Sur une conception de l Histoire sociale - article ; n°2 ; vol.14, pg 308-319
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Sur une conception de l'Histoire sociale - article ; n°2 ; vol.14, pg 308-319

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1959 - Volume 14 - Numéro 2 - Pages 308-319
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 11
Langue Français

Extrait

Fernand Braudel
Sur une conception de l'Histoire sociale
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 14e année, N. 2, 1959. pp. 308-319.
Citer ce document / Cite this document :
Braudel Fernand. Sur une conception de l'Histoire sociale. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 14e année, N. 2,
1959. pp. 308-319.
doi : 10.3406/ahess.1959.2819
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1959_num_14_2_2819ET COMBATS DÉBATS
Sur une conception
de l'Histoire sociale
Bkunner: Je suis en retard JVeue Wegeder pour parler Sozialgeschichte1, du livre compliqué, paru en alerte 1956, mais et ambigu qui vient d'Oiro seu
lement de parvenir aux Annales (à la suite d'erreurs assez fortuites). Les
historiens lecteurs de revues générales connaissaient d'ailleurs, pour les avoir
lus et appréciés en leur temps, deux des dix articles réunis dans le présent
volume : l'un, sur le problème même d'une histoire sociale de l'Europe,
publié par VHistorische Zeitschrift 3 en 1954, l'autre dans le Viertel-
jahrschrift fur Sozial- und Wirtschafts-geschichte de la même année (sur
la bourgeoisie d'Europe et de Russie) 3. A eux seuls, ils posaient déjà
certains problèmes que reprend ce livre, problèmes vastes, assez complexes,
et qui finalement mettent en cause la méthodologie entière, voire le
sens même des sciences historiques. C'est dire qu'il ne sera pas facile de
présenter un résumé exact d'un ouvrage composé, malgré son unité en
profondeur, de matériaux différents, d'une série de plaidoiries, neuf,
et même dix, puisque le chapitre vi comporte à lui seul deux études
sur les rapports de la bourgeoisie et de la noblesse à Vienne et ea Basse
Autriche (au moyen âge). Imaginez des voyages avec des points de vue
successifs et dont la succession même, trop rapide, ne se révèle à peu
près logique qu'à la réflexion. La lecture n'est pas simplifiée par les
nombreuses références rejetées, hélas, à la fin du volume : on se reporte
à la note, on perd la page, puis on recommence. Tout ce va-et-vient
s'accompagne, il est vrai, d'une assez grande joie de l'esprit.
Otto Brunner ne doit rien aux Annales et les données de son raisonne
ment ou de son expérience, ses points d'appui, sa conclusion ne sont pas
les nôtres. D'où, à nos yeux, leur importance singulière. Mais il faut de
notre part un gros effort pour comprendre et, ici ou là, saisir et percer les
subtilités de son langage. Voilà en tout cas un historien qui dit à haute
1. Neue Wege der Sozialgeschichte. Vortrâge und Aufsutze, Gœttingen, Vandenhoeck
u. Ruprecht, 1956, in-16, 256 p.
2. Tome 177, 1954, p. 469 et suiv.
3.40, p. 1 et suiv.
308 HISTOIRE SOCIALE
voix le bouleversement actuel de l'histoire et qui, fort de son métier et
de l'aide des sciences voisines, essaie de dominer les temps inquiets
qu'aborde notre spéculation. Comme il lui faut s'appuyer sur ses pairs,
' à son appel s'organise dès le départ le cortège presque complet des histo
riens allemands, ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui. Même si Otto Brunner
n'a pas leur entier acquiescement — et c'est plus que probable — il se
présente en leur compagnie, et c'est un attrait supplémentaire de son.
livre. Voici, pour nous, de vieux compagnons de lecture : Werner Som-
bart ; Max Weber ; Georg von Below qui, hier, compta parmi ses audi
teurs le jeune Marc Bloch ; Meinecke, dont la pensée est restée injust
ement étrangère, ou peu s'en faut, à l'historiographie de chez nous ;
Heinrich Mitteis, auteur d'admirables travaux sur les institutions
médiévales ; Otto Hintze, à qui l'on ferait chez nous la grande place
qu'il mérite si ses œuvres complètes n'avaient pas paru à la mau
vaise heure, en 1941 et 1942 ; Th. Mayer, d'autres encore... Non moins
nombreux, dans ces notes ou citations, les noms de nouveaux spécialistes
d'histoire de la philosophie, de sociologues, d'économistes, d'historiens
enfin : Gerhard Ritter, Werner Conze, Wilhelm Abel, Herbert Hassinger x.
Otto Brunner nous offre ainsi avec libéralité, j'allais dire en supplé
ment, un voyage à travers ces chemins anciens et nouveaux de l'hist
oriographie allemande. Mais il n'en sera que plus difficile, finalement, de
dégager le vrai visage de ce penseur trop agile, trop passionné, et que
n'effraient ni une contradiction, ni un débat inachevé. Le lecteur, peu à
peu, s'habitue il est vrai à ses procédés, à ses feintes, à ses raccourcis
immenses, à ses explications souvent excellentes ; médiéviste, notre auteur
est à la bonne jointure, la jointure même du destin de l'Occident. Mais
l'occasion lui est toujours bonne d'aller en deçà ou au delà des limites
conventionnelles du moyen âge européen, soit vers l'Antiquité, soit vers
la pleine modernité. De « Platon », dira-t-il, « jusqu'à Joachim de Flore
et à Bossuet », ou tout aussi bien « d'Homère à Fénelon »... Mais avons-
nous le droit, aux Annales, de nous plaindre de ces enjambées et de ne
pas être indulgent à l'égard d'un historien qui parle de l'Europe sans
s'attarder aux événements (« ce squelette de l'histoire », comme disait
un de nos pédagogues à courte vue), sans s'attarder aux individus, ou
alors en les présentant par rangs épais, par groupes, à titre de délégués
d'ensembles sociaux ou culturels ? JNfous le suivons, bien sûr... Mais nul
à ce jeu ne sera, répétons-le, tout à fait sûr, au sortir de plaidoiries qu'il
nous faut lire et relire une à une, de connaître la vraie pensée d'Otto
Brunner, aux prises avec des problèmes qui ne sont pas exactement les
1. Elle est de Heinrich Freyer cette citation (dans le sens même de la pensée de Max
Weber) qui m'enchante au passage, pour deux ou trois raisons : « l'époque des lumières
[VAufklârung], écrit-il, n'est pas seulement ce phénomène historique à portée limitée
que nous désignons communément par cette expression, mais l'une des tendances de
fond, pour un peu, dirions-nous, le trend de l'histoire européenne par excellence... »
309 ANNALES
nôtres, en proie à des souvenirs et à des expériences que nous n'avons
pas partagés. Je ne suis pas, au demeurant, un lecteur si indifférent que
je ne me sois arrêté, une ou deux fois, devant telle ou telle réflexion dont
le prolongement nous conduirait tout droit jusqu'au temps présent.
Mais je crois inutile de m'attarder à des interprétations de cet ordre,
difficiles et peut-être erronées. Inutile aussi de nous reporter, pour y
voir plus clair (sauf telle référence que je citerai tout à l'heure) à l'œuvre
dense et solide de notre auteur. Mon propos est de mettre en cause ce seul
livre, intelligent et fin, qui vient nous rendre visite un peu tard, et de voir
ce qu'il nous apporte sur le plan exclusif de la spéculation scientifique.
L'ORIGINALITÉ OCCIDENTALE (XP-XVIIle SIÈCLE)
RÉDUITE EN « MODÈLE »
Son premier but est de nous proposer, si je ne m'abuse, et de nous faire
accepter une histoire sociale, structurale et conservatrice, à l'opposé d'une
histoire libérale, flexible, évolutionniste. Pratiquement nous est offert,
dans les eaux de la longue durée, un certain modèle particularisé de Vhistoire
sociale européenne, du XIe au XVIIIe siècle. Ce modèle met en évidence des
continuités, des immobilités, des structures. Il délaisse l'événement,
sous-estime le conjoncturel, préfère le qualitatif au quantitatif et ne
s'intéresse pas une seconde, et c'est dommage, à la pensée mathémati-
sante d'Ernest Labrousse. L'entreprise - (limitée au contexte médiéval)
se situerait cependant sans trop de peine dans une histoire sociale, telle
que je la conçois, et qui, on le sait, a les allures et les dimensions d'une
histoire globale.
Les substantifs et les adjectifs par quoi j'essaie de cerner ainsi la pensée
d'Otto Brunner ne la définissent évidemment qu'à moitié et peuvent
la trahir. Seuls les mots que j'ai soulignés au paragraphe précédent se
retrouvent dans son argumentation avec le sens que nous leur donnons
d&#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents