
part, et le risque de nuire excessivement à l’effi
cience
des marchés et à l’innovation, d’autre part.
Il faut soutenir les propositions en vue d’accroître le rôle de la compensation par contrepartie centrale.
Une CCP offre de multiples avantages par rapport à la compensation bilatérale. Toutefois, le recours
accru aux CCP crée également un risque potentiel de concentration, susceptible de devenir systémique
si la CCP est suffi samment grande. Il est, par conséquent, essentiel que les CCP se conforment aux
recommandations et aux orientations (inter)nationales en matière de normes de gestion des risques.
En clair, elles doivent traiter uniquement les contrats pour lesquels elles sont en mesure de gérer les
risques de façon adéquate. Cela signifi e qu’il existera toujours un marché avec compensation bilatérale,
les contrats non standardisés et peu liquides ne faisant pas partie de cette catégorie. En résumé, favoriser
l’accroissement du rôle de la compensation par contrepartie centrale constitue un pas dans la bonne direction,
insuffi sant toutefois pour réduire totalement le risque systémique inhérent aux marchés de dérivés OTC.
Par voie de conséquence, le renforcement de la sécurité des marchés dérivés donnant lieu à une
compensation bilatérale doit demeurer en bonne place sur l’agenda
des décideurs au plan international.
La conjonction d’exigences en fonds propres plus élevées pour les opérations ne faisant pas l’objet d’une
compensation par contrepartie centrale et d’un accroissement de la transparence par un recours accru
aux dépositaires centraux de données contribuera à la réalisation de cet objectif. Il est essentiel, pour le
succès de l’ensemble de ces mesures, de défi nir une approche cohérente sur le plan international.
6
FSA et Trésor britannique (2009) : “
Reforming OTC derivative markets
,
a
UK perspective
”, décembre
7
Depuis 2006, DTCC – Depository Trust and Clearing Corporation
– joue le rôle de dépositaire central de données pour les dérivés de crédit et, depuis janvier 2010,
TriOptima pour les dérivés de taux d’intérêt.
8
Les dépositaires centraux de données pour d’autres produits dérivés doivent encore être mis en place.
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